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Finances locales - La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises toujours en phase de rodage ?

Quatre ans après sa mise en place, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), soit une recette de près de 16 milliards pour les collectivités (8% de leurs budgets), pose encore des questions. Les critères de répartition entre collectivités dans le cas d'entreprises multi-établissements sont imparfaits. C'est ce que conclut une mission d'inspection (IGA-IGF), qui recommande aussi d'améliorer l'information des collectivités.

Lors de la suppression, fin 2009, de la taxe professionnelle et de son remplacement partiel par de nouveaux impôts, notamment la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les élus locaux avaient réclamé que l'allocation de cette ressource tienne compte de la valeur ajoutée produite localement. C'était, estimaient-ils, le moyen pour leurs collectivités de bénéficier d'un retour fiscal sur l'activité économique de leurs territoires. Mais toute la difficulté de l'exercice consistait à appliquer ce principe aux entreprises possédant plusieurs établissements, qui s'acquittent d'environ 30% de la CVAE. En effet, seuls les établissements principaux disposent d'une comptabilité. Il a donc fallu répartir le produit de la CVAE entre les collectivités sur les territoires desquels sont implantés les établissements des entreprises concernées, c'est-à-dire de "territorialiser" la CVAE. A cette fin, il a été décidé d'utiliser une clé de répartition constituée des effectifs (pour deux tiers) et des valeurs locatives foncières (pour un tiers).
Quatre ans après l'entrée en vigueur de la réforme, ces critères sont perfectibles, conclut une mission conduite à la demande du gouvernement par l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale des finances (IGF). "La fiabilité du critère des effectifs n'est pas assurée", indiquent-elles dans un rapport qu'elles ont remis en juin dernier et qui, jusqu'à sa publication le 22 octobre, a été tenu confidentiel. Ce critère, ajoutent-elles, est "discutable sur le plan économique car la productivité est très différente selon les secteurs d'activité".

Affecter toute la CVAE aux régions ?

Lorsqu'un établissement est de type industriel, sa valeur ajoutée est calculée en surpondérant le critère des effectifs. Affecté d'un coefficient 2 à partir de 2011, ce critère est même affecté d'un coefficient 5 depuis le vote de la loi de finances pour 2014. Le but est d'assurer un meilleur retour fiscal aux territoires industriels, étant entendu que ces collectivités ont accepté des activités génératrices de nuisances pour l'environnement. Le gouvernement promettait ainsi un gain fiscal de 100 millions d'euros par an pour les collectivités concernées.
Cette mesure est toutefois "d'un effet limité", conclut la mission. Alors qu'un même coefficient de surpondération est appliqué à toutes les entreprises industrielles, celles-ci occasionnent en réalité des contraintes variables pour les territoires qui les accueillent, fait-elle remarquer. Elle recommande donc d'améliorer le critère des effectifs en le complétant, à titre secondaire, par un critère prenant en compte le degré de risques engendrés par l'activité (ce dernier étant indiqué par la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement). Au passage, les inspections prônent un allègement des obligations déclaratives des entreprises.
Les difficultés de répartition de la valeur ajoutée seraient amoindries si "l'essentiel, voire la totalité" du produit de la CVAE était attribué aux régions, estime par ailleurs la mission. Laquelle reprend ainsi l'une des demandes formulées par l'Association des régions de France... ou par la Cour des comptes qui jugeait elle aussi à la mi-octobre qu'il faut aller dans cette voie. Sans surprise, cette proposition fait réagir l'Assemblée des communautés de France (ADCF). "Si on n'affecte pas une part de la CVAE au bloc communal, on ne l'encouragera pas à faire du développement économique", prévient son délégué général, Nicolas Portier. Actuellement, les régions perçoivent 25% des recettes de CVAE, les communes et les intercommunalités 26,5% et les départements 48,5%.
Les hauts fonctionnaires de l'Etat déconseillent d'étendre aux sociétés fiscalement intégrées dans un groupe les critères des effectifs et des valeurs locatives, comme l'avait souhaité en juin 2012 la mission sénatoriale d'information sur la suppression de la taxe professionnelle. Plus de 8 milliards d'euros de recettes de CVAE seraient réaffectés entre les collectivités et un "nombre significatif" d'entre elles seraient perdantes (parfois à hauteur de plus de 20%). Les intercommunalités seraient particulièrement touchées par les changements de règles. "C'est au contraire le fait de ne pas consolider les données au niveau du groupe qui crée actuellement des aléas", réagit Nicolas Portier.

Une meilleure information des collectivités sur leurs bases fiscales

La mission du Sénat indiquait que "les 73.000 entreprises appartenant à un groupe fiscal au sens de l'impôt sur les sociétés" avaient réalisé en 2006 plus de la moitié de la valeur ajoutée nationale. Or, "le produit de CVAE d'une société mère appartenant à un groupe bénéficie intégralement à la commune, au département et à la région sur les territoires desquels la société mère est implantée", poursuivait-elle.
Les associations d'élus locaux devraient accueillir avec satisfaction les recommandations des inspections en faveur d'une meilleure information des collectivités sur les bases de CVAE. En novembre 2013, elles avaient en effet interpellé l'Etat à ce sujet (voir notre article du 21 novembre 2014). En la matière, la DGFIP ne peut opposer ni le secret professionnel ni le secret fiscal, indique la mission. Heureusement, sur ce dossier, Bercy a vite réagi, en parallèle des travaux de la mission. Un groupe de travail réunissant les associations d'élus locaux et l'administration centrale va permettre la signature le mois prochain d'une convention de partenariat visant une meilleure information des collectivités. La mission suggère d'aller plus loin en mettant en place un calendrier permettant une communication plus précoce en direction des collectivités. Et propose un toilettage de la législation sur le sujet.