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Culture - L'Assemblée se penche sur la valorisation du patrimoine culturel

La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a organisé, le 11 mai, une table ronde sur la valorisation du patrimoine culturel français. Le débat s'est organisé autour de deux interventions d'experts. La première est celle de Françoise Benhamou et Davis Thesmar, professeurs respectivement à Paris XIII et à HEC, et auteurs d'un récent rapport "Valoriser le patrimoine culturel de la France", pour le compte du Conseil d'analyse économique (pour le contenu de ce rapport, voir notre article ci-contre du 11 mars 2011). Les deux auteurs ont notamment rappelé que ce patrimoine culturel est en croissance constante, puisqu'il n'y a pratiquement jamais de déclassement. Ils préconisent d'ailleurs eux-mêmes une approche large, englobant notamment le patrimoine immatériel comme "les savoir-faire et les métiers d'art, qui représentent 43.000 emplois et ont d'importants effets externes en tant que vecteurs non seulement de transmission de tradition mais aussi d'exportation". Ils ont également détaillé les principales propositions de leur rapport et notamment celle consistant à majorer "de manière assez significative" le tarif d'entrée dans les musées et les monuments historiques subventionnés par l'État pour les non-résidents de l'Union européenne ou celle consistant à majorer la taxe de séjour appliquée aux nuitées d'hôtels, afin de financer la mise en valeur et l'entretien du patrimoine. Parmi les autres mesures préconisées figure également une mise à disposition gratuite du patrimoine numérisé.
Le second expert invité à cette table ronde était Isabelle Lemesle, la présidente - récemment renouvelée - du Centre des monuments nationaux. Celle-ci a rappelé qu'avec 8,6 millions de visiteurs annuels, le CMN est le premier opérateur public culturel touristique français, juste devant le Louvre (mais avec une centaine d'implantations sur le territoire). Elle s'est déclarée sceptique sur l'impact d'une tarification majorée pour les touristes hors Union européenne, dans la mesure où la très grande majorité des visiteurs est originaire de l'UE. En revanche, elle s'est montrée plus ouverte à une majoration de la taxe de séjour. La présidente du CMN a mis également en avant l'intérêt de valoriser le patrimoine en y organisant des manifestations culturelles (spectacles, concerts, expositions...), qui ont l'avantage de doper la fréquentation.

Externalités et gratuité

Lors du débat avec les membres de la commission, plusieurs députés se sont inquiétés du préjudice que pourrait porter "au rayonnement de la France", des mesures de discrimination des touristes non-européens ou de hausse des tarifs et des taxes. Certains parlementaires ont également mis en avant l'impact économique positif - et à préserver - du tourisme lié au patrimoine. Cette activité non-délocalisable et rentable représenterait environ 25% de l'activité touristique globale. La question de la gratuité a également été évoquée par plusieurs intervenants - qui ont plutôt souligné les résultats mitigés de l'expérience -, de même que la place du mécénat et des partenariats public-privé.
Dans leurs réponses, les auteurs du rapport ont défendu la tarification différenciée. Ils ont également développé la notion d'externalité pour justifier la hausse de la taxe de séjour, en expliquant que chaque touriste entrant au Louvre "reçoit en fait, de la part du contribuable, une subvention à hauteur de 50% du coût de sa visite" (le coût des billets ne couvrant que la moitié des charges de fonctionnement du musée). Il n'est donc pas anormal de solliciter les bénéficiaires de cette subvention par un autre biais.
Pour sa part, la présidente du CMN s'est défendue de vouloir transférer aux collectivités locales les monuments déficitaires. Elle a, au contraire, réaffirmé la nécessité de la péréquation. Elle a également affirmé n'être "pas favorable à la décentralisation des décisions d'investissement, qui nécessitent un véritable savoir-faire". Mais elle a fermement défendu le principe de la gratuité : sur les 8,6 millions de visiteurs des monuments du CMN, 2,9 millions entrent gratuitement...