Archives

Mal-logement - L'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public doit tenir compte de la présence d'enfants

Un arrêt du Conseil d'Etat paru cet été donne des précisions sur les modalités d'expulsion de squats ou de campements illégaux lorsque des enfants sont concernés. Précisions qui touchent indirectement les conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance. En encadré : suite du feuilleton juridique sur les arrêtés municipaux "anti-mises à la rue" dans sept villes d'Ile-de-France.

Dans un arrêt du 28 juillet, le Conseil d'Etat apporte des précisions sur la procédure d'expulsion des personnes occupant sans droit ni titre le domaine public, en l'occurrence celui de l'Etat dans l'affaire en question. Un cas de figure qui vise, par exemple, les campements illégaux ou les squats sur des dépendances du domaine public. Une partie de l'arrêt porte sur des questions de compétence des différentes juridictions administratives. Mais l'essentiel se situe dans les précisions apportées par le Conseil d'Etat sur les délais et les modalités d'expulsion d'occupants sans droit ni titre, notamment dès lors que des enfants sont en cause.

La convention sur les droits de l'enfant est applicable

L'arrêt considère qu'il y a lieu de prendre en compte, dans ce type de situation, l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990. Celui-ci dispose que "dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale".
Dans ces conditions, le Conseil d'Etat en tire la conclusion que "lorsqu'il est saisi d'une demande d'expulsion d'occupants sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public, il appartient au juge administratif, lorsque l'exécution de cette demande est susceptible de concerner des enfants, de prendre en compte l'intérêt supérieur de ceux-ci pour déterminer, au vu des circonstances de l'espèce, le délai qu'il impartit aux occupants afin de quitter les lieux".

Délais : tout dépend du contexte

Au-delà de cette prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'arrêt du Conseil d'Etat précise que ce délai doit être fixé en fonction de plusieurs critères. D'une part, "des diligences mises en œuvre par les services de l'Etat aux fins de procurer aux personnes concernées, après leur expulsion, un hébergement d'urgence" ou, si les intéressés remplissent les conditions requises, un hébergement ou un logement au titre du Dalo (droit au logement opposable).
D'autre part, de l'existence éventuelle d'un danger grave et imminent pour les occupants de l'immeuble du fait de leur maintien dans les lieux, de l'existence d'un projet d'affectation de l'immeuble à une activité d'intérêt général, dont l'occupation a pour effet de retarder la réalisation, ainsi que de la possibilité qui a été donnée à l'autorité administrative de procéder au recensement et à la définition des besoins des personnes concernées.
Dans le cas d'espèce (un squat), l'occupation illégale de l'immeuble avait pour effet de retarder le projet de création d'un lieu d'hébergement d'urgence pour des personnes en situation de grande précarité. C'est donc à juste titre que le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande du préfet de Haute-Garonne de procéder à l'expulsion des occupants sans droit ni titre.

Références : Conseil d'Etat, arrêt n°395911 du 38 juillet 2017, Mme B...

 

Le tribunal administratif de Montreuil suspend l’exécution de sept arrêtés municipaux "anti-mises à la rue"

Un maire n’est pas compétent pour apprécier l’existence des risques de trouble à l’ordre public consécutifs à la mise en œuvre d’une procédure d’expulsion, et ne peut donc pas exiger que la justification du relogement des personnes expulsées lui soit fournie.
Le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a en effet suspendu, par ordonnance du 6 septembre 2017, l’exécution des arrêtés de sept maires de communes de Seine-Saint-Denis subordonnant les expulsions locatives au relogement des personnes. Ces textes pris au sortir de la trêve hivernale par les communes de La Courneuve, Villetaneuse, Aubervilliers, Stains, Saint-Denis, Bagnolet et Bondy, prévoyaient que "lors de toute expulsion locative sur le territoire de leur commune, il [devait] être fourni au maire ou à son représentant qualifié la justification que le relogement de la personne expulsée et de sa famille dans un logement décent [était] assuré" (voir notre article ci-dessous du 4 avril 2016).
Pour le tribunal, "si le maire de la commune se voit confier […] des pouvoirs de police générale, en vue du maintien de l’ordre, de la sécurité et de la salubrité publics, il ne peut en user pour faire échec à l’exécution des décisions du représentant de l’Etat dans le département lorsque celui-ci a, en application d’une décision de justice, accordé le concours de la force publique pour qu’il soit procédé à l’expulsion des occupants d’un logement".
"Il appartient au seul préfet d’apprécier, sous le contrôle du juge, les risques de trouble à l’ordre public consécutifs à la mise en œuvre d’une procédure d’expulsion", le maire n’étant "pas compétent pour apprécier l’existence de ces risques et ne peut exiger que la justification du relogement des personnes expulsées lui soit fournie", poursuit le tribunal.
Le tribunal administratif de Montreuil, siégeant en formation collégiale, devra se prononcer définitivement sur la légalité de ces sept arrêtés municipaux.
AEF