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Fonds européens - La culture ne veut pas être la cinquième roue du carrosse européen

En se focalisant sur les investissements économiques et la création d'emplois, l'UE risque de ne pas laisser beaucoup de place au développement culturel. A moins qu'il ne soit perçu comme un outil d'innovation.

A la veille du Forum européen des 20 et 21 octobre à Bruxelles, les professionnels de la culture restent plus que vigilants sur la place que l'UE entend donner au secteur. Avec la crise économique en toile de fond, la révision des priorités de financement de l'UE risque de porter ombrage à la culture, qui cherche toujours sa place au sein de la stratégie 2020 favorisant l'innovation, l'environnement et le progrès social.
L'heure est à "la vision très utilitaire des politiques culturelles, observe Hortense Archambault, co-directrice du festival de théâtre d'Avignon. Elles doivent soit servir à soigner les blessures sociales, soit être un facteur de développement économique".
La tendance n'est pas nouvelle. Dès 2007, les fonds régionaux européens se sont tournés vers la stratégie de Lisbonne, qui faisait la part belle à la compétitivité, la R&D et l'innovation. Des choix qui influencent largement les politiques locales. Jusqu'en 2013, la région Nord-Pas-de-Calais a freiné ses investissements européens dans le domaine culturel. Seul le Louvre à Lens fait office de projet phare. "Le rayonnement de cette infrastructure dépasse de loin son implantation locale. Ce raisonnement justifiait l'intervention de fonds européens", explique Philippe Farvacque, en charge des affaires européennes au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Le projet initial ayant pris du retard, les crédits européens ont seulement pu être mobilisés sur la période actuelle (2007-2013). Mais celle-ci se montre beaucoup moins propice aux investissements culturels que la précédente.

La dynamique est retombée

Entre 2000 et 2006, la région Nord-Pas-de-Calais a par exemple financé 101 opérations, puisant ainsi dans le fonds européen de développement économique régional à hauteur de 46 millions d'euros. Maisons folies dans les quartiers populaires de Lille, musée des beaux arts, musée de la dentelle à Calais… Autant d'infrastructures qui ont vu le jour ou ont été réhabilitées avec l'appui de l'UE. Dopée par le label remis à Lille en 2004 (capitale européenne de la Culture), la dynamique est aujourd'hui retombée. "Les fonds européens ne financent plus de projets culturels", fait-on savoir sur place. Toutes proportions gardées, des initiatives émergent cependant, mais de manière indirecte. Près de Valenciennes, un espace artistique dédié aux arts du cirque a par exemple ouvert ses portes cette année, en partie grâce aux fonds européens. Mais ces derniers sont intervenus parce qu'il s'agissait de la réhabilitation d'une friche industrielle.
Dans ses propositions de réforme de la politique régionale, la Commission européenne n'élude pas tout à fait la culture, mais l'aborde sous l'angle particulier de la "protection, promotion et développement du patrimoine culturel". Le mouvement "We are more", à l'origine d'un manifeste signé par plus de 20.000 personnes, aurait en revanche préféré qu'une participation minimum de fonds européens pour la culture soit gravée dans le marbre des textes. "La solution n'est pas forcément d'avoir un budget dédié mais plutôt de pousser les régions à avoir des spécialisations", commente un spécialiste du secteur.

Créativité et innovation

Pour favoriser l'innovation, Bruxelles insiste en effet sur la notion de "spécialisation intelligente" des territoires. Dans une communication publiée en octobre 2010, la Commission européenne avait balisé le chemin : "Les industries culturelles et créatives, qui se développent au niveau local et régional, occupent une position stratégique pour relier la créativité à l'innovation. Elles devraient être intégrées dans les stratégies de développement régional", écrivait-elle.
La balle serait donc dans le camp des collectivités locales. Mais la stratégie culturelle de ces dernières reste "balbutiante". "Les régions ont toujours une vision guichetière de l'Europe", regrette un spécialiste, soulignant également les travers des professionnels de la culture. "Le lobby culturel est peut-être trop dédié aux endroits où l'on parle de culture. Il va falloir apprendre à discuter avec d'autres acteurs, comme ceux du développement rural mais aussi les banques", suggère-t-il.
Outre les fonds régionaux, la Commission a également décidé de changer de braquet sur le programme Culture, devenu "Europe créative". Initialement doté de 400 millions d'euros, le budget proposé s'élève désormais à 1,6 milliard d'euros, résultat d'une fusion avec d'autres actions dédiées à l'audiovisuel (Media pour le financement du cinéma dans l'UE, et Media Mundus qui est ouvert aux productions des pays tiers). "L'idée de les regrouper sous un même toit est de maximiser les synergies", fait savoir un porte-parole de la Commission. Là encore, le jargon administratif nourrit des interrogations sur la cohabitation des "produits" de l'industrie cinématographique avec d'autres pratiques artistiques (spectacle vivant notamment) qui n'obéissent pas aux mêmes logiques économiques.

 

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