La fondation Abbé-Pierre s'inquiète de la reprise des expulsions
La crise sanitaire et les confinements successifs ont conduit à une prolongation inédite de la trêve hivernale des expulsions. Instaurée dès le début de la pandémie de Covid-19, la trêve s'est en effet prolongée jusqu'au 31 mai 2021. Conscient des risques d'une brusque reprise des expulsions une fois passé le plus gros de la crise sanitaire, le gouvernement a pris également des mesures pour éviter un tel phénomène, dont la mise en place d'un fonds d'aide aux impayés de loyers (voir notre article du 8 avril 2021). En outre, l'Observatoire national des impayés de loyers et de charges, installé il y a un an, ne signale pas, pour le moment, de montée significative des impayés (voir notre article du 13 juillet 2021).
Dans un communiqué du 25 octobre, la fondation Abbé-Pierre "salue ces mesures", mais "constate, à la veille de la nouvelle trêve hivernale, qu'elles n'ont pas été suffisantes". Selon les chiffres du ministère au 30 septembre, 6.600 ménages ont déjà été expulsés de leur logement cette année. Et, selon la fondation, ce nombre pourrait atteindre 8.000 à la fin de ce mois d'octobre, juste avant le début de la nouvelle trêve hivernale, fixée au 1er novembre. Ces chiffres sont certes nettement inférieurs à ceux de 2019 (16.700), mais sont aussi très supérieurs à ceux de 2020 (environ 3.500). En outre, s'appuyant toujours sur les chiffres du ministère, la fondation relève que les expulsions sèches (sans relogement, ni hébergement) ont représenté 73% des expulsions du mois de juin, avant de retomber à 23% en juillet et en août, et cela "au mépris de l'instruction interministérielle du 26 avril 2021". Pour la fondation, cette circulaire "a été appliquée inégalement selon les territoires, comme si certains préfets agissaient selon leur bon vouloir, et s'est souvent traduite par la mise à disposition d'hébergements temporaires, le jour même de l'expulsion, sans anticipation ni pérennité". Elle redoute par conséquent, dans un contexte économique et social qui "reste fortement dégradé", "une amplification des procédures, comme ce fut le cas à l'issue de la crise économique de 2008, qui avait vu les expulsions effectives bondir de près de 57% en 10 ans". Pour sa part, la fondation continue de mettre en œuvre sa plateforme téléphonique "Allô Prévention Expulsion" (0810.001.505), et de soutenir les ménages menacés d'expulsion en les orientant vers son lieu parisien d'accès aux droits, ainsi que vers ses partenaires proposant un accompagnement aux droits liés à l'habitat.
Mais la fondation Abbé-Pierre appelle aussi "les pouvoirs publics à un sursaut, afin de se donner les moyens d'une réelle politique publique de prévention des expulsions, notamment en renforçant les aides au logement des locataires et l'indemnisation des bailleurs le temps de trouver des alternatives à l'expulsion".