La proposition de loi sur les RER métropolitains définitivement adoptée au Parlement
Un peu plus d'un an après la déclaration d'Emmanuel Macron annonçant sa volonté de créer des RER "dans dix métropoles françaises", la proposition de loi permettant de développer ces nouveaux services a été définitivement adoptée ce 18 décembre au Parlement, malgré les doutes subsistant sur le financement de ces projets.
La proposition de loi sur les services express régionaux métropolitains (Serm) a été votée à l'unanimité par le Sénat ce 18 décembre, quelques jours après son adoption à l'Assemblée nationale. Elle donne un cadre juridique à ces grands projets, l'équivalent en régions des RER en Île-de-France. "Ce seront dès 2024 des investissements concrets pour plus de transports publics partout en France !", a salué sur X (ex-Twitter) le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune.
Le texte, plutôt consensuel, prévoit notamment d'élargir les missions de la Société du Grand Paris, rebaptisée Société des grands projets, pour mettre sur les rails ces Serm dans une dizaine de grandes métropoles, dans un délai de 10 ans. La SGP sera maître d'oeuvre pour les constructions de nouvelles infrastructures ou voies ferrées, tandis que SNCF Réseau conservera son rôle d'amélioration et de maintenance du réseau existant.
Mais il s'agit d'offrir plus qu'un simple service ferroviaire amélioré, avec des trains cadencés toutes les 10 à 15 minutes, et des liaisons radiales traversant les grandes métropoles. Ces Serm doivent aussi y associer cars express, réseau cyclable, covoiturage, pour favoriser les mobilités sans voiture sous toutes leurs formes autour des grandes villes françaises.
Une première enveloppe de financements de 767 millions d'euros
Clément Beaune a fait de ce chantier l'une des priorités de son ministère et un pilier du plan d'avenir pour les transports présenté en février dernier. Élisabeth Borne avait alors promis 100 milliards d'euros pour les transports d'ici 2040.
"Il reste encore beaucoup à faire dans nos territoires pour voir sortir de terre dix services express régionaux d'ici dix ans. Nous devons rester lucides : ce texte ne résout pas le problème du financement, en investissement et surtout en fonctionnement", a néanmoins alerté le rapporteur au Sénat Philippe Tabarot (Les Républicains).
Pour le moment, le gouvernement a promis une première enveloppe de 767 millions d'euros pour aider à démarrer les projets, ventilée dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER), en cours de signature.
Nombreux projets déjà avancés
Le Serm de Nantes s'est par exemple déjà vu allouer 101 millions d'euros d'ici 2027 et "sera l'un des premiers à voir le jour en France", ont promis le gouvernement et la région Pays de la Loire lors de la signature du CPER mi-novembre (voir notre article). La région veut voir son projet aboutir en 2030. Le volet mobilité du contrat de plan État-région y alloue une enveloppe de 101 millions d'euros d'ici 2027. Les premiers investissements doivent porter sur une augmentation des capacités de circulation vers Pornic (ouest), l'accueil de deux trains sur une même voie en gare de Nantes, et l'étude de la diamétralisation de certaines lignes.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, 162 millions d'euros vont être débloqués pour financer des études de préfiguration et les premiers travaux des dessertes ferroviaires d'Aix-Marseille, Toulon, Nice et de l'agglomération d'Avignon.
Ailleurs comme à Strasbourg (voir notre article), le projet est déjà bien avancé, mais il a connu des ratés à son lancement en raison non pas de l'infrastructure, mais de problèmes de matériel et de personnels selon SNCF Réseau.
À Bordeaux "sans doute (le projet le) plus avancé de France, avec celui de Lille", d'après Clément Beaune, le chantier a démarré et doit monter en cadence progressivement pour aboutir en 2030, selon Bordeaux Métropole. Sur la desserte ferroviaire en étoile, la ligne Libourne-Arcachon (est-ouest), sans changement de train à Bordeaux, est déjà en service. Un tronçon nord-sud entre Saint-Mariens et Langon est attendu pour 2028. La ligne du Médoc, vers le nord-ouest, est celle qui demande le plus d'aménagements. Le budget total est estimé à 590 millions d'euros, plus 90 millions d'euros de matériel roulant. Une deuxième ligne de car express vers Blaye (nord) doit être mise en service début 2024, quatre ans après la desserte de Créon (est). Quatre autres lignes doivent être lancées d'ici 2025.
Le projet lillois implique des "adaptations majeures du réseau sur l'ensemble" de l'étoile ferroviaire, selon la métropole, ainsi que la création d'une nouvelle ligne vers Hénin-Beaumont, à 32 kilomètres au sud, et une nouvelle gare traversante à Lille. En octobre, SNCF Réseau a présenté des études de faisabilité, portant notamment sur les différents tracés envisageables pour la nouvelle ligne. "Le montant estimé pour le financement de l'infrastructure est de 7,5 milliards d'euros", a indiqué Franck Dhersin, vice-président de la région Hauts-de-France, en charge des mobilités. "La question maintenant c'est : où va-t-on trouver cet argent ?"
À Toulouse, les acteurs du projet se sont tous rassemblés le 13 novembre pour une première réunion "non décisionnelle". La région Occitanie réfléchit à des lignes pouvant être diamétralisées de part et d'autre de la gare de Toulouse Matabiau, et à des dessertes limitées aux haltes en interconnexion avec le métro toulousain, sans aller jusqu'à la gare centrale. Des études ont été commandées à SNCF Réseau. Le conseil départemental de Haute-Garonne réclame un engagement financier plus important de l'État. "Les 700 millions d'euros annoncés (...) ne peuvent être qu'une amorce", juge Sébastien Vincini, président du conseil départemental.
La région Bretagne a mené une étude pour quantifier les "nombreux" investissements à réaliser afin de permettre un "choc d'offres" de transport à horizons 2030 et 2040. Elle ambitionne la mise en place d'un "BreizhGo Express", sur l'axe nord Brest-Rennes et sur l'axe sud Quimper-Vannes, potentiellement à partir de 2025. Un syndicat mixte Bretagne Mobilités, regroupant l'intégralité des autorités organisatrices des mobilités de Bretagne, doit être créé en 2024 pour plancher sur le projet.
Aix-Marseille, Grenoble et Lyon à la peine
Certains Serm ne sont en revanche pas attendus avant 2035 comme à Aix-Marseille ou Grenoble, vu l'ampleur des travaux nécessaires. Dans la cité phocéenne, la concrétisation du projet de RER semble dépendre du percement d'une nouvelle gare souterraine, à horizon 2035. Des associations espèrent toutefois ne pas attendre aussi longtemps pour remettre en service la ligne Aix-en-Provence - Rognac, qui dessert la zone d'activité d'Aix-les-Milles drainant quotidiennement des milliers voitures. La ville d'Aix penche davantage pour des bus. En novembre, le ministre des Transports Clément Beaune a annoncé des fonds pour une étude sur ce projet de transport de voyageurs par le train.
À Grenoble, le projet impose "d'importants aménagements sur trois lignes ferroviaires", selon la métropole, notamment la réalisation de nouvelles voies, la réouverture des haltes ferroviaires et la création de pôles d'échanges. Si certains travaux ont été engagés, la mise en service complète n'est pas attendue avant 2035. À Lyon, malgré les annonces du président de région Laurent Wauquiez en octobre de nouveaux investissements dans les TER, le projet de RER semble au point mort à cause des discussions très difficiles entre la métropole et la région.
Les sommes nécessaires à l'aboutissement de tous ces projets sont colossales. Le coût total des RER Métropolitains est ainsi évalué entre 15 et 20 milliards d'euros par le Conseil d'orientation des infrastructures. Une conférence nationale sur le financement doit se tenir d'ici le 30 juin 2024.