Logement - A la veille de la trêve hivernale, la fondation Abbé-Pierre rappelle que les expulsions ont bondi de 24% en 2015
Alors qu'approche la trêve hivernale - du 1er novembre au 31 mars - la Fondation Abbé-Pierre publie un communiqué pour s'inquiéter de la très forte progression des expulsions locatives en 2015. Le nombre d'expulsions effectives, avec le concours de la force publique, est en effet passé de 11.604 en 2014 à 14.363 en 2015, soit une progression de 24% sur un an. Un chiffre d'autant plus surprenant que le nombre d'expulsions locatives restait - relativement - stable depuis une dizaine d'années.
La partie émergée de l'iceberg
La Fondation rappelle au passage que ce chiffre de 14.363 expulsions en 2015 n'est que la partie émergée de l'iceberg. En effet, "les expulsions réalisées avec le concours de la force publique ne sont qu'une minorité des expulsions, compte tenu du fait que de nombreux ménages partent 'd'eux-mêmes' sans attendre les forces de l'ordre".
Cette réalité apparaît d'ailleurs dans les statistiques détaillées publiées par la Fondation sur la période 2001-2015. L'an dernier par exemple, on a ainsi compté 168.775 contentieux locatifs avec demande d'un titre exécutoire et 132.196 décisions de justice prononçant l'expulsion (un chiffre presque identique à celui de 2014). Le nombre de commandements de quitter les lieux s'est élevé à 67.406 et celui des demandes de concours de la force publique à 49.783. Au final, ce concours a été accordé à 33.461 reprises (+18% par rapport à 2014), mais n'a été effectivement mis en œuvre qu'à 14.363 reprises...
Pour la Fondation, "ces chiffres alarmants sont la conséquence de la hausse des loyers des années 2000, dans le parc privé mais aussi dans le parc social, et de la montée de la précarité depuis la crise. Ils signent aussi l'échec des politiques de prévention des expulsions qui n'ont pas su jusqu'ici enrayer cette tendance".
Quels résultats pour les politiques de prévention des expulsions ?
Ces chiffres interrogent en effet l'efficacité des politiques mises en place pour développer la prévention des expulsions. Dans le prolongement de la loi Alur du 24 mars 2014, plusieurs mesures ont été mises en place. Le fonctionnement des Ccapex (Commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) a ainsi été revu et leur rôle renforcé, avec en particulier une possibilité de saisine directe du Fonds de solidarité logement (voir notre article ci-contre du 3 novembre 2015).
De même, Emmanuelle Cosse a lancé, en mars dernier, un plan national de prévention des expulsions locatives, rassemblant plusieurs dispositions (voir notre article ci-contre du 31 mars 2016). Celles-ci ont commencé d'être mises en œuvre, à l'image de la charte pour la prévention de l'expulsion (voir notre article ci-contre du 6 avril 2016) ou de l'instauration d'une meilleure coordination entre le traitement des impayés, le versement de l'APL et la prévention des expulsions (voir notre article ci-contre du 9 juin 2016).
Certes, ces mesures datent de cette année et les chiffres 2016 ne sont pas encore connus. Mais il reste que l'impulsion que devait apporter la loi Alur - dont les ambitions initiales en matière de prévention des expulsions ont été revues à la baisse - tarde à produire ses effets. En attendant, la Fondation Abbé-Pierre estime "qu'en cas d'échec de ce type de mesures de prévention, en fin de procédure, il revient aux pouvoirs publics de refuser au maximum l'octroi de la force publique, jusqu'à ce qu'une solution de relogement digne soit trouvée pour le ménage, et d'indemniser les bailleurs dans cette attente". Cette politique doit être appliquée tout particulièrement aux personnes vulnérables, et notamment à celles reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo), "qui continuent pourtant, chaque année, à être expulsées par dizaines" (voir notre article ci-contre du 17 juin 2015).