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Budget 2014-2020 - L'augmentation du budget européen ne profitera pas à la PAC

La bataille budgétaire européenne ne fait que commencer avec la présentation, mercredi 29 juin, des propositions de la Commission pour la période 2014-2020. Un budget en augmentation de 5% qui profitera aux politiques d'investissement et de compétitivité, au détriment de la politique régionale et, surtout, de la PAC qui apparaît comme la grande perdante. La Commission retient également trois idées force : la taxe sur les transactions financières, la création des régions en transition et le recours aux emprunts obligataires.

La Commission européenne a présenté mercredi soir une communication sur ses propositions pour le nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne 2014-2020. Ignorant les injonctions de la France, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, notamment, qui exigeaient un gel du budget européen, la Commission a décidé de proposer un budget en hausse de 5% pour cette période. L'augmentation du budget de l'Union européenne (soit 1.025 milliards d'euros sur l'ensemble de la période) marque la volonté ambitieuse de la Commission européenne de renforcer les politiques communautaires.
Malgré quelques réserves, le Parlement européen, le Comité économique et social européen (Cese) et le Comité des régions, destinataires de cette communication, ont accueilli les propositions favorablement. "L'argent des contribuables doit être dépensé sur des priorités claires et des projets visibles qui contiennent une valeur ajoutée au niveau européen et répondre aux besoins et attentes des citoyens de l'UE. La proposition de la Commission pour un budget pluriannuel pour 2014-2020 voit juste en mettant l'accent sur l'investissement et la croissance", a ainsi déclaré Jean-Paul Delevoye, président du Cese. Le député européen Alain Lamassoure, président de la Commission des budgets du Parlement européen, se dit quant à lui heureux de voir que les propositions de la Commission "reflètent les principales priorités du Parlement européen : dépenser mieux où l'Europe est nécessaire, pour économiser de l'argent ailleurs. Et surtout, trouver de nouvelles sources modernes et européennes de revenu afin que les contributions nationales puissent être abaissées. Pas de salut aujourd'hui sans austérité budgétaire, pas de croissance de demain sans investir dans l'avenir".

Les gagnants du nouveau budget

Conscient du climat d'austérité économique, Janusz Lewandowski, commissaire chargé de la programmation financière et du budget de l'UE, a présenté les grandes politiques communautaires prioritaires qui "produisent une réelle valeur ajoutée" auxquelles bénéficiera principalement le nouveau budget. A ce titre, les lignes de crédit destinées aux projets d'infrastructures transfrontalières dans les domaines du transport, des télécommunications et de l'énergie, ainsi que la recherche et le développement, ainsi que la lutte contre le changement climatique ont été revues à la hausse.
La Commission européenne a également mis fin au débat sur les ressources propres de l'Union européenne en proposant la mise en place d'une nouvelle taxe sur la valeur ajoutée européenne afin d'alimenter le futur budget de l'UE entre 2014 et 2020 – idée promue entre autres par la France et l'Allemagne. En ponctionnant de manière uniforme dans tous les pays de l'Union européenne une partie de la TVA collectée sur place, cette contribution serait transférée directement dans le budget européen et permettrait de rapporter quelques 30 milliards d'euros par an. Les contributions nationales des Etats, soit 76% du budget de l'UE aujourd'hui, seraient alors réduites d'autant. Selon Janusz Lewandowski, "les nouvelles ressources pourraient représenter à l'horizon 2020 plus de 40% du budget de l'Union européenne ".

Politique régionale et de cohésion en demi-teinte

Les montants prévus pour la politique économique, sociale et territoriale ont eux considérablement augmenté en chiffres nets : alors que dans la précédente programmation, la politique régionale était financée à hauteur de 347 milliards d'euros, l'enveloppe proposée par la Commission pour la période 2014-2020 s'élève à 376 milliards d'euros, soit 35 % du budget total.
L'augmentation ne se traduira néanmoins pas par un gonflement du budget réel alloué aux régions dans le cadre des fonds structurels ou de cohésion puisque la Commission a décidé d'inclure dans les fonds régionaux 40 milliards d'euros réservés à un fonds pour des infrastructures européennes pour "l'interconnexion en Europe". Ce nouveau fonds, géré par la Commission et non les régions, visera à encourager les projets d'infrastructures (transport, énergie, technologies d'information) et aura vocation à encourager le recours aux emprunts obligataires européens de projets (voir encadré ci-dessous). Seuls dix milliards (prévus en plus des 40 milliards), issus du fonds de cohésion, seront gérés par les régions, au bénéfice des transports.
Le financement de la politique régionale concernera un nombre plus restreint de priorités pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020. Les régions les plus développées devront non seulement consacrer au moins 20% de leur enveloppe à des projets d'efficacité énergétique mais aussi investir dans la compétitivité des PME et dans l'innovation. Le suivi des résultats de la politique régionale sera plus étroit et la conditionnalité des aides renforcée (possibilité de suspension ou d'annulation des fonds).
Si le Comité des régions est convaincu que "la politique de cohésion sera jugée sur sa capacité à produire des résultats visibles", Mercedes Bresso, sa présidente, déplore que "les dispositifs proposés pour la conditionnalité paraissent bien complexes". Selon elle, "il faudra attendre les propositions de règlement à l'automne pour en juger".
Le document de la Commission européenne confirme également la mise en place de régions "en transition" (aussi appelées "intermédiaires"). Parmi les 51 régions concernées, 49 sont issues des anciens Etats membres dont 10 françaises (Picardie, Basse-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Franche-Comté, Poitou-Charentes, Limousin, Languedoc-Roussillon, Corse et Martinique). Selon cette liste encore provisoire, l'Auvergne ne bénéficierait donc pas du nouveau régime. Quelques nouveautés ont par ailleurs été introduites par la Commission européenne en matière d'absorption des fonds. Elle propose par exemple de limiter à 2,5% du PIB les dotations en faveur de la cohésion et de relever temporairement le taux de cofinancement des programmes, pour diminuer d'autant la part que les Etats se doivent d'apporter.

Gel de la PAC

Nul doute que la politique agricole est la seule politique communautaire à ne pas profiter de l'augmentation budgétaire européenne. Les volumes financiers alloués à la PAC ont en effet finalement été gelés à leur niveau de 2013, soit un plafonnement à 371,7 milliards d'euros sur la période. Dans le budget en cours, le montant programmé représente 413 milliards d'euros. En y ajoutant l'inflation et la possible hausse des moyens financiers européens, l'enveloppe 2014-2020 se rapprochera donc du budget actuel mais fera tout de même passer la PAC sous la barre des 40% du budget global de l'UE qu'elle représente actuellement. Aux aides directes, qui soutiennent directement la production des exploitants (280 milliards d'euros sur la période), s'ajouteront les fonds de développement rural (aides à l'aménagement des zones rurales…) ainsi que la mise en place d'un fonds européen d'ajustement à la mondialisation pour les agriculteurs.
Le budget de l'Union européenne sera maintenant âprement discuté par les principales institutions destinataires de cette communication jusqu'à la fin 2012. Le Conseil de l'Union européenne, tout particulièrement les principales puissances économiques, devrait être le principal détracteur de ces propositions budgétaires face au Parlement et à la Commission. Berlin a déjà fait savoir dans un communiqué, jeudi, que ce budget allait "nettement au-delà du supportable". Pour Paris, il est "insupportable".

Lena Morel / Welcomeurope

 

Les emprunts obligataires européens de projets

Présentée en décembre 2010 par le président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, l'idée de recourir à des emprunts obligataires européens pour financer de grands projets d'infrastructures divise les Etats membres de l'Union européenne. L'objectif principal serait de créer des obligations de grande qualité, émises par la Banque européenne d'investissement, pour attirer les investisseurs institutionnels. Ainsi, l'Union européenne pourrait investir une partie de son budget pour financer des projets-clés pour sa compétitivité, tout en améliorant la cote des obligations émises par les investisseurs privés.
 

L.M.