Europe - Politiques européennes : "Les négociations les plus dures de l'histoire de l'Europe"
L'avenir budgétaire européen se joue actuellement sur deux fronts simultanés : la préparation du budget 2012 et celle du budget pluriannuel pour l'après-2013, alors qu'on ne sait toujours pas si la future programmation sera de sept ans, comme actuellement. Avant d'attaquer les grandes manoeuvres, il faut déjà passer le cap de l'année prochaine, avec une accélération des paiements à venir vu que les projets de la programmation 2007-2013 arrivent à maturité. Au moment où tous les Etats sont sur le chemin de la rigueur, la Commission est prête à consentir elle aussi une cure d'austérité. "Les institutions ne peuvent pas se cacher derrière de beaux discours, il y a des mesures d'austérité partout, nous aussi nous devons faire des efforts budgétaires", a ainsi déclaré Patrizio Fiorilli, porte-parole du commissaire au Budget, Janusz Lewandowski, jeudi 17 mars, lors d'un débat sur "les politiques européennes à l'heure des crises", organisé organisé par Toute l’Europe, en partenariat avec la Direction de l'information légale et administrative (Dila) et Europe Direct Paris Ile-de-France. Récemment, a-t-il rappelé, le commissaire polonais a remis une lettre à ses collègues de la Commission et aux autres institutions pour leur demander de limiter à 1% l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement. En clair, cela signifie moins de déplacements, moins de conférences, moins de publications… Aujourd'hui, les coûts administratifs de l'Union s'élèvent à 8,3 milliards d'euros, soit 5,7% du budget total. "L'effet sera donc avant tout psychologique", estime Fabrizio Fiorelli, surtout avant d'aborder le gros dossier du moment : l'avenir des politiques européennes, tout particulièrement la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion qui concentrent à elles seules 80% des crédits européens. Mais le vote par les députés européens, le 3 mars, d'une augmentation de 1.500 euros par mois de leur budget de frais d'assistants (ce qui aura pour effet d'augmenter de 13,2 millions d'euros par an les dépenses du Parlement européen) adresse un mauvais signal.
Ressources propres
"On s'attend à des négociations les plus dures de l'histoire de l'Europe", a déclaré le porte-parole. Les "hostilités" ont commencé dès le mois de décembre lorsque Londres, Paris et Berlin ont demandé à la Commission un gel du budget européen pour les dix ans à venir. Or la Commission s'apprête à présenter au mois de juin ses propositions budgétaires pluriannuelles, dans lesquelles elle tentera de faire passer son projet de ressources propres. Aujourd'hui, le budget européen est composé à 75% de contributions nationales (environ 246 euros par habitant et par an). L'idée serait de les diminuer pour les compenser par de nouvelles taxes. Plusieurs pistes sont sur la table : taxe sur les transactions financières et les bénéfices des banques, taxe sur les émissions de gaz carbonique, taxe sur les billets d'avion... Alors que la crise force les Etats à réduire leur train de vie, cette baisse de leur contribution pourrait être ressentie comme un soulagement. Mais arriver à mettre tout le monde d'accord s'avère ardu, tant les intérêts divergent. "Ce sera très difficile politiquement car chacune de ces mesures va faire mal : l'idée d'une taxation sur l'aviation ne va pas faire plaisir aux pays du Sud, notamment, qui vivent du tourisme", a prévenu Patrizio Fliorelli, pour qui le sujet est très vite "émotionnel". Et la taxe sur les transactions financières ne devrait pas davantage satisfaire les places financières comme Londres... "Nous sommes prudents sur cette question des ressources propres mais nous sommes ouverts sur l'idée", a toutefois assuré Fabrice Robert, directeur-adjoint du cabinet de Laurent Wauquiez, le ministre délégué aux Affaires européennes. Encore faudra-t-il trouver un accord entre Conseil et Parlement, ce qui risque de prendre du temps. En attendant, chacun à tendance à tirer la couverture à soi. La Grande-Bretagne n'entend pas renoncer à son fameux chèque retour obtenu par Margaret Thatcher en 1984. Quant à la France, qui fait cause commune avec l'Allemagne, elle a clairement fait le choix du maintien de la PAC, quitte à sacrifier une partie des fonds structurels. Ce qui n'est pas du goût des pays de l'Est... "Ce n'est pas qu'une question de vases communicants", a insisté Catherine Trautmann, la présidente de la délégation socialiste au Parlement européen. Selon elle, la bataille pour la PAC, la politique de cohésion et les ressources propres se joue dans "les opinions publiques qui doutent doublement des politiques nationales et de l'Europe". "La désolidarisation des Etats membres constitue le risque le plus grave", a-t-elle averti. "Angela Merkel nous a embarqués dans un débat négatif par rapport à la Grèce, bloquant toute réponse rapide... Il faut des contraintes, des règles, des contraintes, mais on ne peut pas répondre que par la sanction." Il n'est pas sûr que l'opinion publique allemande, qui a déjà fait les frais d'une réunification coûteuse, soit du même avis.