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Education - Pisa 2015 : ni pire ni mieux

Selon le classement Pisa 2015, publié le 6 décembre par l'OCDE, le système scolaire français se situe dans la moyenne, avec l'Autriche, les Etats-Unis et la Suède. En revanche, l'enquête ne semble pas soupçonner qu'il existe une politique d'éducation prioritaire (réformée en janvier 2014, il est vrai) et pointe toujours le fait que le système français demeure plus inégalitaire que les autres, malgré une loi sur la Refondation de l'école votée en juillet 2013. Réponse de la ministre de l'Education nationale : "La politique éducative a besoin de temps long".

Globalement, les résultats de la France se maintiennent, alors que 11 pays ont vu eux leur performance se détériorer. C'est ce que l'on aimerait retenir de l'enquête Pisa 2015 de l'OCDE, rendue publique le 6 décembre, qui évalue tous les trois ans "la qualité, l'équité et l'efficacité des systèmes scolaires". La France avec un score de 495 points se situe, avec l'Autriche, les Etats-Unis et la Suède, dans la moyenne des pays de l'OCDE (493 points), derrière l'Allemagne ou la Belgique, au-dessus des 500 points, et devant l'Italie (481 points). "Cette performance est stable depuis 2006", note le rapport. Singapour arrive devant le reste du monde. Les pays de l'OCDE les plus performants sont le Japon, l'Estonie, la Finlande et le Canada.

Une politique d'éducation prioritaire ? Où ça ?

Mais entre les lignes, le rapport formule une sévère critique de l'efficacité de la politique d'éducation prioritaire en France. Elle apparaît au chapitre de l'allocation des ressources, sachant que "l'allocation équitable des ressources signifie que les établissements fréquentés par une proportion plus importante d'élèves issus d'un milieu socio-économique défavorisé sont au moins aussi bien équipés que les autres établissements, afin de compenser les inégalités du milieu familial" ; elle est mesurée sur la base des déclarations des chefs d'établissements (*). Le constat est implacable : le rapport "ne permet pas de révéler une réelle différence d'allocation des ressources entre les établissements favorisés et défavorisés en France". Pire, "il met en lumière une moins bonne répartition des ressources dans les établissements situés en milieu rural par rapport aux établissements situés en milieu urbain".
Anticipant ces résultats, Najat Vallaud-Belkacem avait prononcé la veille, à Nancy, aux assises inter-académiques de l'éducation prioritaire, un discours dans lequel elle déclarait : "Oui, nous devons donner plus à ceux qui ont moins : c'est ce principe de justice, qui a présidé à la création de l'éducation prioritaire, en 1981, par Alain Savary. Cela signifiait des moyens nouveaux, un travail en partenariat, la mise en œuvre d'un projet de réseau, la cohérence avec les actions menées au titre de la politique de la ville". La ministre assumait également le fait que la "refondation" de l'éducation prioritaire lancée en janvier 2014 "s'est voulue avant tout, et bien plus que les précédentes, pédagogique". Et elle assurait que "la situation serait nettement plus grave si l'éducation prioritaire n'existait pas", tout en reconnaissant que "les écarts de réussite des élèves demeurent importants entre ceux qui sont qui sont scolarisés en éducation prioritaire et les autres".

Les enfants de milieu défavorisé ont quatre fois plus de risque d'être en difficulté

Réagissant le 6 décembre aux résultats officiels de l'enquête Pisa 2015, Najat Vallaud-Belkacem a redit : "la Refondation de l'Ecole est loin d'être achevée. La politique éducative a besoin de temps long". Elle a appelé à "ne pas prendre les résultats Pisa 2015 de la France pour autre chose que ce qu'ils sont : un aperçu du présent, nourri des mesures passées, et qui ne nous dit rien d'un avenir que j'espère, très sincèrement, meilleur".
Quoi qu'il en soit, il se passe en France un phénomène inquiétant que la refondation de l'école n'a pas enrayé. D'un côté, la proportion de bons élèves reste stable et même supérieure à la moyenne des pays OCDE, avec 8% d'élèves très performants et 21% de performants. De l'autre, la part de ceux en difficulté augmente légèrement en 2015 (22% contre 21% en 2006), s'avérant un peu supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE.
"En France, les enfants de milieu défavorisé ont quatre fois plus de risque d'être en difficulté que les autres, contre trois fois en moyenne dans les pays de l'OCDE", souligne Gabriela Ramos, directrice de cabinet du secrétaire général de l'OCDE. Le système français demeure donc plus inégalitaire que celui de la plupart des pays de l'OCDE. Au final, le milieu socio-économique explique en France plus de 20% de la performance obtenue par les élèves de 15 ans (contre seulement 13% pour la moyenne des pays de l'OCDE).

Performance scolaire et résilience

Autre constat, les élèves des milieux les plus défavorisés sont surreprésentés dans les filières professionnelles. Et la différence de score en sciences entre les élèves des filières générales et ceux de l'enseignement professionnel est de l'ordre de 43 points en France (après prise en compte de leur milieu socio-économique), contre 22 points en moyenne dans les pays de l'OCDE.
Dans les pays de l'OCDE, 29% des élèves défavorisés sont dits "résilients", c'est-à-dire qu'ils dépassent les attentes liées à leur milieu socio-économique en termes de résultats. La France se situe légèrement en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE, avec en 2015 près de 27% d'élèves défavorisés considérés comme résilients.
Quant aux élèves immigrés de première génération, ils accusent des scores inférieurs à ceux des élèves non immigrés avec un écart de 87 points en France (contre 53 points en moyenne dans les pays de l'OCDE). Les élèves immigrés de la deuxième génération obtiennent de meilleurs résultats, mais l'écart avec leurs pairs non immigrés atteint néanmoins 50 points en France (contre 31 points en moyenne dans les pays de l'OCDE).
A noter également que, en moyenne, 24% des élèves de 15 ans en France sont scolarisés dans des établissements proposant des clubs de sciences, soit une proportion nettement en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE, qui s'établit à 39%.

Valérie Liquet avec ToutEduc

(*) En France, respectivement 73% et 68% des élèves de 15 ans sont scolarisés dans des établissements où le chef d'établissement déclare ne ressentir que "peu ou pas" de manque de matériel, et "peu ou pas" de manque au niveau de l'infrastructure de son établissement (contre respectivement 66% et 64% pour la moyenne des pays de l'OCDE). En outre, plus de 80% des élèves de 15 ans en France sont scolarisés dans des établissements où le chef d'établissement déclare ne pas avoir de problème de matériel pédagogique inadéquat ou de mauvaise qualité (contre 70% pour la moyenne des pays de l'OCDE). Selon l'OCDE, les réponses en France ne sont pas corrélées au fait que les établissements soient majoritairement fréquentés par des élèves issus de familles favorisées ou majoritairement fréquentés par des élèves issus de familles défavorisées.

 

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