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Gestion locale - La réforme des chambres régionales des comptes à nouveau reportée

La réforme des chambres régionales des comptes pourrait à la fois renforcer le contrôle sur les élus locaux et les comptables publics, et, dans le même temps, conduire à la fermeture de certaines juridictions. En sachant que depuis le premier projet signé Philippe Séguin, beaucoup de choses ont changé dans le contenu de cette réforme a priori importante pour les collectivités. Explications.

"Ma chambre régionale des comptes va-t-elle fermer ?" Cette question que peuvent légitimement se poser de nombreuses collectivités depuis bientôt quatre ans n'a toujours pas trouvé de réponse. Et cela ne devrait pas être pour demain : l'Assemblée nationale vient de reporter sine die l'examen en séance plénière du projet de loi portant réforme des juridictions financières, prévu à l'origine pour le 11 octobre. Au-delà de cette question de la suppression des "petites" chambres, le point sur une réforme qui pourrait modifier sensiblement les conditions du contrôle financier des collectivités territoriales.

Rappel des principaux épisodes

A l'origine, le promoteur de la réforme, Philippe Séguin, souhaitait le regroupement des vingt-deux chambres actuelles (plus quatre outre-mer) en six à dix chambres "interrégionales". Selon le premier président de la Cour des comptes, cette réorganisation devait s'accompagner d'un pouvoir hiérarchique de la cour sur ces nouvelles structures, avec pour objectif affiché d'avoir des méthodes de contrôle à peu près semblables sur tout le territoire. Il souhaitait également renforcer la responsabilité des gestionnaires d'argent public, non seulement des comptables mais aussi des ordonnateurs.
Sans être exactement sur la même ligne que Philippe Séguin, Nicolas Sarkozy a également appelé en novembre 2007 à une réforme en profondeur de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes afin que la France dispose d'un appareil "d'audit et d'évaluation adapté". "Les exigences nouvelles de la gestion publique impliquent pour l’ensemble que constituent les juridictions financières la reconnaissance de nouvelles attributions, de nouveaux moyens ainsi qu’une adaptation de son organisation."
Ces dernières années de nombreuses propositions de loi ont été déposées sur ce sujet (voir nos articles ci-contre). Mais c'est finalement le gouvernement qui a repris la main en déposant sur le bureau de l'Assemblée nationale le 28 octobre 2009 un projet de loi "portant réforme des juridictions financières" (voir notre article ci-contre du 9 octobre 2009). Ce projet gouvernemental ne suivait qu'en partie les préconisations de Philippe Séguin. Un an plus tard, et après la nomination de Didier Migaud à la tête de la Cour des comptes, le texte est passé devant la commission des lois de l'Assemblée. Celle-ci l'a profondément modifié : elle a d'abord et surtout refusé que le gouvernement procède par ordonnance sur le sujet. Or, depuis le nouveau règlement de l'Assemblée, les députés discutent en séance publique du texte tel qu'il est après amendement en commission.  

Comptables et ordonnateurs : le "lifting décoiffant" de la commission des lois

Outre ce refus de laisser les mains libres au gouvernement sur le sujet, la commission des lois s'est livrée selon l'expression du Syndicat des juridictions financières, qui représente les magistrats financiers, à un "lifting décoiffant" faisant passer le texte de 17 à 43 articles. Michel Bouvard et Jean-Luc Warsmann ont fait notamment adopter un nouvel article 3 prévoyant que l'ensemble des gestionnaires publics – ministres comme élus locaux – seraient désormais responsables en cas de mauvaise gestion financière. Si cet article est adopté en l'état, ils pourront être mis en cause même s'ils ont donné un ordre oralement, ce qui élargit considérablement le champ des infractions.
Autre changement majeur côté comptables : la commission a prévu de modifier complètement leur régime de responsabilité qui date du début du XIXe siècle. Aujourd'hui, les juges se prononcent sur la justesse ou non des comptes. Si le compte est faux, ils mettent les comptables "en débet". Ce qui signifie qu'en théorie le comptable doit alors rembourser sur ses deniers personnels l'argent manquant dans la caisse. Mais systématiquement ou presque, le ministre des Finances lui fait une remise gracieuse. Ce système réduit donc la responsabilité effective des comptables publics. Avec le nouveau texte, les comptables seraient soumis à des amendes, et le ministre du Budget ne pourrait plus faire de remise gracieuse. La responsabilité des comptables serait donc considérablement alourdie.

Chambres régionales : un rôle réaffirmé mais des fermetures très probables

Au niveau local, l'essentiel est que le texte remanié conforte les chambres régionales des comptes (CRC) dans leurs missions traditionnelles (examen de gestion, contrôle budgétaire et jugement des comptables publics). Les nouvelles missions un moment envisagées (certification des comptes des collectivités et conseil aux collectivités) ne figurent plus dans le projet de loi.
Seule modification des missions à retenir : le seuil entre les "petits" comptes de collectivités, apurés administrativement par les trésoreries, et les "gros" comptes, apurés par les CRC, est relevé. Un point sur lequel Didier Migaud ne veut pas revenir : faire apurer un maximum de comptes par les trésoreries permet de décharger les chambres de ce volume de travail. Bref, les chambres régionales devraient demain faire à peu près le même travail qu'aujourd'hui, avec tout de même une "modification des pratiques professionnelles", c'est-à-dire une certaine normalisation des contrôles.
Sauf que… ce travail, effectué actuellement par 300 magistrats, 300 assistants et 400 agents administratifs, pourrait bien être fait demain en partie à distance. La réduction du nombre de chambres, si elle est beaucoup plus modeste que celle envisagée à l'origine, est toujours d'actualité. La version actuelle du projet de loi prévoit qu'il y aura "vingt chambres au maximum", soit seize en métropole et quatre outre-mer. Les magistrats financiers s'inquiètent de cette formule, qui pourrait permettre de supprimer progressivement des chambres dans les années à venir. Ils demandent seize chambres "au minimum" en métropole et le maintien, a minima, d'une présence des juridictions financières sous forme de "sections" dans chacune des vingt-deux régions. Afin de préserver une certaine "peur du gendarme". Ce sentiment est en effet fort utile. Dans certaines chambres, chaque magistrat a autour d'un milliard d'euros d'argent public à contrôler chaque année. Un ratio certes facile, mais qui dit la réalité de ce travail consistant à rechercher des aiguilles - plus ou moins grosses - dans des bottes de foin. Et éviter autant que possible les dérapages. Or, rechercher ces aiguilles à 200 km de la botte de foin complique un peu l'exercice.

 

Hélène Lemesle
 

 

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