Les académies industrielles : une arme contre la désindustrialisation des territoires
Président de l’association Intercommunalités de France, Sébastien Martin prône le développement d’académies industrielles dans les territoires comme moyen de lutter efficacement contre la désindustrialisation. L’expérimentation menée depuis 2017 par la communauté d’agglomérations du Grand Chalon (Saône-et-Loire) dont il est président a servi de base à l’une des propositions formulées par Intercommunalités de France dans le cadre des consultations menées par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, pour l'élaboration du projet de loi Industrie verte.
La 3 avril dernier, les cinq binômes formés d'un élu et d'un industriel, missionnés pour faire des propositions dans le cadre du futur projet de loi Industrie verte, déposaient le résultat de trois mois de concertation sur le bureau du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. Parmi les 29 propositions émanant de ces travaux, l'une d'entre elles portait plus spécifiquement sur la création d'une "académie industrielle dans chaque territoire, au plus près des lieux de production" (voir notre article du 4 avril). Une initiative portée de longue date par Intercommunalités de France et son président Sébastien Martin qui a pu l'expérimenter depuis 2017 sur le territoire du Grand Chalon, et qui consiste à créer hors des territoires métropolitains des parcours d'enseignement supérieur en phase avec les besoins des entreprises locales.
Rapprocher les territoires industriels des lieux d'enseignement supérieur
"Tout cela part d'une conviction, souligne Sébastien Martin, qui est que la réindustrialisation se fera hors des territoires métropolitains car une part importante de l'industrie française est localisée dans les villes moyennes. Mais pour que cela se fasse, il faudra plus de technologies, plus de numérique, plus de décarbonation et surtout plus de compétences et donc de savoir-faire." Et pour que l'objectif soit rempli, explique l'élu, "il faut rapprocher les territoires industriels des lieux d'enseignement supérieur" en favorisant une meilleure connexion entre ces territoires et les acteurs de l'ESR. "En agissant de la sorte, l'idée n'est pas de délocaliser des pans entiers de l'Université mais plutôt d'être capable de construire de véritables filières depuis le bac pro jusqu'au bac +5".
Une expérimentation concluante menée par le Grand Chalon
Les académies industrielles concrétisent l'émergence de "parcours" en lien avec les spécificités du tissu économique local. C'est ce que le territoire du Grand Chalon a expérimenté en s'appuyant sur l'industrie du nucléaire, la mécanique ou encore la métallurgie. Grâce à un travail partenarial entre l'Ensam (Arts & Métiers Paris Tech), le Cnam et l'UIMM local, le territoire a pu proposer dès 2017 une licence en réalité virtuelle puis désormais un diplôme d'ingénieur spécialité informatique, Parcours IA / Big Data, dont les enseignements se déroulent depuis novembre dernier au sein d'un ancien bâtiment industriel réhabilité, l'Usinerie. "Les académies industrielles n'ont pas vocation à avoir une forme juridique, il s'agit davantage d'un travail en transversalité entre plusieurs établissements en vue de construire un parcours global", explique Sébastien Martin qui précise que "l'on ne pourra pas construire des campus en tant que tel dans ces territoires" mais qu'il faudra être capable d'identifier les filières qui comptent et construire une offre d'enseignement supérieur qui soit en lien avec cette réalité.
Sans perdre de vue les besoins des entreprises, "l'enjeu de la montée en compétence dans les territoires est énorme", assure le président du Grand Chalon. "La désindustrialisation et la crise de 2008 ont entrainé un mouvement vers les métropoles des cadres et des diplômés", déplore l'élu. Construire des parcours d'ESR dans les territoires pourrait être un moyen, demain, de mieux les retenir.