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Réforme des juridictions financières - Bientôt une réduction du contrôle de la gestion des collectivités ?

Le contrôle de la gestion locale qu'exercent les chambres régionales des comptes depuis leur création en 1982 fera-t-il les frais de la réforme des juridictions financières que le premier président de la Cour des comptes a engagée à la demande du chef de l'Etat ? Les magistrats du Syndicat des juridictions financières (SJF) le redoutent, si le projet de texte qui est en cours d'examen interministériel reste en l'état. Marc Chabert, président de ce syndicat qui regroupe plus des trois quarts des 300 magistrats des chambres régionales des comptes en exercice, ne se déclare "pas hostile" à une réforme - dont lui-même est demandeur - mais s'interroge sur un projet qui pourrait selon lui considérablement réduire l'étendue et l'efficacité du contrôle local.
Le dossier de la réorganisation des juridictions financières est sur le métier depuis début 2008. Philippe Séguin est confronté à deux défis : rendre plus efficace les travaux de la Cour et des chambres régionales des comptes en renforçant la coordination des deux institutions et intégrer de nouvelles missions (évaluation des politiques publiques, assistance au gouvernement, certification des comptes des collectivités).
La phase de négociation interne menée au printemps et à l'été 2008 a débouché sur une ébauche de texte soumise à l'examen interministériel jusqu'à la fin du mois de janvier 2009. Le projet porte indéniablement la marque du premier président de la Cour des comptes. Pour l'essentiel, l'institution parisienne et les juridictions financières régionales seraient réunies dans une juridiction unique et centralisée.

 

Plus que sept ou huit "chambres des comptes"

Le regroupement des chambres régionales en sept ou huit "chambres des comptes" serait par ailleurs confirmé. Seules quelques antennes régionales subsisteraient. Mais selon le syndicat, elles seraient vouées à une lente extinction. Cette nouvelle architecture serait couplée à de nouvelles procédures de travail privilégiant une programmation centralisée des contrôles, y compris lorsqu'ils concernent des collectivités locales. Un choix que le SJF trouve parfaitement justifié dans le cadre des enquêtes de portée nationale, mais qui, a contrario conduirait à une moindre efficacité concernant le contrôle de la gestion publique locale. Le syndicat y voit même un danger. Ne pourra-t-on pas depuis Paris décider du contrôle d'une ville en fonction de l'appartenance politique de son maire, s'interroge Marc Chabert ? Pour le président du SJF, rien ne justifie que soit délaissé l'examen de la gestion des collectivités locales. Le magistrat reconnaît que si les grandes collectivités ont beaucoup amélioré leur gestion financière depuis le premier acte de la décentralisation, les petites collectivités ont encore des efforts à accomplir.

 

Certification des comptes des grandes collectivités

Surtout, de nouveaux "risques" apparaissent avec l'externalisation en direction du secteur parapublic - associations, sociétés d'économie mixte - ou des délégataires de service public. Face à cet enjeu, une institution centralisée dotée de sept à huit "chambres des comptes" paraît au SJF beaucoup moins efficace que des chambres régionales "proches et indépendantes".
D'autres sujets inquiètent les magistrats des chambres régionales. En particulier la modification annoncée des procédures de contrôle financier, qui aboutirait à une "véritable régression". "Il n'y aurait plus de communication à l'organe délibérant ni de débat en son sein et le citoyen n'aurait plus accès aux rapports d'observation définitives", explique le SJF. Même la certification des comptes des collectivités n'emporte pas complètement l'adhésion du syndicat. La Cour et les chambres des comptes exerceraient cette nouvelle mission dans le cadre d'une phase d'expérimentation de huit ans ouverte aux collectivités volontaires et dont les produits de fonctionnement sont supérieurs à 200 millions d'euros. Marc Chabert reconnaît que cette mission répond à "un besoin de fiabilisation des comptes des collectivités locales", mais qu'étant énormément "chronophage", elle ôterait des moyens à l'examen des comptes locaux.

 

Thomas Beurey / Projets publics