Juridictions financières - Le Sénat renforce les droits du comptable de fait
Le Sénat a adopté le 5 juin, en première lecture, le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC). Il a introduit plusieurs amendements au texte voté par l'Assemblée nationale le 10 avril. Ces amendements intéressent principalement la procédure de gestion de fait, qui peut concerner aussi bien les élus locaux, ordonnateurs, que leurs agents.
Tout d'abord, à l'initiative du rapporteur du texte, Bernard Saugey, et contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont ramené de dix à cinq ans le délai de prescription de la gestion de fait lorsque sont en cause des comptables de fait (élus ou agents). Pour mémoire, ce délai était de trente ans avant l'intervention de la loi du 21 décembre 2001.
En deuxième lieu, à l'Article 8, le Sénat a entendu préciser les critères de fixation de l'amende à laquelle les comptables de fait peuvent être condamnés à l'issue de la procédure. Aujourd'hui, cette amende est calculée suivant "l'importance et la durée de la détention ou du maniement des deniers" (Article L.131-11 du Code des juridictions financières). Pour les sénateurs, ce montant doit tenir compte, certes, de ces critères, mais aussi "des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait".
Troisièmement, et toujours dans le sens d'une amélioration de la situation de la personne attraite devant la CRC, le Sénat a introduit un amendement permettant au comptable de fait d'obtenir la décharge de sa gestion, en cas de désaccord entre le ministère public et le magistrat du siège sur son cas, à l'expiration d'un délai de deux ans.
Enfin, le Sénat a réintroduit dans le projet la procédure actuelle de "déclaration d'utilité publique" des dépenses concernées par la gestion de fait, par l'assemblée délibérante de la collectivité locale. L'Assemblée nationale avait pourtant, à l'unanimité, supprimé cette formalité (en la remplaçant par un simple avis facultatif) au motif qu'elle ralentissait la procédure sans apporter de garanties au justiciable (puisque la CRC n'est jamais tenue de suivre la déclaration de la collectivité). Pour justifier cette réhabilitation de la procédure de déclaration d'utilité publique, les sénateurs ont évoqué le risque que les CRC procèdent, en son absence, à un contrôle d'opportunité des dépenses.
Philippe Bluteau, avocat
Référence :Projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux Chambres régionales des comptes, adopté par le Sénat en première lecture (petite loi).