Juridictions financières - Gestion de fait : le Conseil d'Etat pourrait apprécier les délibérations des assemblées locales relatives à l'utilité publique
La commission des lois du Sénat, qui vient de présenter un rapport sur le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux CRC (chambres régionales des comptes), s'oppose à un amendement de l'Assemblée nationale (Charles de Courson) ayant pour objet de supprimer la reconnaissance par l'assemblée délibérante des collectivités territoriales de l'utilité publique des dépenses ayant donné lieu à la gestion de fait.
Le projet de loi, présenté au Conseil des ministres le 26 mars 2008, et adopté le 10 avril par l'Assemblée nationale, a pour vocation de rendre plus efficace et impartiale la procédure de gestion de fait (acte irrégulier par lequel une personne, qu'elle soit physique ou morale, s'immisce dans le maniement des deniers publics sans avoir qualité pour ce faire). Les gestionnaires de fait sont tenus de produire l'état des opérations réalisées, assorti des pièces justificatives disponibles, et doivent pour cela demander à l'assemblée délibérante de statuer sur l'utilité publique des dépenses réalisées (autorisation budgétaire de régularisation). Le fait que l'assemblée délibérante de la collectivité doive reconnaître l'utilité publique de la dépense prolonge, selon le député Charles de Courson, inutilement la durée de la procédure.
L'autre réforme
Le sénateur Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois, admet ces arguments mais s'y oppose au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales. De plus, "les élus locaux ont parfois l'impression que les CRC exercent un contrôle de l'opportunité de leurs dépenses, dans le cadre de leur mission d'examen de la gestion des collectivités territoriales". La commission des lois préfère que ce point soit examiné dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics. Et propose que le Conseil d'Etat soit compétent pour apprécier en premier et dernier ressort la légalité des délibérations des assemblées délibérantes relatives à la reconnaissance d'utilité publique des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, a déclaré lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale : "Le grand texte dont vous parlez, qui portera sur la certification des comptes des collectivités locales ou l'élargissement de la responsabilité des ordonnateurs, par exemple, est en cours d'élaboration à la Cour des comptes. C'est un texte très complexe, qui demande une intense concertation avec les collectivités locales et la Cour des comptes". Les groupes de travail mis en place début mai ne comprenaient alors pas de représentants d'élus locaux.
Clémence Villedieu