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Commerce : quelles interventions des régions en appui aux intercommunalités ?

Avec la loi Notr, la compétence "politique locale du commerce" revient généralement aux intercommunalités. Les régions ont plus ou moins intégré cette nouvelle donne dans leur schéma de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Si certaines témoignent encore d'une vision un peu trop restrictive des problématiques liées au commerce, d'autres tendent toutefois à construire une véritable articulation entre leurs propres compétences et celles des EPCI dans ce domaine.

Depuis le 1er janvier 2017, la compétence "politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales" est devenue une compétence obligatoire des communautés de communes dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr). Cette compétence n'a pas de définition légale ou officielle mais elle comprend notamment le soutien, l'organisation et la promotion d'événements et d'animations à vocation commerciale (foires, salons, marchés à thèmes), le soutien, le maintien, le développement et la création dans la commune de commerces de proximité ou de première nécessité et les études de faisabilité. La compétence inclut aussi le montage, l'animation et le suivi de tous dispositifs en faveur du commerce, ou encore l'encouragement pour la mise en place d'une dynamique d'animation commerciale collective du commerce local et les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce.
Toutefois, en matière de soutien aux activités commerciales, la loi a maintenu un principe de subsidiarité entre communes et communautés. Dans ce domaine, les interventions intercommunales sont conditionnées à la référence à un intérêt communautaire. Il s'agit, autrement dit, de préciser quelles actions relèvent du niveau intercommunal et lesquelles sont de la responsabilité des communes.
Enfin, la loi a  transféré depuis le 1er janvier 2017 l'intégralité des zones d'activités économiques, dont les zones d'activités commerciales, aux communautés d'agglomération et de communes. C'était déjà le cas pour les communautés urbaines et les métropoles.

Le commerce dans les SRDEII

Comment les régions ont-elles intégré cette nouvelle disposition dans leur nouveau schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) pour la période 2017-2020 ? L'Assemblée des communautés de France (AdCF) s'est penchée sur le sujet. "Globalement, nous nous félicitons du regard renouvelé des élus locaux sur la problématique commerciale, explique Philippe Schmit, secrétaire général de l'AdCF, et nous voyons se développer l'appétence des communautés et des élus sur le sujet, qui est facilitée par une prise de conscience collective de la perversité du phénomène de développement excessif et déséquilibré du commerce lors des trente dernières années". Si certaines régions ne font pas mention du commerce dans leur SRDEII, d'après l'AdCF, le commerce est généralement perçu par les régions comme un domaine d'intervention fondamental, maintenant le lien social notamment.
La région Centre-Val de Loire l'exprime ainsi clairement dans son SRDEII : les commerces de proximité "contribuent au maintien des activités économiques indispensables à la population et aux entreprises, et assurent un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire. Ils sont générateurs d'emplois de qualité".
En Auvergne-Rhône-Alpes, "le rôle du commerce de proximité dans un urbanisme commercial maîtrisé, au regard du développement des grandes surfaces", est mis en avant. Il doit se compléter "d'une vigilance sur les formes de commerce comme les magasins d’usine et assimilés dont l’implantation non étudiée selon tous les critères d’impact fait peser d’importants risques".

Une logique de revitalisation des territoires fragilisés

Cela dit, l'AdCF regrette que les régions abordent souvent le sujet sous un angle jugé assez "restrictif". Ainsi, le SRDEII de l'Ile-de-France prévoit une intervention de la région à travers le fonds "quartiers" pour soutenir le développement de projets de commerces dans les quartiers de la politique de la ville et deux dispositifs d'aide aux commerces de proximité et à la revitalisation commerciale des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en milieu rural. La région souhaite aussi favoriser le développement des activités économiques créatrices d'emploi dont les activités de commerce de proximité dans les territoires ruraux.
Autre exemple : la région Centre-Val de Loire. Son schéma prévoit la création d'un fonds régional de garantie aux commerces de proximité, notamment ceux situés en milieu rural.
En Auvergne-Rhône-Alpes, côté transmission d'entreprises, la région va faciliter les rencontres entre cédants et repreneurs, "notamment sur les territoires en fragilité, les territoires ruraux et les quartiers prioritaires", précise le SRDEII.
Enfin, en Pays de la Loire, un nouveau fonds régional d'aide à l'investissement des commerces situés dans des territoires en situation de "fragilité commerciale" est prévu. Dans les territoires identifiés comme fragiles commercialement, les commerces de proximité (notamment les métiers de bouche, les bars-tabacs, les commerces multi-services...) bénéficieront d’un soutien financier pour la modernisation de leurs outils de travail (travaux d’aménagement, acquisition de matériel...).

Une interpellation des communautés en Occitanie et en Corse

"Quand les régions parlent du commerce, c'est dans une logique de revitalisation ou d'accompagnement des territoires fragilisés ou des espaces déshérités qui domine, soit une approche 'aménagement du territoire', regrette ainsi Philippe Schmit, la problématique commerciale n'est pas perçue comme un enjeu majeur de l'activité économique territoriale. Nous sommes loin d'une région qui s'implique dans la problématique plus générale, avec l'urbanisme commercial, le risque de surproduction…" L'AdCF note toutefois, dans certains SRDEII, notamment ceux de l'Occitanie et de la Corse, une vision plus globale, avec une interpellation, de la part des régions, des EPCI sur ce thème. En Occitanie, un long travail de concertation, à travers une conférence territoriale de l'action publique (CTAP) déclinée sur la thématique économique, a notamment permis de mettre en place une articulation des compétences entre la région et les intercommunalités dans le domaine commercial. "Nous soutenons financièrement les communautés qui lancent des opérations collectives qui contribuent à adapter l'offre commerciale et d'animations dans les centres-bourgs et les centres-ville", détaille Nadia Pellefigue, vice-présidente en charge du développement économique, de l'innovation, de l'enseignement supérieur et de la recherche à la région Occitanie. Exemples d'animations qui peuvent être financées : des opérations de promotion, la mise en place temporaire (durant un week-end par exemple) d'un stationnement gratuit ou de rues piétonnes, la rénovation des vitrines, un travail sur l'accessibilité des magasins…

Une "cascade de responsabilités"

Mais la région intervient aussi en matière d'ingénierie, à la demande des communautés. "Sur la compétence qui concerne l'immobilier d'entreprise, les EPCI nous ont dit qu'ils n'avaient ni les moyens pour l'ingénierie ni la trésorerie nécessaire et qu'ils avaient besoin dans ce domaine des capacités régionales", souligne Nadia Pellefigue. Et pour faciliter les modalités de traitement des dossiers, la région a proposé de bâtir avec chaque communauté de commune la première convention, qui sert ensuite de convention-cadre pour toutes les autres demandes de subventions pendant toute la durée du mandat. Une articulation des compétences et une organisation "sur-mesure" qui doivent permettre de répondre aux besoins spécifiques du territoire : en Occitanie, l'artisanat représente plus de 30% des entreprises et près de 20% de la population active. 71% des communes ont moins de 500 habitants, 77% ont moins de 1.000 habitants et 47% des communes de la région représentant plus d'un million d'habitants sont situées en zones de massif.  36% des communes représentant plus de 80.000 habitants sont situées en zones de montagne... Les taux de vacance des locaux commerciaux sont élevés.
Pour l'ADCF, cette "cascade de responsabilités" correspond au schéma idéal : un travail en complémentarité entre la région et les EPCI, qui disposent du pouvoir local en matière d'autorisation d'installation, au travers des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) notamment.
"En Corse, la collectivité va soutenir les intercommunalités dans cette nouvelle responsabilité qui leur incombe", assure Philippe Schmit. La collectivité territoriale de Corse compte ainsi "soutenir les intercommunalités (ou les communes) dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies en faveur du développement commercial et artisanal", précise le SRDEII. Les communautés seront fortement incitées à bâtir des stratégies d'équilibre commercial entre centre et périphérie, et des politiques de préservation du tissu commercial et artisanal au sein des centres urbains à leur échelle, voire à l'échelle des territoires de projet.