Finances locales - La fiscalité de l'urbanisme va être profondément remaniée
La fiscalité de l’urbanisme, c'est pas moins de 8 taxes et 9 participations qui se sont "sédimentées" et qui forment aujourd’hui "un système totalement ubuesque", affirme le secrétaire d’Etat chargé du Logement et de l’Urbanisme, Benoist Apparu. Ce constat a conduit le gouvernement à vouloir simplifier cette fiscalité, qui représente environ 1 milliard d’euros et bénéficie aux communes, à leurs groupements, aux départements et à la région Ile-de-France. Sa réponse, la taxe d’aménagement (TA), figurera dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui sera débattu à la fin de l’année.
"Cette réforme doit se faire en lien et en accord total avec vous", déclarait Benoist Apparu, le 15 octobre à Dijon, devant les élus présents à la convention annuelle de l’Assemblée des communautés de France (ADCF). "Nous vous avions dit que si nous ne trouvions pas d’accord, nous ne présenterions pas cette réforme", ajoutait-il. Au terme d’une réelle concertation, donnant en tout cas satisfaction aux associations d’élus locaux, le gouvernement est en passe, donc, d’aboutir au consensus : l’Association des maires de France (AMF), l'ADCF et l’Assemblée des départements de France (ADF) ont déjà dit oui. Le 15 octobre, seule la réponse de l’Association des régions de France (ARF) n’était pas encore connue.
Due par le bénéficiaire de l'autorisation de construire ou d'aménager, la TA s’appliquerait "aux constructions, reconstructions ou agrandissements de bâtiments, installations ou aménagements de toute nature". Elle se substituerait, en principe à partir du 1er janvier 2013, à cinq taxes d'urbanisme : la taxe locale d'équipement (TLE) ; la taxe départementale pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement ; la taxe spéciale d'équipement de la Savoie ; la taxe complémentaire à la TLE perçue au profit de la région d’Ile-de-France et la taxe départementale des espaces naturels sensibles.
Après une évaluation, la TA pourrait également intégrer, à partir de 2016, la majeure partie des participations, dont la participation pour voirie et réseaux (PVR).
"Petite révolution"
La taxe d'aménagement serait instituée de plein droit dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un plan d'occupation des sols (POS), ainsi que dans les communautés urbaines. Les communautés compétentes en matière de PLU pourraient se voir transférée la fiscalité de l’urbanisme à la majorité qualifiée des communes. L’assiette de la taxe serait constituée par la valeur forfaitaire au m2 de la surface de construction ou de la surface concernée par les aménagements. Le produit de la TA serait affecté en section d'investissement du budget des collectivités.
La TA doit améliorer la compréhension et la lisibilité de la fiscalité de l’urbanisme. Le versement pour sous-densité qui serait créé en même temps doit, lui, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, renforcer les moyens de lutte contre le gaspillage des terrains. Selon l’ADCF, cet outil procède d’une "petite révolution" en inversant la logique du versement pour dépassement du plafond local de densité créé en 1975. En vertu de ce mécanisme, certes abrogé en 2000, qui demeure toujours en vigueur dans de nombreuses communes, le particulier ou le professionnel qui construit est taxé si la densité de sa construction dépasse le plafond fixé par la collectivité. Au contraire, la collectivité pourrait, à l’avenir, déterminer un seuil minimal de densité, par secteur. En dessous de ce seuil, la personne titulaire de l’autorisation de construire ou d’aménager devrait payer une sorte de "malus". L’instauration du versement pour sous-densité entraînerait la suppression de plein droit du versement pour dépassement du plafond légal de densité.
Le nouvel outil est bien accueilli par les élus locaux du fait de son caractère facultatif. L’ADCF fait le pari que le débat sur son instauration "aura lieu dans toutes les assemblées locales". "Les esprits ont changé avec le Grenelle", observe l’association représentative des communautés. Pierre Ducout, maire de Cestas, qui est en charge de ce dossier à l’AMF, a également une réaction positive. La TA financera les équipements publics sans avoir pour objectif de réduire la consommation d’espace – cette vocation étant celle du versement pour sous-densité. C’est là l’essentiel pour l’AMF. On comprend, du coup, pourquoi le "bonus" un temps envisagé par les initiateurs de la réforme, n’a finalement pas été retenu. Celui-ci devait alléger les taxes d’urbanisme pour les projets de construction se situant au-dessus du seuil de densité. Le rendement des taxes était donc menacé.
Comme lors de toute réforme touchant à la fiscalité, le souci des élus locaux est, en effet, d’obtenir que les collectivités bénéficient, après, au minimum des mêmes ressources qu’avant. Le secrétaire d’Etat au Logement l’a bien compris. Ce n’est pas fortuit s’il a répété à Dijon, le 15 octobre devant les représentants des communautés, que la réforme "n’a pas un objectif d’économies". Pierre Ducout reste malgré tout prudent, faisant remarquer que les élus locaux n’ont pas obtenu de simulations. A l’ADCF en revanche, on veut croire le secrétaire d’Etat : "Le calibrage est fait de telle sorte que le rendement de la taxe d’aménagement soit équivalent à celui des taxes actuelles."
Modulation fiscale
Globalement vigilants, les maires et les présidents de communautés reconnaissent que la réforme va leur apporter une dose de "souplesse fiscale". Comme avec la TLE, leurs collectivités pourront faire varier le taux de la TA dans une fourchette de 1 à 5%. La nouveauté est qu’elles pourront fixer des taux différents suivant les secteurs – alors que le taux de la TLE était uniforme. Le taux pourra même être augmenté jusqu’à 20% dans certains secteurs. A noter que dans ce cas là, l’instauration du seuil minimal de densité sera obligatoire. "Ces marges seront suffisantes pour que les communes puissent avoir une politique adaptée à leur territoire", se réjouit Pierre Ducout, qui observe toutefois que ces mécanismes de modulation seront "compliqués à mettre en œuvre", notamment pour des petites communes. Tout en se félicitant également de ces marges nouvelles, la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) observe pour sa part, que l’actuelle taxe locale d’équipement "n’est généralement pas au taux plafond". Les collectivités en quête de ressources, peuvent, par conséquent, réfléchir à placer le curseur plus haut.
Enfin, à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), Jean Facon, directeur adjoint, déclare que "la réforme assurera sans doute un meilleur rendement de la couverture du coût des routes et nouveaux réseaux par le candidat à la construction". Mais la fédération ne veut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Le "traumatisme" engendré par "l'échec" de la création - en 2000 et 2003 - de la participation pour voirie et réseaux (PVR) l’incite à une extrême prudence. Cet échec, rappelle Jean Facon, a obligé les communes à financer, parfois entièrement, par l’impôt local des équipements qui auraient dû être financés au moins en partie par les seuls propriétaires des nouvelles constructions. A la lumière du passé, le directeur adjoint de la FNCCR estime que, pour la présente réforme, une "clause de revoyure" serait bienvenue. Après un bilan, le Parlement pourrait ainsi corriger ou ajuster la loi, si cela s’avérait nécessaire. En attendant, le succès de la réforme est suspendu à sa bonne ou mauvaise "compréhension" par les acteurs locaux, souligne la FNCCR.
Thomas Beurey / Projets publics