Mal-logement - La fondation Abbé-Pierre note un léger recul du nombre d'expulsions
La fondation Abbé-Pierre publie le bilan 2017 de sa plateforme téléphonique "Allô prévention expulsion" (le 0810.001.505). Celui-ci couvre la période allant d'octobre 2016 à septembre 2017. Il fait apparaître qu'il n'y a "pas de bonne surprise cette année. A l'approche de la trêve hivernale, les expulsions s'accélèrent et témoignent d'une dérive inquiétante : en 2016, le nombre de ménages expulsés avec le concours de la force publique a encore battu un triste record en s'élevant à 15.222 ménages, soit une augmentation de 140% en 15 ans !". Ces 15.000 ménages représentent environ 34.400 personnes, "un nombre qui est certainement deux à trois fois plus important si on considère celles se sentant contraintes de partir du fait de la procédure".
+140% de recours à la force publique en 15 ans, +52% de décisions de justice...
Pour sa part, la plateforme de la fondation a été contactée par 1.374 ménages depuis un an et a conseillé 12.542 ménages depuis sa création, il y a neuf ans. Plus de la moitié (51%) des ménages aidés en 2016-2017 comportaient des enfants, qu'il s'agisse de personnes seules avec enfants (29%) ou de couples avec enfants (22%). Dans 35% des cas, l'expulsion trouve son origine dans la perte ou le changement d'emploi, tandis que les problèmes de santé sont la cause dans 19% des cas et l'évolution de la situation familiale dans 17% des situations.
Si l'octroi du concours de la force publique a progressé de 140% en quinze ans, d'autres éléments ont également connu une progression significative durant cette période : +30% d'assignations en justice en vue d'une expulsion et +52% de décisions de justice prononçant l'expulsion.
Le bilan de la plateforme de la fondation constate également que les procédures constituent "une menace et une réalité qui n'épargnent pas les personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo), de plus en plus nombreuses à être expulsées, au mépris total de la loi".
Le terme d'expulsion doit d'ailleurs être entendu au sens large car, comme l'explique le rapport, "si la plateforme 'Allô prévention expulsion' concerne principalement les expulsions locatives, il est essentiel de rappeler que nombre d'hommes, de femmes, d'enfants sont également expulsés (suite à une décision de justice) ou évacués (suite à un arrêté municipal ou préfectoral) de squats ou de terrains qui constituent leur domicile".
... mais les commandements de quitter les lieux baissent de 7% cette année
Dans ce constat plutôt sombre, le rapport de la fondation Abbé-Pierre apporte quand même quelques lueurs d'espoir, même si "une prise de conscience des pouvoirs publics se fait attendre pour lutter contre les expulsions". Tout d'abord, pour la première fois depuis longtemps, le nombre d'assignations au tribunal, de décisions de justice prononçant l'expulsion et de commandements de quitter les lieux affiche une légère baisse. Les assignations pour expulsion baissent ainsi de 2,6% par rapport à 2015 (et de 6,2% par rapport à 2014), tandis que les décisions de justice reculent de 3,1% et les commandements de quitter les lieux de 7,1%.
Ensuite, pour la première fois également, les habitants des "bidonvilles" vont bénéficier de la trêve hivernale, en application de la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 (voir notre article ci-dessous du 28 avril 2017).
La fondation Abbé-Pierre se demande s'il faut voir là "le signe d'une prévention qui serait enfin plus efficace". En attendant que la tendance se confirme, elle "ne peut que l'espérer". "Comme on ne peut qu'espérer la montée en puissance du pôle national de prévention des expulsions, porté par la Dihal" (délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement), ajoute-t-elle.