Modes de garde - La Cour des comptes critique sévèrement la politique d'accueil de la petite enfance
Le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, présenté par Philippe Seguin le 10 septembre, consacre un chapitre aux aides à la garde des jeunes enfants. Celui-ci se montre très critique sur la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) qui représente - depuis la réforme de 2004 et sous ses différentes déclinaisons - l'essentiel des 13 milliards d'euros d'aides aux modes de garde. La Cour estime en effet que la Paje s'est révélée "plus coûteuse que prévue" et n'a pas véritablement atteint son double objectif de simplification du dispositif et de facilitation du libre choix des parents. En matière de coût, les prestations antérieures à la Paje représentaient un total de 8,13 milliards d'euros en 2003, tandis que les différentes formes de la Paje atteignent 10,44 milliards en 2006 (+28%). Mais "les promoteurs de la Paje n'ont pas cherché à évaluer son coût avec réalisme" et le surcoût a donc été très largement minoré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, qui a créé cette nouvelle prestation. A cette sous-évaluation s'est ajouté l'effet mécanique de la hausse du nombre des naissances, celui-ci ayant atteint en 2006 son niveau le plus élevé depuis près de 30 ans.
La Cour pointe également l'échec du complément optionnel de libre choix d'activité (Colca ou congé parental) - l'une des formes de la Paje -, qui ne comptait que 2.047 bénéficiaires au 30 septembre 2007 au lieu des 50.000 envisagés. Elle regrette aussi la progression insuffisante du nombre d'assistantes maternelles, qui plafonne depuis 2004 alors que ce mode de garde représente la solution la moins coûteuse pour la collectivité (en 2007, 863 euros de coût total partagé entre les parents et la collectivité, contre 2.255 pour la garde à domicile, 1.128 pour la garde partagée et 1.372 pour les structures d'accueil des jeunes enfants). La situation en ce domaine est d'autant plus inquiétante que 80.000 assistantes maternelles vont partir en retraite à l'horizon 2015 sans que leur remplacement soit aucunement garanti.
En matière d'accueil collectif, le rapport déplore les retards pris par le plan crèches : sur les 75.000 places qui devaient être créées entre 2000 et 2007, 32.280 ne le seront finalement qu'entre 2007 et 2011. Il met également le doigt sur un phénomène méconnu : les fermetures de crèches. Entre 2.000 et 3.000 places seraient ainsi définitivement fermées chaque année, le plus souvent pour non respect des normes. Enfin la Cour observe que le taux de scolarisation des enfants de 2-3 ans a diminué de 27% entre 2003 et 2006 (-29% dans le public et -1,8% dans le public). Ce sont ainsi 63.335 enfants qui ont dû trouver d'autres prises en charge, ce qui correspond à la quasi totalité des places créées au cours de la période auprès des assistantes maternelles et en établissements d'accueil de la petite enfance... Une situation que la Cour juge "peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l'argent public". Le coût par enfant était en effet, en 2006, de 4.570 euros en maternelle (hors activités périscolaires), contre 13.368 euros en modes de garde collectifs.
La Cour des comptes formule également un certain nombre de recommandations. Outre un renforcement de la cohérence des interventions des différents acteurs (dont les collectivités territoriales), elle préconise de "mieux corréler le taux d'effort des familles en fonction de leurs revenus pour chaque mode de garde", autrement dit de réduire l'aide pour la garde à domicile, système le plus coûteux et qui bénéficie surtout aux familles les plus aisées. La Cour suggère également de réduire la durée du CLCA (congé parental), "afin d'éviter l'éloignement durable des mères du marché du travail et [d']envisager de revenir sur la revalorisation du CLCA à temps partiel".
Jean-Noël Escudié / PCA