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Santé - La loi HPST change la donne à l'AP-HP

Il aurait été difficile d'imaginer une illustration plus spectaculaire du changement introduit par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Le 30 juin, le conseil de surveillance de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a en effet porté à sa tête - après trois tours de scrutin - une personnalité qualifiée, en la personne de Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, qui possède une longue expérience du secteur sanitaire et social : directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, directeur de la sécurité sociale au ministère, président du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites et récemment chargé par Nicolas Sarkozy du rapport sur le respect de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Le grand perdant de cette élection est Jean-Marie Le Guen, député de Paris et adjoint au maire de Paris chargé de la santé et des relations avec l'AP-HP. Celui-ci présidait en effet jusqu'alors le conseil d'administration de l'Assistance publique. Ce résultat présente un côté paradoxal. Bertrand Delanoë est ainsi le seul maire à ne pas obtenir la présidence du conseil de surveillance du CHU implanté dans sa ville. Il est vrai que, dans le cas de l'AP-HP, les relations entre la mairie et l'établissement étaient très tendues depuis plusieurs années. Autre paradoxe : Raoul Briet a été désigné pour siéger par les personnalités qualifiées par Claude Evin, ancien ministre socialiste de la Santé et actuel directeur général de la toute nouvelle agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France.
Dans un communiqué, le maire de Paris exprime "[ses] plus vifs regrets que son choix [celui du conseil de surveillance, NDLR] ne se soit pas porté sur un élu". Il y voit "encore une fois, la manifestation d'un traitement spécifique de l'AP-HP, un consensus ayant été trouvé pour que les CHU des autres grandes villes demeurent présidés par des élus". Une réaction plus modérée que celle de Jean-Paul Huchon, qui siège également au conseil de surveillance en qualité de président du conseil régional. Dans un communiqué, celui-ci juge en effet que "l'élection hypocrite d'un haut fonctionnaire à la présidence du conseil de surveillance de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est un scandale" et "constitue une nouvelle déclaration de guerre de la part de l'Etat envers les collectivités territoriales".
Au-delà des particularités du contexte parisien, il reste néanmoins que la loi HPST introduit un bouleversement radical dans la gouvernance des hôpitaux et dans la place des élus en leur sein âprement discuté lors de l'examen du projet de loi HPST (voir nos articles ci-contre). La loi du 21 juillet 2009 et le décret du 8 avril 2010 sur la composition et le fonctionnement du conseil de surveillance prévoient en effet une organisation de cette instance en trois collèges de cinq membres (trois membres pour les petits hôpitaux), représentant respectivement les collectivités territoriales, les personnels (médicaux et non médicaux) et les personnalités qualifiées. Dans le cas de l'AP-HP - et en supposant que les cinq personnalités qualifiées ont voté pour Raoul Briet - un rapide coup d'oeil à la composition du conseil de surveillance (voir communiqué ci-contre de l'AP-HP) montre qu'au moins un représentant des personnels a également voté pour ce dernier. Les représentants des personnels pourraient ainsi être amenés, dans les prochaines années, à jouer un rôle d'arbitre, ce qui devrait réserver de nouvelles surprises. Une évolution pleinement assumée par la ministre de la Santé. Lors du récent débat au Sénat sur la première année de mise en oeuvre de la loi HPST, Roselyne Bachelot-Narquin a notamment indiqué qu'"un certain nombre de maires se retrouveront très certainement à la tête de ce conseil de surveillance", mais qu'"il s'agit là d'une possibilité, et non d'une fin en soi" (voir notre article ci-contre du 21 juin 2009).

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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