Education prioritaire - Refondation de l'éducation prioritaire : même zonage, plus de moyens
La refondation de l'éducation prioritaire, présentée en Conseil des ministres du 15 janvier puis détaillée à la presse le lendemain par Vincent Peillon, prévoit le maintien du nombre de réseaux d'éducation prioritaire (environ un millier de "REP"), mais avec une redistribution du budget de l'Education nationale en leur faveur. Entre 300 et 400 millions d'euros de plus se dirigeraient progressivement chaque année vers les collèges et écoles des quartiers populaires, sous forme d'enseignants supplémentaires (notamment dans le cadre du dispositif "plus de maîtres que de classes") et mieux rémunérés, d'ouvertures de classe pour les enfants de moins de 3 ans, mais aussi des crédits en faveur du service public numérique, des parcours artistiques, des accompagnements scolaires, des innovations pédagogiques… autant de dispositifs déjà énoncés, annoncés et - surtout - programmés. Ce qui permet à Vincent Peillon de rassurer : "nous sommes à budget constant !"
Un millier de REP, dont 300 REP+
Le nombre de REP ne bougera pas, assure le ministre. Il ne cache toutefois pas que certains pourraient entrer et d'autres sortir du dispositif (de l'ordre de 5 à 10%, soit entre 50 et 100 réseaux concernés tout de même). Sur le millier de REP que compte aujourd'hui le pays, 350 sont en dispositif "Eclair". Ceux-là muteraient en REP+ et bénéficieront de moyens encore plus importants.
Ces moyens seront alloués "en fonction de la difficulté sociale à laquelle font face les réseaux concernés", explique le ministère. Ils seront calculés via un "indice social unique", lequel permettra de "mesurer les difficultés rencontrées par les élèves et les parents, et leurs conséquences sur les apprentissages". Cet indice prendra en compte plusieurs indicateurs : la part d'élèves dont les parents ont des professions et des catégories socioprofessionnelles défavorisées, la part d'élèves boursiers, la part d'élèves résidant en ZUS (zones urbaines sensibles) et la part d'élèves arrivant en 6e avec au moins un an de retard.
C'est à la rentrée scolaire 2014 qu'une centaine de REP+ (volontaire, choisi sur proposition du recteur) entreront en phase de préfiguration. "Préfiguration et pas expérimentation", insiste Vincent Peillon, "on est dans la mise en œuvre, il ne s'agit pas ici de savoir si cela marche ou pas". Et c'est à la rentrée 2015 que le dispositif sera déployé à l'ensemble des REP.
Un référentiel pour l'éducation prioritaire
Chaque réseau établira pour quatre ans son projet, en s'appuyant sur ce qui est attendu de lui et qui est expliqué dans un "référentiel pour l'éducation prioritaire", rédigé en partie grâce aux remontées d'expériences lors des assises de l'automne 2013 sur le sujet. Dans ce document de 18 pages, 16 lignes sont consacrées à la "coopération avec les partenaires".
Il y est dit par exemple que "les liens sont établis avec les associations péri-éducatives existantes (sport, santé, citoyenneté…)". Ou encore que dans le cadre du volet "santé" du projet de REP "des relations sont établies avec les services sociaux et de santé", en citant "PMI, assistante sociale de secteur, aide sociale à l'enfance…" Quant au volet "climat scolaire" du projet de REP, il doit s'établir "avec la mairie, le conseil général et la police pour l'amélioration des abords et de leur sécurité".
Pour ce qui est de la mixité sociale, Vincent Peillon ne renonce pas. Il entend s'attaquer aux effets pervers de l'assouplissement de la carte scolaire en rendant "attractifs" les collèges des quartiers sensibles, en faisant de ces établissements "des lieux d'excellence". "Vous voulez faire du russe ? C'est à Vaulx-en-Velin !", a-t-il lancé aux journalistes pour illustrer son propos. La nouvelle "attractivité" passerait ainsi par les enseignements qui y seront proposés (par exemple en langues vivantes), mais aussi les pratiques et les innovations pédagogiques, les parcours éducatifs et culturels, l'offre numérique…
Valérie Liquet
RAR, REP, ZEP : séance de rattrapage sur les acronymes de l'éducation prioritaire
Les zones d'éducation prioritaires (ZEP) sont créées en 1982 suivant l'idée de "donner plus à ceux qui ont moins". En 1999 sont mis en place les réseaux d'éducation prioritaire (REP), lancés par Ségolène Royal dans des bassins scolaires défavorisés.
En 2006, sous Gilles de Robien, les ZEP-REP sont scindés : les plus défavorisés deviennent des réseaux ambition-réussite (RAR) et concentreront le plus de moyens, les autres se transforment en réseaux de réussite scolaire (RSS), avec des publics plus hétérogènes.
En 2010, sous Luc Chatel, 105 établissements, essentiellement en RAR, passent sous le label Clair (Collèges, lycées pour l'ambition et la réussite). A la rentrée 2012, ce dispositif est élargi à des écoles, l'acronyme devient Eclair. Les chefs d'établissement peuvent recruter directement les enseignants avec la volonté d'attirer des professeurs chevronnés. Faute de candidats suffisants, une partie des postes est pourvue par des contractuels et des jeunes. Dans ces établissements, les professeurs touchent une indemnité d'une centaine d'euros par mois. Les collèges Eclair bénéficient théoriquement d'un meilleur taux d'encadrement avec 12,6 emplois pour 100 élèves (dont 8,4 enseignants), contre 6,5 emplois pour 100 élèves (dont 4,8 professeurs ailleurs).
Or, les collèges Eclair ont beaucoup plus de professeurs non titulaires (10% contre 5,8% hors éducation prioritaire) et les professeurs y demandent plus souvent à partir (27,5% contre 13,6% ailleurs). 70% ont moins de cinq ans d'ancienneté, 48% moins de deux ans, ce qui rend difficile de monter ou de poursuivre des projets pédagogiques.
Les RRS et les Eclair concernent 18% des écoliers, 20% des collégiens et 2% des lycéens.
AFP