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Adoption - La polémique enfle sur l'adoption des enfants "délaissés"

Présenté au Conseil des ministres du 1er avril et déposé dès le lendemain sur le bureau du Sénat, le projet de loi relatif à l'adoption (voir notre article du 1er avril 2009 ci-contre) commence à susciter des réactions, bien qu'il ne soit pas encore inscrit à l'ordre du jour. Ces réactions se concentrent plus précisément sur ses deux premiers articles, qui modifient l'article 350 du Code civil, relatif à la déclaration d'abandon à la suite d'un délaissement manifeste des parents naturels. Le projet de loi prévoit notamment que les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements doivent examiner chaque année la situation de l'enfant accueilli ou bénéficiant d'une mesure éducative au regard des dispositions de l'article 350 du Code civil. En d'autres termes, l'ASE sera amenée à se prononcer, au moins une fois par an, sur l'éventualité d'une situation de désintérêt manifeste des parents. Dans l'hypothèse où le juge, saisi par le rapport de l'ASE, constaterait le délaissement effectif, l'enfant pourrait devenir adoptable.
Cette disposition suscite une très vive réaction de la part de la présidente de l'association Fil d'Ariane France, qui représente les "parents d'enfants placés à la protection de l'enfance". Dans un texte très virulent et très accusateur à l'égard des services sociaux des départements et des assistantes familiales salariées par ces derniers, Catherine Gadot, la présidente de l'association, affirme que ce texte "va inciter les quelques professionnels peu scrupuleux et adeptes du placement, à établir de faux rapports (basés sur des mensonges ou des conclusions trop rapides) afin de faire adopter" les enfants placés. Elle accuse également les familles d'accueil, salariées du département, de détourner la procédure pour adopter elles-mêmes. Au final, elle considère que "cette loi est l'aboutissement d'un processus de commerce de nos enfants dans toute son horreur". Dans un registre plus policé, elle est rejointe par deux soutiens de poids : Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, et Pierre Verdier, avocat au barreau de Paris, spécialiste de l'ASE et ancien Ddass.
Au même titre que celle qui oppose depuis des années les associations d'enfants nés "sous X" à la recherche de leurs parents naturels et les associations représentant les parents adoptifs, cette controverse était inévitable (voir notre article du 1er avril). Nadine Morano - la secrétaire d'Etat chargée de la famille - avait bien tenté de prendre les devants lors de la présentation du projet de loi, en indiquant qu'il n'était pas question de fixer des objectifs chiffrés sur le nombre de déclarations d'abandon. Elle avait également chargé l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) "de consulter les travailleurs sociaux" pour définir "les critères du délaissement parental", dans un rapport qui devrait paraître prochainement. Il est toutefois peu probable que ces précautions suffisent à éteindre la polémique, qui devrait repartir de plus belle lorsque le Sénat entreprendra l'examen du texte.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence :  projet de loi relatif à l'adoption (déposé sur le bureau du Sénat le 2 avril 2009).