Réforme des CRC - Les magistrats attendent l'arbitrage de Matignon

La réforme des chambres régionales des comptes sera, sans doute, au coeur des préoccupations des juges présents au congrès annuel du 17 octobre du syndicat des juridictions financières. Depuis les préconisations faites cet été, le dossier est en attente d'arbitrage à Matignon.

Alors que l'Assemblée nationale débute, le 13 octobre, l'examen en seconde lecture du projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC) visant à réformer la gestion de fait des collectivités, les magistrats des CRC attendent des nouvelles de l'autre réforme, celle visant à revoir les missions mais aussi l'organisation territoriale des juridictions financières. Pour le moment, le dossier est en "stand-by".

En novembre 2007, à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, Nicolas Sarkozy avait commandé à Philippe Seguin, un rapport sur la création d'un "grand organisme d'audit et d'évaluation des politiques publiques". En février dernier,  le président de la Cour des comptes, Philippe Seguin, remettait un projet de réforme. Les premières déclarations concernant une réduction du nombre des chambres et une refonte de leurs missions provoquèrent des réactions médiatisées du syndicat des juridictions financières (SJF), organisme représentatif des juges des CRC, suivies de rencontres à Matignon puis de la mise en place de cinq groupes de travail. Les préconisations regroupées par un comité de suivi ont été rendues en juillet. "Nous espérions qu'à l'issue de cette phase de concertation, le premier président de la Cour des comptes pourrait nous faire part de ses arbitrages : ça  n'a pas été le cas, sans doute les divergences sont elles trop importantes", commente Marc Chabert, président du syndicat des juridictions financières.

 

Certification des comptes : pourquoi pas ?

Premier point examiné, la certification des comptes. En partant du postulat que cette nouvelle mission sera affectée aux CRC, les juges se sont interrogés sur les conditions de son application. Des préalables sont indispensables : il faut mettre en place un compte financier unique, revoir les normes comptables, prévoir une phase d'expérimentation. "Si nous choisissons que toutes les collectivités dont le budget de fonctionnement dépasse les 100 millions d'euros bénéficeront d'une certification de leurs comptes, il faut prévoir 250 à 300 personnes de plus dans les CRC", commente Marc Chabert. De manière générale, les juges se sont interrogés sur l'opportunité d'une telle réforme vu le coût qu'elle va engendrer. "Cette certification des comptes, commente le président du SJF, ne doit pas se faire au détriment des autres missions des CRC." Cette question avait connu, début 2008, une autre réponse dans l'hémicycle du Parlement avec une proposition de loi de Pierre Morel A l'Huissier. Le député proposait que les communes de plus de 3.500 habitants puissent voir leur compte de gestion certifié, au choix, par un commissaire aux comptes agréé ou par un nouveau corps d'inspection, l'Inspection générale des comptes des collectivités territoriales. Un second point a été examiné par un groupe de travail et synthétisé par le comité de suivi : l'évaluation des politiques publiques, base de la commande présidentielle.  "Parle-t-on d'une évaluation des résultats ou d'une évaluation des choix des gestionnaires ?, s'interroge Marc Chabert. Si l'on parle de la seconde, une telle évaluation nécessite d'impliquer d'autres acteurs à cette démarche."

Une organisation territoriale modulable

Au-delà de la réforme des missions des CRC, se pose la question de l'élargissement du juridictionnel. Avec une dépénalisation des responsabilités des élus et fonctionnaires territoriaux, un certain nombre de délits sortiraient du pénal et passeraient alors aux juridictions financières. Sur ce troisième point, un consensus s'est dégagé au sein du comité de suivi pour admettre que cette réforme s'impose. "Le contexte actuel, avec la crise économique et donc les questions de responsabilités qui s'y rattachent, pourrait repousser le dénouement de ce dossier, tempère Marc Chabert. Reste à savoir à quel niveau les CRC pourraient intervenir : seraient-elles le premier niveau d'instance ?" L'idée de donner cette mission à un niveau interrégional - un regroupement de chambres - est acceptée pat tous. Pour Marc Chabert, il serait en contrepartie inacceptable que les CRC se chargent des délits des comptables et la Cour des comptes des délits des ordonnateurs. Il faudrait ensuite envisager un niveau d'appel qui pourrait soit être pris en charge par la Cour des comptes, soit par la totalité des juridictions, soit la CDBF (cour de discipline budgétaire et financière).

Un contrôle des collectivités en fonction des risques

Tous les membres  du comité de suivi ont reconnu que la mission de contrôle des comptes des collectivités doit être améliorée. Sur cette dernière mission, la question de savoir s'il faut ou non un quorum quantifiant la proportion de cette mission sur l'ensemble des activités des CRC n'a pas été tranchée. Le fait que la périodicité de ces contrôles (tous les quatre ans) ne soit pas respectée dans les faits est largement reconnue. Il faudrait donc exercer les contrôles de manière aléatoire et de manière ciblée en fonction d'une programmation prenant en compte l'analyse des risques. Pour Marc Chabert, "l'obstacle d'une telle réforme serait la Lolf qui évalue notre activité en fonction du nombre de rapports et de la quantité d'euros contrôlés".  

Enfin, le cinquième et dernier point concerne le sujet qui fâche, le maillage territorial. Sur cette question, aucun consensus n'a été trouvé.  Pour le SJF, la mise en place de nouvelles missions plaide pour que l'on ne touche pas aux chambres régionales : la proximité s'impose. Pour autant, les représentants du syndicat reconnaissent que le niveau de référence pourrait être interrégional sur certains points, permettant aux juges une plus grande spécialisation. Pour le syndicat des juridictions financières qui annonce son congrès annuel le 17 octobre, il sera difficile d'apporter à ses membres des nouvelles sur ce dossier en attente d'arbitrage à Matignon.

 

Clémence Villedieu