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Sécurité - La vidéoprotection sous surveillance renforcée de la Cnil

Forte de son nouveau pouvoir en matière de vidéoprotection, la Cnil a effectué 150 contrôles en 2011, scrutant gares, écoles, musées, collectivités locales... Résultat : des manquements importants, comme l'absence d'information. Dans un guide réalisé en partenariat avec l'Association des maires de France, elle aide les maires à s'assurer qu'ils sont en conformité avec la loi.

"Big brother is watching you !" Il est désormais difficile d'échapper à l'une des 935.000 caméras installées en France. Dans la rue, dans les parkings, les gares, le métro, les bus, les magasins, les entreprises... elles sont omniprésentes. Sur le total, un peu moins de 38.000 caméras ont été installées sur la voie publique à l'initiative des collectivités locales et avec l'appui du plan national de déploiement, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. 
Les garde-fous mis en place par la loi et la réglementation sont-ils pour autant suffisants et respectés ? La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) vient de publier un dossier qui dresse un état des lieux des pratiques et du droit en matière de vidéoprotection et de vidéosurveillance. Par ailleurs, elle adresse aux maires, dont le rôle est central, des recommandations spécifiques dans un guide réalisé en partenariat avec l'Association des maires de France (AMF).
L'installation des caméras vidéo est soumise à deux régimes différents selon qu'elles sont situées dans des lieux ouverts ou non au public. Dans le premier cas, sur l'espace public, les dispositifs relèvent du Code de la sécurité intérieure et font l'objet d'une autorisation préfectorale après avis d'une commission départementale présidée par un magistrat. Dans le second cas, dans les bureaux et immeubles d'habitation, la vidéosurveillance est soumise aux dispositions de la loi Informatique et liberté du 6 janvier 1978 modifiée et à déclaration auprès de la Cnil. La terminologie a été modifiée : en extérieur, on ne parle plus de vidéosurveillance mais de vidéoprotection. Ainsi grâce à un artifice sémantique, le "watching you" qui fait peur est devenu "protecting you" …

30% des dispositifs contrôlés fonctionnent sans autorisation préfectorale

Aussi pour introduire de nouvelles sécurités, depuis la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 (Loppsi 2), les pouvoirs de contrôle de la Cnil ont été étendus aux systèmes de vidéoprotection. De sa propre initiative, ou à la demande de tiers, la commission peut s'assurer qu'ils sont conformes aux règles en vigueur. Dès la première année, en 2011, la Cnil a effectué 150 contrôles dont 25% auprès du secteur public : gares, écoles, musées, collectivités locales. Les manquements relevés demeurent importants. L'absence d'autorisation ou de renouvellement de l'autorisation préfectorale représenterait plus de 30% des cas, et d'autres insuffisances ont été pointées, comme le manque, voire l'inexistence d'information des personnes (40%), l'absence de masquage des zones privatives d'immeubles, une durée de conservation excessive (10%) et des mesures de sécurité insuffisantes (20%).
Aussi, pour assurer un meilleur respect de la loi, la Cnil vient de réaliser avec l'AMF un vademecum sur la vidéoprotection des lieux publics à l'adresse des maires "pour assurer la sécurité collective et le respect des libertés individuelles" (voir encadré ci-dessous). Elle reprend notamment les principales règles édictées par la loi et propose une démarche en dix points garantissant la régularité des projets envisagés : objectifs, périmètre de délimitation, information du pubic, durée de conservation des données, sécurité...

Des capteurs vidéo à la verbalisation à distance

La Cnil s'intéresse également à l'évolution des technologies et du droit. Elle prévoit d'étendre ses contrôles dans les prochains mois à la "vidéoverbalisation" qui autorise la délivrance de contraventions à distance par des agents assermentés. Ces procédures commencent à se répandre dans quelques grandes villes comme Nice, Marseille, Chartres, Aix-en-Provence. D'une manière générale, les technologies progressent et contribuent à accroître la performance des systèmes de surveillance qui se miniaturisent, passent en numérique et offrent la haute définition. L'apparition des capteurs vidéo, l'introduction de la multifonctionnalité permettant de basculer temporairement en mode vidéo un capteur dédié au stationnement en cas d'incident, ou l'apparition de logiciels puissants permettant le suivi automatique d'un véhicule à partir d'une simple indexation informatique de l'objet (en principe interdit en France) renforcent peut-être la sécurité mais sont autant de menaces potentielles pour la protection de la vie privée.
Le travail de la Cnil s'est sensiblement complexifié au cours des dernières années. La technologie n'est pas réellement en cause. Elle permet même dans certains cas de se conformer plus aisément aux règles adoptées par le législateur. Il est par exemple relativement aisé de flouter automatiquement les visages à partir d'un capteur vidéo. Mais elle va contraindre les institutions de contrôle comme la Cnil à fonctionner sur des modes de plus en plus agiles pour s'adapter au changement, et à  renforcer leur volet "dissuasion" pour réduire un taux de non-respect des règles encore trop élevé dans notre pays.

Philippe Parmantier / EVS

Les 10 points de vigilance à l'adresse des maires
 

Le vademecum consacré à la vidéoprotection des lieux publics, publié par la Cnil avec le concours de l'AMF, passe en revue les principales règles à respecter par les collectivités.
1 - Finalités : les objectifs du système de vidéoprotection - protection des bâtiments publics, régulation des flux de transport, prévention des atteintes à la circulation des personnes - doivent être expressément formulés pour obtenir l'autorisation préfectorale préalable à la mise en oeuvre,
2 - Délimitation : l'emplacement des caméra fixes ou encore les périmètres géographiques placés sous vidéoprotection doivent être définis,
3 - Contact : le maire désigne au sein des services municipaux l'interlocuteur compétent chargé de répondre à toutes les demandes concernant le système (droit d'accès, signalement de problèmes…),
4 - Information : le public doit être informé qu'il entre dans une zone placée sous vidéoprotection, soit à l'entrée de la commune soit à l'entrée des zones concernées. Prévoir un affichage clair et visible sous forme de pannonceaux,
5 - Droit d'accès : toute personne peut s'adresser à la mairie pour accéder aux renseignements qui la concernent sans toutefois porter atteinte aux droits des tiers, 
6 - Réactivité : le maire s'engage à ce que tout incident ou problème signalé soit examiné dans les meilleurs délais,
7 - Conservation : l'arrêté préfectoral d'autorisation fixe la durée de conservation des enregistrements qui est dans tous les cas inférieure ou égale à un mois,
8 - Habilitations : le maire désigne les personnes habilitées à exploiter le système et à accéder aux images en raison de leur fonction. Leur nombre est strictement défini et restreint. Elles doivent être informées de la réglementation en vigueur,
9 - Sécurisation : la sécurité du système et la confidentialité des images doivent être assurées et tout particulièrement l'accès à la salle d'exploitation et au système d'information.