Cour des comptes - Vers une réforme législative de la procédure de gestion de fait
Le gouvernement vient d'adopter en Conseil des ministres, le 26 mars 2008, un projet de loi portant modification de dispositions relatives à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC). Objectif : rendre plus efficace et impartiale la procédure juridictionnelle.
Ce texte intéresse au premier chef les comptables publics, agents du Trésor. Les élus et les agents locaux sont directement concernés puisqu'ils sont susceptibles d'être attraits devant les chambres régionales des comptes comme gestionnaires de fait. Cette procédure de gestion de fait devant les CRC n'a cessé, depuis l'arrêt "Labor métal" du Conseil d'Etat du 23 février 2000, de faire l'objet de critiques de la part des praticiens comme des juges pour deux raisons tirées, toutes deux, de l'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Alors que cet article assure à tout justiciable un droit à un procès équitable mené par un juge impartial, la procédure française de gestion de fait se caractérisait par des cas éventuels de partialité, par exemple lorsqu'un magistrat de CRC avait adopté un rapport d'observations définitives sur la gestion de la collectivité au titre de la compétence "examen de gestion" de la CRC, puis venait à juger les comptes de ladite collectivité. A ce titre, le projet de loi distingue désormais clairement les fonctions de poursuites et de jugement : la procédure ne pourra être engagée que par un réquisitoire du ministère public.
Deuxième grief formulé contre la procédure actuelle, ce même article 6 de la CEDH confère le droit à un procès mené "dans un délai raisonnable". Or le droit français aboutit à étendre, par sa complexité, parfois au-delà de quinze ans la procédure de gestion de fait : déclaration provisoire de gestion de fait, déclaration définitive, fixation de la ligne de compte, mise en débet, autant de décisions susceptibles d'appel devant la Cour des comptes... et de cassation devant le Conseil d'Etat. Pour violation de l'exigence de délai raisonnable, la France a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (par exemple, CEDH, 7 octobre 2003, Richard-Dubarry c/ France, pour une procédure de huit ans). Pour éviter ces condamnations, le projet de loi présenté le 26 mars 2008 prévoit que le juge des comptes statue par un unique jugement sur la déclaration de gestion de fait, en supprimant la distinction entre déclaration provisoire et déclaration définitive.
Philippe Bluteau, cabinet de Castelnau