Education - Le Cnesco plonge aux origines territoriales des inégalités scolaires
Le Conseil national d'évaluation du système scolaire s'est penché sur les inégalités scolaires d'origine territoriale en France. Une étude bienvenue alors que Jean-Michel Blanquer a confirmé le 24 octobre en conseil des ministres son intention de réviser les allocations de moyens de l'Education nationale dans le cadre de la réforme de la géographie prioritaire.
"En France, le lien entre milieu social et performance est parmi l'un des plus élevés des pays de l'OCDE", rappelle l'Organisation de coopération et de développement économique dans un rapport rendu public le 23 octobre. Le lendemain, le Cnesco (Conseil national d'évaluation du système scolaire) publie une étude dans laquelle il analyse et reconnaît "Les inégalités scolaires d'origine territoriale en France".
"Dans des contextes socio-spatiaux et démographiques inégaux, l'Éducation nationale et les collectivités territoriales déploient des ressources (humaines, budgétaires, offres de formation…) qui s'avèrent très variables selon les territoires", relève le Cnesco, ajoutant que "ces inégalités fortes de ressources éducatives se développent aux côtés de disparités importantes dans l'orientation et la réussite scolaire".
En Seine-Saint-Denis, 53% des enseignants ont moins de 35 ans
Le Cnesco relève par exemple que les "métropoles millionnaires", et les grandes aires urbaines en général, concentrent les plus diplômés, que l'offre de formation n'est pas homogène sur le territoire, pas plus que l'orientation ni l'offre de langues vivantes dans le secondaire, et que les temps de transports sont particulièrement longs dans les académies de Reims, Dijon, Montpellier, Grenoble, Toulouse, Corse, Guyane et de la Réunion.
Il rappelle aussi que les enseignants de moins de 30 ans et les non-titulaires sont plus nombreux dans les territoires défavorisés, "là où se situent les plus forts cumuls de risques sociaux d'échec scolaire et de décrochage" : dans les académies de Créteil, Versailles, Amiens et de Guyane. La Seine-Saint-Denis cumule à la fois le plus fort taux d'enseignants de moins de 35 ans (53,4%, contre 23,5% en moyenne) et la part la plus faible d'enseignants présents dans l'établissement depuis plus de 5 ans (30,8%, contre 50,9% en moyenne).
Les classes sont plus chargées dans les grandes métropoles
Les inégalités se retrouvent dans la réussite aux examens. Les plus faibles taux de réussite au diplôme national du brevet (DNB) s'observent dans des cantons ruraux, dans des cantons urbains où la population est en difficulté économique et sociale, et dans les cantons d'outre-mer. En métropole, les taux les plus faibles au baccalauréat général s'observent "en milieu urbain francilien ou lyonnais paupérisé".
Le Cnesco relève aussi que la taille des classes en collège varie de 11,3 à 28,8 élèves. Les classes les plus chargées se trouvent davantage dans les territoires qui sont sous influence des grandes métropoles : Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes. Elles le sont moins dans les territoires ruraux (Haute-Marne, Puy-de-Dôme, Cantal, Nièvre, Aisne, ouest de la Picardie), ainsi que dans les communes isolées hors de l'influence d'un pôle urbain (21,6 élèves en moyenne) et dans les 10% des communes au revenu médian le plus faible (23,1 en moyenne).
Parallèlement, les collèges et les lycées ruraux offrent davantage de place à leurs élèves. La moyenne est de 20m2 par élève dans les collèges de Cantal, Lozère, Corrèze, Haute-Marne et Marne, contre 13,8 m2 dans les collèges parisiens et 11,6m2 dans ceux de l'académie de Créteil. Mais là, on ne touche plus aux ressources humaines ni à la pédagogie, on touche au bâti, domaine de compétence des collectivités.
Les départements de Haute-Marne, Landes, Nord, Hauts-de-Seine et Isère dépensent davantage pour leurs collégiens
A ce propos, le Cnesco rappelle que si l'État contribue à hauteur de 57,4% de la dépense intérieure d'éducation, il faut aussi faire avec les collectivités qui y contribuent à hauteur de 23,7%*, et particulièrement avec les communes qui assument la moitié de la part des collectivités (soit 18 milliards).
L'étude met l'accent sur le fait que "la répartition des financements n'est pas identique entre les collectivités", et même que les écarts de dépenses entre départements sont plus forts qu'entre régions. Elle note que les départements et régions du grand Nord-Ouest, et ceux de Bourgogne et de Lorraine se démarquent par des dépenses d'investissement en deçà de la moyenne ou autour de celle-ci. À l'inverse, certains départements ruraux comme la Haute-Marne ou les Landes, et des départements urbains comme le Nord, les Hauts-de-Seine ou l'Isère, dépensent plus que la moyenne pour leurs collégiens.
"Les écarts de dépenses entre les régions et les départements traduisent à la fois les choix politiques des collectivités (ex : investissement numérique) mais relèvent également de leurs contraintes territoriales (ex : transports scolaires)", souligne le Cnesco.
Concernant l'investissement dans les équipements numériques, il constate que les zones rurales ont davantage équipé leurs écoles et établissements en ordinateurs et tableaux blancs interactifs (TBI). Tandis que les départements dont les écoles sont les moins bien dotées proviennent des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Marseille et Toulouse disposent de moins de 10 ordinateurs pour 100 élèves) et des outre-mer (1 ordinateur pour 100 élèves à Mayotte).
Une "nouvelle approche de l'allocation des moyens" serait présentée au printemps prochain
Hasard de calendrier ? Le jour de la publication de l'étude Cnesco, Jean-Michel Blanquer présentait en conseil des ministres l'avancée de sa réforme éducative, dont "l'évolution de la relation aux territoires" en constituerait selon lui une des conditions de réussite. Cette évolution aurait pour objectif d'"apporter des réponses mieux adaptées aux besoins des élèves et de leurs familles". C'est dans ce cadre que la carte de France métropolitaine sera constituée de 13 académies au 1er janvier 2020 (sur le périmètre des 13 régions). Et c'est surtout dans ce cadre que sera annoncée, "pour le printemps 2019", une "nouvelle approche de l'allocation des moyens pour mieux répondre aux défis des territoires, dans l'éducation prioritaire comme en milieu rural", sur laquelle travaille la mission Azéma-Mathiot (voir nos articles ci-dessous des 3 et 5 octobre 2018).
*Le solde relevant des ménages (11,4%), des entreprises (8,6%) et des autres administrations (1,7%), chiffres de 2015.