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Finances locales - La réforme de la dotation globale de fonctionnement passée au crible

Dans le cadre de ses travaux sur l'état des finances locales, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a analysé en détail la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) votée fin 2015. Le jugement des sénateurs sur cette réforme n'est pas totalement négatif, même s'ils regrettent entre autres qu'elle avantage anormalement les villes-centres. En tout cas, insistent-ils, sa mise en oeuvre en 2017 serait facilitée par la suppression, ou tout au moins la modulation, de la baisse des concours financiers de l'Etat.

Les sénateurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation gardent l'espoir d'une modulation de la baisse de 3,67 milliards d'euros des dotations programmée pour 2017. Pour Philippe Dallier, membre de cette délégation, le président de la République attendrait le congrès des maires de France qui débute le 31 mai prochain pour en faire l'annonce (le ministre Jean-Michel Baylet l'a d'ailleurs lui-même laissé entendre - voir notre article du 30 mars). D'ici là, l'exécutif s'emploiera à démentir les éventuelles fuites ou rumeurs, comme lorsque, le 24 mars, Europe 1 avait affirmé que "le gouvernement envisage de renoncer à la baisse des dotations aux collectivités" (voir notre article du 29 mars).
Pour autant, les sénateurs continuent de réclamer un geste de la part du gouvernement. Une suppression pure et simple de l'effort demandé aux collectivités territoriales en 2017 les ravirait. A défaut, ils se contenteront d'un étalement "sur deux ans au moins" de la ponction prévue l'an prochain. A leurs yeux, une meilleure prise en compte des marges de manœuvre fiscales des collectivités ou du revenu de leurs habitants dans le calcul de la baisse des dotations constituerait aussi un progrès certain.

Une baisse des dotations "inéquitable"

La délégation sénatoriale avance ces propositions dans un rapport sur "les conditions d'une réforme soutenable, équitable et durable des finances locales", qu'elle a adopté le 17 mars dernier. Un rapport qui se penche principalement sur la baisse des dotations et la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Et qui constitue la troisième partie d'un travail plus vaste, entamé en 2014, ayant déjà permis de mesurer les conséquences de la baisse des dotations (voir notre article du 13 novembre 2014) et de préciser la manière dont les collectivités s'adaptent.
Présentant ce rapport au cours d'une conférence de presse, ce 7 avril, les sénateurs ont de nouveau tiré la sonnette d'alarme. "Plus on se rapproche de 2017, plus on se rend compte de la gravité de la situation", s'est inquiété Jacques Mézard (RDSE). Qui a évoqué "les cas dramatiques de certaines communes". "Deux tiers des communes de plus de 10.000 habitants seront dans le rouge en 2017 ou 2018", a précisé pour sa part Philippe Dallier (LR). Principale variable d'ajustement des budgets locaux, l'investissement public local a connu deux baisses successives de 10% en 2014 et en 2015, s'est aussi alarmé le sénateur-maire des Pavillons-sous-Bois.

"Le gouvernement a fait preuve de courage"

La baisse des dotations génère d'autant plus de "dégâts" qu'elle est appliquée uniformément. L'administration de l'Etat ne tient pas compte des charges des collectivités – notamment de celles qui leur sont imposées par l'Etat, comme la revalorisation indemnitaire des agents. En outre, elle fait fi des différences de potentiel fiscal. Dès lors, le calcul de la baisse des dotations est "largement inéquitable".
Une modulation de la baisse des dotations faciliterait la mise en œuvre de la réforme de la DGF, avancent les sénateurs. Qui n'ont pas un a priori totalement négatif sur cette réforme. Le gouvernement a fait preuve de "courage politique", reconnaissent-ils. Et les dispositions votées constituent selon eux "une base intéressante de discussion". Ces principes sont simples et lisibles. Mis en pratique, ils ne conduisent pas au drame. 59% des territoires regroupant 55% de la population ressortent gagnants de la réforme en 2019 si les dispositions de la loi restent inchangées (selon une étude du cabinet Klopfer réalisée à la demande de la délégation). De plus, la réforme renforce la part de la péréquation dans les dotations (de 3,6 milliards d'euros en 2015 à 4,2 milliards d'euros en 2017) et atténue les effets de seuils notamment pour la dotation de solidarité urbaine (DSU).

"La réforme a buté sur la centralité"

Mais les dispositions votées par le Parlement à l'automne sont "critiquables", ajoutent-ils. L'un des principaux écueils concerne la dotation de centralité, dont les critères prennent mal en compte la situation des "territoires multipolaires" et avantagent anormalement les villes-centres, en particulier dans les agglomérations métropolitaines.
La réforme présente aussi l'inconvénient de réallouer des dotations (une cinquantaine de millions d'euros au total) à des collectivités riches qui, aujourd'hui, n'en disposent plus. C'est d'autant plus choquant que, "sur le long terme", les communes de moins de 500 habitants, moins aisées que les autres, sont "perdantes", selon Jacques Mézard. La durée du lissage, qui pour certaines collectivités doit dépasser 40 ans, devrait être ramenée à une durée plus "raisonnable", recommandent par ailleurs les sénateurs.
Ceux-ci pensent possible le vote des ajustements nécessaires de la réforme de la DGF à l'automne prochain, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. A noter : alors que les associations d'élus locaux continuent de réclamer le vote d'une loi spécifique - qui aurait pour avantage notamment de permettre un temps de débat plus long et étayé par une étude d'impact -, les sénateurs "ont fait leur deuil" de cette demande, selon l'expression de Philippe Dallier. Charles Guené est sur la même longueur d'ondes, mettant en avant son "pragmatisme". La création de groupes de travail dédiés à la réforme, à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat, offre selon lui des conditions satisfaisantes pour préparer sa mise à jour.

 

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