Le commerce spécialisé s'inquiète de la concurrence déloyale d'Amazon et Alibaba
Le commerce spécialisé a connu une forte progression de son chiffre d'affaires en septembre, d'après Procos. Mais pour assurer une équité concurrentielle et faire face au développement fulgurant d'opérateurs du e-commerce comme Amazon et Alibaba, la fédération du commerce spécialisé demande une réforme de la fiscalité.
Le commerce spécialisé a enregistré une progression de 9,6% de son chiffre d'affaires au mois de septembre, selon l'analyse mensuelle de Procos, la fédération du commerce spécialisé, publiée le 18 octobre. La progression est de 0,8% sur les neuf premiers mois (contre - 0,8% en 2016). Tous les formats (périphérie, centre-ville) sont concernés par la reprise, a souligné Procos qui insiste sur le poids économique du commerce de détail : 3,1 millions d'emplois non délocalisables, dont 1,7 million pour le commerce spécialisé, et dont la majorité sont situés dans les villes (300.000 points de vente). Le secteur est créateur d'emplois (50.000 emplois nets ont ainsi été créés entre 2015 et 2016) et il s'étend de manière homogène sur le territoire. D'après les chiffres de Procos, 45% des enseignes nationales se trouvent dans des zones d'influence (des zones où plus de 50% des gens travaillent) de moins de 500.000 habitants, 13% dans les zones de moins de 100.000 habitants. Malgré ces résultats, la fédération s'inquiète du développement rapide des acteurs du e-commerce, comme Amazon ou Alibaba. Les envolées commerciales de ces nouveaux opérateurs donnent le vertige : "Alibaba réussit à faire 17 milliards de dollars de chiffre d'affaires en une seule journée*. Cela représente le chiffre d'affaires du bricolage en France !", a mis en avant Emmanuel Le Roch, le délégué général de Procos, lors de la présentation des résultats. La fédération souligne aussi que ces géants du commerce en ligne génèrent beaucoup moins d'emplois : 5.500 personnes pour Amazon, soit cinq fois moins que Casino à chiffre d'affaires équivalent…
"Sans allègement du coût de l'immobilier, il y a un vrai risque"
Pour Procos, l'essor de ces géants pose un problème d'équité fiscale. En moyenne, les charges locatives et les taxes foncières représentent 2% du chiffre d'affaires d'une enseigne, jusqu'à 3% pour certaines enseignes, et 4% pour les centres commerciaux. "Sans allègement du coût de l'immobilier, il y a un vrai risque", a estimé Emmanuel Le Roch, mettant en garde contre une évolution à l'américaine. Depuis plusieurs années, les Etats-Unis voient ainsi leurs "mall commerciaux" fermer. D'ici cinq ans, quelque 450 magasins de ce type auront fermé leurs portes sur les 2.000 que compte le pays. Des difficultés sont déjà mentionnées dans les secteurs hors alimentaire en France poussant les hypermarchés à se recentrer sur l'alimentaire à l'image de Casino dernièrement qui, pour 2017, donne la priorité à ce secteur au vu de la captation des marchés non alimentaires par le e-commerce. "Mais la part de marché des hypermarchés n'a pas diminué contrairement à ce qui se dit, a assuré Emmanuel Le Roch. Ce sont les supermarchés, soit jusqu'à 2.000 mètres carrés, qui ont perdu de l'attractivité."
Un moratoire d'un an sur les grandes surfaces ?
Pour assurer une équité concurrentielle, Procos propose donc une réforme de la fiscalité, à l'instar du Conseil du commerce de France (CDCF). La fédération compte en discuter avec le gouvernement.
En revanche, la demande faite par l'association d'élus et de parlementaires Centre-ville en mouvement d'instaurer un moratoire d'un an sur les grandes surfaces, est "une fausse bonne idée", d'après Emmanuel Le Roch. Cette option, déjà adoptée par certaines villes, fait partie des pistes du futur plan gouvernemental de revitalisation des villes moyennes pour 2018. Ce plan destiné à conforter l'attractivité des villes moyennes, avec une priorité pour la requalification des centres anciens dégradés, a été présenté par le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, le 12 octobre, devant les élus de l'association Villes de France. Il reposerait sur trois axes : le logement, la couverture numérique et le commerce. Au-delà d'un éventuel moratoire sur les grandes surfaces - dont l'association Centre-ville en mouvement s'est déjà félicitée, le 18 octobre, estimant qu' "enfin, le sujet n'est plus tabou" -, il pourrait prévoir des aides à la restructuration des pieds d'immeubles et au portage de grandes opérations. Mais Emmanuel Le Roch craint que sur le commerce les effets soient peu visibles si le plan ne porte que sur les centres-villes historiques. "Les actions dans ce domaine sont longues à mettre en place", a-t-il souligné.
* A l'occasion de la "Fête des célibataires", chaque 11 novembre en Chine, le géant chinois du e-commerce organise 24h de ventes à prix réduits.