La réindustrialisation pour relancer le quinquennat ?
Emmanuel Macron doit dévoiler ce jeudi 11 mai à l'Elysée sa stratégie pour accélérer la réindustrialisation. Il ouvre ainsi une séquence de plusieurs jours sur ce thème, jusqu'à la présentation en conseil des ministres, le 16 mai, du projet de loi industrie verte. Un texte qui nourrit beaucoup d'attente chez les élus locaux mais aussi quelques craintes sur les compétences du maire en matière d'urbanisme. Les élus souhaitent aussi connaître les conditions de la poursuite du programme Territoires d'industrie, inscrite noir sur blanc dans la feuille de route d'Elisabeth Borne.
A partir de ce jeudi 11 mai, Emmanuel Macron ouvre une longue séquence sur le thème de la réindustrialisation. Il présente à l'Elysée devant plusieurs centaines d'industriels, représentants des collectivités et d'associations sa stratégie pour "accélérer" la "réindustrialisation". Le lendemain, vendredi, il se rendra à Dunkerque où le groupe taïwanais ProLogium veut implanter une quatrième "gigafactory" de batteries pour véhicules électriques en France. 3.000 emplois sont attendus avec une entrée en production en 2026. Lundi, à Versailles, il participera à la 6e édition de Choose France, le grand rendez-vous des investisseurs étrangers. Et enfin, le 16 mai, sera présenté en conseil des ministres le fameux projet de loi sur l'industrie verte en préparation depuis plusieurs mois par les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure.
Riche programme, conforme avec les priorités de la feuille de route qu'Elisabeth Borne a présentée le 26 avril dernier à l'entame de ces "100 jours" qui doivent conduire l'exécutif jusqu'au 14 juillet, espérant ainsi tourner la page de la tumultueuse réforme des retraites (voir notre article du 26 avril 2023).
Un bilan en dents de scie
Le chef de l'Etat devrait profiter de cette rencontre, jeudi, pour défendre le bilan de ses six années au pouvoir en matière d'industrialisation, le pays ayant retrouvé le chemin de la création d'usines, fait-on valoir dans son entourage : 300 créations nettes depuis 2017, après en avoir perdu 600 entre 2008 et 2016. Un retour en dents de scie cependant, avec le creux de la période covidienne et les tensions liées à la guerre en Ukraine et leurs conséquences sur le coût de l'énergie et des matières premières, grevant la reprise attendue. D'ailleurs si l'on boit la coupe de la "réindustrialisation" jusqu'à la lie, celle-ci ne se traduit pour l'heure ni dans la production industrielle, ni dans la balance commerciale et pas davantage dans la part de PIB. Mais on assiste à une "accélération très forte des tendances", sur fond de lutte contre le changement climatique, souligne-t-on à l'Elysée. Et les subventions massives de l'Inflation Reduction Act américain comme les velléités très fortes de la Chine poussent à un changement de braquet. Mis à mal par ses récents déplacements, le chef de l'Etat veut ainsi reprendre la main, quitte à reprendre à son compte le projet de loi industrie verte dont il doit dévoiler les principaux axes. Il devrait aussi donner quelques gages sur la poursuite du programme Territoires d'industrie lancé en 2018 et qualifié de "vraie réussite" par ses conseillers. Sa poursuite "fait partie des questions qui se posent en ce moment, mais cela doit être fait en concertation avec les collectivités".
"L'acceptation locale est essentielle"
Sur tous ces sujets, les collectivités - surtout les régions et les intercommunalités - sont aux aguets, après avoir subi la désillusion du programme France 2030. La feuille de route d'Elisabeth Borne a inscrit noir sur blanc la volonté de "relancer le programme Territoires d’industrie pour intégrer de nouvelles priorités (transition écologique, sobriété foncière, innovation, médicaments) et l’adapter à de nouvelles politiques, comme France 2030". De bon augure pour Intercommunalités de France qui manifestait quelque impatience ces derniers jours (voir notre article du 24 avril 2023). Mais "pour réussir la territorialisation de France 2030 que la Première ministre appelle de ses vœux, le lien avec Territoires d’industrie est indispensable. Territoires d’industrie doit être le pendant territorial de France 2030", soutient l'association d'élus. Et il reste à connaître les moyens qui seront déployés.
Si les associations d'élus avaient plutôt vu d'un bon œil les orientations prises par le futur projet de loi industrie verte (voir notre article du 4 avril 2023), une disposition fait tiquer le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), dans son avis du 5 mai. Il s'agit de l'article 7 qui donnerait autorité aux préfets pour modifier unilatéralement les documents d'urbanisme afin d'accélérer les procédures des projets industriels d'intérêt national. Cet objectif porterait atteinte "aux compétences du maire en matière d'urbanisme", à la libre administration des collectivités et au principe de subsidiarité, ont avancé les élus siégeant au CNEN, faisant valoir que la lenteur des procédures "n'est pas due à l'inaction des maires mais à la surabondance de la règlementation". Ils estiment aussi que "l'acceptation locale du déploiement d'implantations d'industries vertes est essentielle à leur succès", surtout "dans un contexte social tendant à la multiplication d'installation de zones à défendre (ZAD)".