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Accès aux soins - La Cour des comptes très critique sur vingt années de recomposition de l'offre de soins

Dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, publié le 15 septembre, la Cour des comptes juge "décevant" le bilan des actions entreprises depuis une vingtaine d'années pour réorganiser l'offre de soins. Celle-ci reste à ses yeux trop axée sur l'hôpital. Dans le même temps, les modes d'organisation des soins de ville ont peu évolué et les inégalités d'accès à la médecine de ville restent fortes. Parmi ses recommandations, la Cour propose de renforcer le fonctionnement du fonds d'intervention régional (FIR) et d'octroyer de nouvelles responsabilités aux agences régionales de santé (ARS).

Un bilan décevant : ces trois mots, en titre du chapitre sur la recomposition territoriale de l'offre de soins dans le rapport 2015 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, publié le 15 septembre, résument vingt ans de politiques publiques en la matière. La remarque vaut pour l'offre hospitalière comme pour l'offre ambulatoire. Et l'enjeu n'est pas mince : entre 1994 et 2012, la consommation de soins de ville et hospitaliers est passée de 70 à 132 milliards d'euros, soit une augmentation de 39% en volume (abstraction faite de l'inflation), au point de représenter désormais 6,5% du PIB. Sur la même période, le personnel hospitalier - médical et non médical - a crû de 16% pour atteindre 1,2 million de personnes, tandis que les effectifs des principales professions libérales (médecins, infirmiers, sages-femmes, dentistes, orthophonistes et masseurs-kinésithérapeutes) progressaient de 47% pour atteindre 360.000 personnes.

Une recomposition hospitalière très partielle

Au regard de ce bilan jugé décevant par la Cour, les réformes n'ont pourtant pas manqué : création des schémas régionaux d'organisation sanitaire (Sros) - puis des schémas médicosociaux -, création des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) puis des agences régionales de santé (ARS), loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) du 21 juillet 2009... mais, aux yeux de la Cour, ces outils et réformes n'ont pas produit les résultats attendus. Le rapport pointe ainsi plusieurs points faibles.
Tout d'abord, la recomposition hospitalière n'a été que très partielle et laisse la France dans une position sensiblement différente de celle de ses voisins. Malgré une réduction du nombre de lits et places (de 568.000 en 1994 à 473.000 en 2012), la France est au-dessus de la moyenne de l'OCDE (6,37 lits contre 4,96 lits pour 1.000 habitants). De même, l'hôpital représente toujours 37% de la dépense de santé, contre 29% pour la moyenne de l'OCDE. La Cour observe également que les restructurations ont été plus profondes dans le privé que dans le public. Un point positif toutefois : la réduction des écarts d'équipement hospitalier entre régions.
Les résultats ne sont guère meilleurs sur les soins de ville. Le rapport pointe notamment des "initiatives timides pour remédier aux difficultés croissantes d'accès aux soins dans certains territoires", ainsi que l'organisation "toujours inaboutie" des soins de proximité. Là non plus, les tentatives n'ont pourtant pas manqué, depuis le "médecin référent" de 1997 jusqu'au développement récent des maisons de santé pluridisciplinaires, en passant par le "médecin traitant" de la réforme de 2004 et l'échec cuisant du dossier médical personnel (DMP).

Du contraignant à l'incitatif... sans plus de succès

La Cour relève également qu'"au cours des vingt dernières années, les pouvoirs publics ont privilégié trois modalités d'intervention pour réorganiser l'offre de soins : la définition de règles, la régulation tarifaire et l'incitation auprès des différents offreurs de soins". Or elle constate que "la mise en oeuvre de ces différents outils a progressivement perdu de sa force".
C'est notamment le cas de la planification de l'offre avec les Sros, affaiblis - entre autres - par l'abandon des objectifs quantifiés d'activité au profit d'"indicateurs de pilotage d'activité" (IPA). L'usage et la portée des normes ont eu également tendance à s'affaiblir, de même que le potentiel de la T2A (tarification à l'activité) n'a pas vraiment été utilisé pour réguler l'offre de soins.
Pour pallier l'abandon - relatif - de ces outils, les gouvernements successifs ont privilégié les "méthodes coopératives et incitatives, d'efficacité limitée", comme le développement de la coopération entre établissements (plutôt que restructurations) ou la multiplication des contractualisations et des expérimentations.

De nouveaux leviers pour amplifier "une réorganisation indispensable"

Face à ces constats, la Cour des comptes juge nécessaire de mettre en place "de nouveaux leviers pour amplifier une réorganisation indispensable". Il s'agit en effet de faire face à une montée des contraintes, qu'elles soient démographiques (déclin du nombre de médecins) ou économiques (renforcement de la contrainte financière à travers l'objectif national des dépenses d'assurance maladie - Ondam -, même si celui-ci reste toujours supérieur à l'inflation).
Pour cela, le rapport propose de "redéfinir un cadre cohérent d'intervention", à travers trois mesures - qui ne semblent toutefois pas vraiment à la hauteur des enjeux. Tout d'abord, il s'agit de "piloter plus fermement par la qualité et la sécurité des soins". En d'autres termes, il convient de poursuivre - sinon d'amplifier - les fermetures de petits établissements ou services qui n'offrent pas une activité suffisante pour garantir la qualité.
Ensuite, la Cour préconise de renforcer le fonctionnement du fonds d'intervention régional (FIR, créé par la LFSS pour 2012). Il s'agirait notamment d'accroître la fongibilité des crédits du FIR (3,1 milliards d'euros en 2015) avec les enveloppes de financement de certaines activités (SSR, psychiatrie, soins de longue durée...), d'y inclure certaines lignes de crédits qui n'y figurent pas encore (comme le 1,4 milliard d'euros de compensation des charges liées à l'accomplissement de missions d'intérêt général ou destinés à l'aide à la contractualisation) ou encore de renforcer la modulation entre régions.
Enfin, la Cour plaide en faveur de nouvelles responsabilités pour les ARS, dont le nombre va passer de 26 à 17 du fait des regroupements de régions. Ces responsabilités nouvelles pourraient notamment concerner l'accroissement de la modulation des concours financiers aux établissements publics de santé ou la déclinaison régionale de certains aspects des politiques conventionnelles, au demeurant assez limités, comme les aides incitatives à l'installation, la rémunération de la permanence des soins ou certains éléments de rémunération sur des objectifs de santé publique. On notera au passage que ces préconisations de la Cour concernent presque exclusivement l'hôpital... 

 

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