Développement durable - Le Grenelle 2 définitivement adopté par le Parlement
Au lendemain du vote des sénateurs, les députés ont définitivement adopté par un dernier scrutin à main levée le 29 juin le projet de loi portant "Engagement national pour l'environnement" dit Grenelle 2 qui avait été finalisé en commission mixte paritaire (CMP) le 16 juin. Comme au Palais du Luxembourg, communistes, socialistes et Verts ont voté contre. Seuls les députés UMP et Nouveau Centre ont voté pour. On est donc loin du vote à la quasi unanimité en juillet dernier de la loi Grenelle 1 fixant les grandes orientations du Grenelle de l'environnement.
L'opposition, comme nombre d'ONG, déplore que le "new deal écologique" annoncé en octobre 2007 par le chef de l'Etat ait beaucoup perdu de son ambition et de son éclat au stade de la mise en œuvre. Evelyne Didier, sénatrice PCF de Meuthe-et-Moselle, a critiqué le "rabotage" opéré, notamment sur la trame verte et bleue. Elle a aussi dénoncé le fait que "80 articles" sur les 250 que compte le texte "n'ont pas été examinés au Sénat" du fait de la procédure d'urgence. "Le Grenelle 1 a posé des principes forts. Le Grenelle 2 nous a été présenté comme une boîte à outils et elle mérite bien son nom car elle ne permettra que de bricoler au lieu de faire des changements en profondeur." Paul Raoult, sénateur PS du Nord, a pour sa part estimé que la CMP avait "très fortement affaibli" l'opposabilité de la trame verte et bleue "particulièrement en ce qui concerne les infrastructures linéaires de l'Etat" et que le gouvernement, comme les deux assemblées, avait fait preuve d'une "frilosité surprenante" concernant l'éolien. Philippe Tourtelier, député PS d'Ille-et-Vilaine, a lui aussi estimé que la trame verte et bleue avait été "vidée de son sens" puisque l'"opposabilité a été transformée en une simple prise en compte". Il prévoit également "la mort annoncée de l'éolien".
Effectuer un suivi de la mise en oeuvre
Le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, s'est félicité pour sa part que le Parlement rende "irréversible une métamorphose de notre société". "Même si ça a été difficile, compliqué, ingrat, on est allé jusqu'au bout des cinq textes (1)", a affirmé le ministre, considérant qu'il s'agit d'une "œuvre législative majeure". "Je regrette pour vous que vous ne participiez pas à ce monument essentiel que nous léguerons à nos enfants", a-t-il lancé à l'opposition à l'Assemblée. Les rapporteurs dans les deux chambres ont eux aussi défendu le texte jusqu'au bout. "C'est une erreur historique (de voter contre le Grenelle 2) qui n'empêchera pas le Grenelle de l'environnement d'avance et de progresser", a déclaré Louis Nègre, sénateur UMP des Alpes-Maritimes et rapporteur des volets transports et santé. Bruno Sido, sénateur UMP de Haute-Marne et rapporteur des volets énergie et biodiversité, s'est félicité de la "bonne entente" entre sénateurs et députés en CMP et des "consensus" trouvés sur "de nombreux sujets". Michel Piron, député UMP du Maine-et-Loire et rapporteur pour les volets énergie et urbanisme, a salué un texte "lucide et volontaire, équilibré et raisonnable". Quant à Bertrand Pancher, député de la Meuse et rapporteur des volets santé, risques, déchets et gouvernance, il a affirmé avoir voté le texte "avec bonheur". Il a toutefois prévu d'élaborer un "suivi" de la mise en œuvre du texte avec "l'ensemble des parties prenantes et pourquoi pas les corapporteurs du Sénat". Car les "questions" sur "l'éolien", "l'opposabilité de la trame verte et bleue" et "l'étiquetage" sont "légitimes et méritent d'être suivies".
Le marathon législatif achevé, la prochaine étape sera la parution du texte au Journal officiel. Puis viendra le temps de sa déclinaison concrète : selon le ministère de l'Ecologie, quelque 190 décrets devront maintenant être rédigés pour assurer sa mise en œuvre complète. Dans l'univers associatif, marqué par les propos de Nicolas Sarkozy au dernier Salon de l'Agriculture – "l'environnement, ça commence à bien faire" -, on redoute un manque de portage politique au moment de la territorialisation du texte. La secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, reconnaît elle-même ce risque de démobilisation. "En France, quand on a voté une loi, on ne s'intéresse absolument pas à sa mise en œuvre, on a l'impression que le boulot est fait, ce qui, dans le domaine de l'environnement, est encore plus faux qu'ailleurs", a-t-elle mis en garde. Elle promet en tout cas de poursuivre à l'automne, avec des étapes à Marseille et à Lyon, notamment, un "tour de France" entamé il y a plusieurs mois "pour que la population se saisisse du sujet".
Anne Lenormand
(1) Lois Grenelle 1 et 2, OGM, responsabilité environnementale et organisation et régulation des transports ferroviaires
Grenelle 2 : les principales mesures
Bâtiment et urbanisme
- obligation de faire figurer le classement d'un bien immobilier au regard de sa performance énergétique dans les annonces immobilières, à la vente ou à la location (sauf baux ruraux ou locations saisonnières)
- attestation obligatoire de normes énergétiques à l'achèvement des travaux
- autorisation de dépassement des règles de densité pour les bâtiments à haute qualité énergétique ou avec équipements d'énergie renouvelable
- suppression de l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France en cas de litige avec l'autorité administrative
- autorisation donnée au gouvernement de légiférer par ordonnances en matière d'urbanisme
Transports
- mesures en faveur des transports collectifs
- mesures encourageant les infrastructures de charge pour véhicules électriques ou hybrides
- expérimentation, sur trois ans, des péages urbains pour les villes volontaires de plus de 300.000 habitants
- autorisation de moduler les tarifs des péages autoroutiers. Modalités fixées par décret
- obligation de prévoir la création de garages à vélos dans les nouveaux immeubles
Energie et climat
- élaboration des schémas régionaux climat-air-énergie
- obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés d'établir un bilan social et environnemental
Energies renouvelables
- établissement de schémas régionaux éoliens
- éoliennes soumises en 2011 au régime des installations classées pour la protection de l'environnement, rendant leur implantation plus difficile
- mise en place d'unités de production de l'éolien avec un seuil minimum de
5 mâts pour chaque unité
- obligation pour les unités de production d'être situées à au moins 500 mètres d'une habitation dans les zones déjà définies à la date de publication de la loi
- engagement pris par le gouvernement de construire au moins 500 éoliennes par an
Biodiversité
- interdiction de la publicité sur les pesticides, renforcement de l'encadrement des produits phytosanitaires
- tout retrait d'un produit phytosanitaire sera soumis à un avis de l'AFSSA et à une évaluation des effets socio-économiques et environnementaux
- protection des zones de captation d'eau potable
- création d'une certification "haute valeur environnementale" pour les exploitations agricoles
- élaboration, d'ici à 2012, d'une trame verte (sur terre) et d'une trame bleue (cours d'eau) pour enrayer la perte de la biodiversité. Il faudra que ces trames soient prises en compte pour le tracé des infrastructures linéaires de l'Etat (autoroutes et lignes à grande vitesse)
Risques, santé et déchets
- renforcement de la surveillance de la qualité de l'air
- déclaration obligatoire des nano-particules
- interdiction des téléphones portables en maternelle, primaire et collège et de leur publicité directe auprès des jeunes
- expérimentation, à partir du 1er juillet 2011, de l'étiquetage de divers produits pour informer le consommateur de leur contenu en équivalent carbone
- autorisation, pour les buralistes, de "distribuer" à titre gratuit des cendriers de poche biodégradables
- livres scolaires imprimés sur papier recyclé à partir de 2011 (idem pour affiches et tracts électoraux).