Politique de la ville - Education prioritaire : "Remettre l'exigence pédagogique au centre"
"Je vois une convergence d'attention et c'est un très bon signe", a relevé ce 23 juillet le directeur général de l'enseignement scolaire, et accessoirement conseiller spécial de Vincent Peillon, devant les députés de la commission des affaires culturelles. Jean-Paul Delahaye était auditionné pour présenter le rapport de "diagnostic sur la politique de l'éducation prioritaire" établi par le ministère de l'Education nationale dans le cadre de "la modernisation de l'action publique". "Nous n'avons pas réussi à réduire les écarts de réussite entre les zones d'éducation prioritaires et le reste du territoire, les résultats scolaires stagnent à l'école et régressent au collège", a rappelé en préambule Jean-Paul Delahaye. Un constat d'échec dû en partie selon lui à trois principales causes : le pilotage discontinu de l'éducation prioritaire, avec des périodes de relance suivies de périodes plus calmes voire d'oubli, alors qu'"il faut une action durable pour obtenir des résultats", a-t-il affirmé ; "le saupoudrage" des moyens alors que "de nombreux établissements en éducation prioritaire ne répondent plus aux critères de l'éducation prioritaire", et donc une mauvaise gradation des réponses en fonction des niveaux de difficultés, et enfin conséquence de ce deuxième point, des moyens pas suffisamment concentrés sur l'essentiel. "Il ne faut pas plus d'adultes pour faire régresser l'échec scolaire, il faut du qualitatif", a résumé le directeur.
"Refuser d'abaisser le niveau d'exigence"
Ce constat établi, l'éducation prioritaire apparaît pour Jean-Paul Delahaye comme "un miroir grossissant" des problèmes de l'école, voire de la société toute entière. Selon le directeur général de l'enseignement scolaire, les problèmes sont sur tout le territoire de même nature mais pas de même ampleur. "C'est, explique-t-il, dans ces établissements que 'l'effet maître' est le plus essentiel, que la taille de l'établissement joue le plus, que les difficultés dans les collèges sont les plus importantes. C'est aussi là que la question de la cohérence de l'action éducative, que celle des relations avec les familles, que la question du pilotage se posent avec le plus d'acuité..."
S'il faut se recentrer sur l'éducation prioritaire, Jean-Paul Delahaye insiste sur le fait que l'éducation prioritaire ne doit pas être "un système à part", et "ce qui doit y être fait doit être fait partout". Partout, il faut "remettre la pédagogie au centre de l'action", et se refuser à abaisser le niveau d'exigence. "Les gens de ces quartiers veulent une vraie école, ils ne le disent pas comme ça mais ils ne veulent pas qu'on achète la paix sociale", explique Jean-Paul Delahaye. Et d'affirmer : "Etre exigeant c'est les respecter."
Donner davantage d'autonomie
Le directeur a également souligné l'importance de faire confiance aux acteurs de terrain en leur donnant d'avantage d'autonomie. Selon lui, il faut aussi "renforcer le pilotage à tous les niveaux avec l'ensemble des partenaires", "je n'oublie pas le ministère de la Ville", a-t-il souligné. Un pilotage qui passera par une "contractualisation, afin d'évaluer le travail réalisé dans ces futurs réseaux de l'éducation prioritaire quel que soit le nom qu'ils auront à l'avenir".
Le ministère devra également "éviter les effets de seuil", avec un mécanisme d'attribution des aides mieux ciblé, et une progressivité des dotations "la cible devra rester une cible pédagogique", selon Jean-Paul Delahaye qui a par ailleurs souligné "l'important chantier d'une politique de ressources humaines adaptée" afin de mieux accueillir les personnels éducatifs dans ces territoires et éviter le turnover qui dans certaines écoles, atteint 100% d'une année sur l'autre. "Sans faire de cliché, je connais beaucoup d'établissements où les personnes les plus anciennes sont des élèves, ils sont la mémoire de l'établissement, comment concevoir une véritable politique éducative dans cette situation", interroge-t-il ?
"Une sortie en douceur de certaines zones prioritaires"
Quant au chantier du "rezonage" des zones prioritaires d'éducation, s'il est déjà entamé, Jean-Paul Delahaye a indiqué les sempiternelles grands principes qui doivent le guider : "il faut une cohérence du territoire", il faut "renforcer la priorité sur les zones les plus en difficulté" et "sortir du dispositif certains établissements qui ne présentent plus les caractéristiques qui justifiaient leur classement en éducation prioritaire". Rien de bien neuf sous le soleil de la politique d'éducation prioritaire mais un aveu : "On a toujours parlé de se recentrer sur les territoires les plus en difficulté mais en réalité à chaque fois, on a allongé la liste." Et de citer un passage de la circulaire du 28 décembre 1981 signée d'Alain Savary, "première circulaire qui a lancé la politique d'éducation prioritaire dans notre pays" : "S'il apparaît nécessaire de prévoir une action soutenue sur plusieurs années, il serait peu souhaitable d'envisager une assistance permanente qui risquerait d'aboutir à des ghettos scolaires."
Des assises en novembre
Afin de valider ce diagnostic, Jean-Paul Delahaye a annoncé ce 23 juillet qu'en novembre prochain se tiendront des assises académiques ouvertes aux acteurs de l'éducation prioritaire et aux partenaires du système éducatif pour permettre au ministre de l'Education nationale de dresser des perspectives et mettre en place un plan d'action pour l'éducation prioritaire début 2014. Auparavant, "début octobre", l'administration aura organisé des demi-journées banalisées dans les établissements.