Fibre optique - La Commission européenne approuve le financement public du réseau des Hauts-de-Seine

"Après 16 mois d'analyse, la Commission européenne, qui devait se forger sa doctrine en la matière, vient de valider la stratégie du conseil général des Hauts-de-Seine, lancée dès 2004, pour le déploiement d'un réseau de fibre à très haut débit sur tout notre territoire, y compris nos 40% d'habitat pavillonnaire et nos immeubles de moins de 12 logements. Cette décision va dans le sens de la clarification de l'intervention des collectivités dans ce secteur", s'est réjoui Thierry Solère, vice-président du conseil général et premier maire adjoint de Boulogne, ce 1er octobre à l'Université Paris Dauphine, lors de la table ronde consacrée à l'aménagement numérique du territoire des deuxièmes Assises du numérique. La veille, la commissaire européenne à la Concurrence, Nelly Kroes, a motivé clairement la décision : "Le projet français permettra de déployer dans l'intégralité du département un réseau à très haut débit, neutre et passif, d'ici six ans, offrant à tous les opérateurs tiers un accès effectif et non discriminatoire. Ceci va stimuler davantage la concurrence et la fourniture de nouveaux services innovants au profit de tous les citoyens du département." Le futur réseau (baptisé THD Seine) s'inscrit dans une délégation de service public (DSP) sur 25 ans. Le délégataire (groupement constitué de Numéricable, Eiffage, LD Collectivités) est "opérateur d'opérateurs" et proposera la location de fibre noire : une fibre optique commercialisée et posée mais non-raccordée à des équipements actifs. L'aide publique octroyée (59 millions d'euros sur 442 au total) vise à compenser uniquement les coûts qui résulteraient pour un fibrage dans des zones non-rentables du département. "D’ici la fin de l’année, les premiers déploiements seront effectués et, courant 2010, les premiers abonnés enregistrés. Ce réseau comportera à terme 820.000 prises", a précisé, dans un communiqué, Patrick Devedjian, président du conseil général et ministre du Plan de relance. "Le coût moyen de la prise optique au domicile s'établit autour de 500 euros, avec des écarts allant de 200 euros dans les zones les plus rentables à 1.700 euros dans les zones les moins denses", a détaillé un proche du dossier.

Réactions aux Assises du numérique

Face à cette décision tant attendue, il y a ceux qui rient. L'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) a ainsi indiqué : "il s’agit d’un signal réglementaire très fort donné à l’ensemble des projets qui pourraient être aidés par les collectivités, en France et en Europe". Et il y a ceux qui pleurent. "Cette décision nous inquiète car elle se situe dans une zone dense (zone 1 selon la terminologie de l'Autorité de régulation des communications électroniques – Arcep). Dans la moitié des communes du département, il y a déjà des déploiements en cour", a regretté Eric Debroeck, directeur des affaires réglementaires de France Télécom-Orange. "Nous ne sommes pas souvent d'accord avec l'opérateur historique, mais pour une fois nous partageons son avis très critique sur ce qui se passe dans les Hauts-de-Seine, car trois opérateurs y proposent déjà de la fibre", est intervenu Olivier de Baillenx, directeur des relations extérieures de Free (Groupe Iliad). Le fournisseur d'accès à internet aurait d'ailleurs déposé un recours contre cette décision européenne. Explication de texte, selon le même proche du dossier : "les quelques opérateurs se verraient bien recréer sur la boucle locale de fibre optique un oligopole en lieu et place de l'ancien monopole qui existait sur la boucle de cuivre du téléphone". "En 2001, un opérateur est venu m'expliquer qu'il allait fibrer ma commune. Ce n'est toujours pas fait aujourd'hui. Il est normal que les collectivités locales, qui représentent 70% de l'investissement public en France, se servent de ce moyen pour dynamiser leur territoire. Il y va des emplois et de la qualité de vie de nos concitoyens", a repris Thierry Solère. Evidemment, le feu vert de la commission fait jurisprudence. Le modèle des Hauts-de-Seine est donc potentiellement reproductible sur d'autres territoires. Il faudra pourtant, en fonction des cas, plus de 14% de fonds publics pour créer le même effet levier dans des départements moins denses. Ce qui pose, d'une part, la question de l'aide de l'Etat : via le Fonds pour l'aménagement numérique des territoires (la proposition de loi Pintat sera examinée à l'Assemblée le 13 octobre prochain) ou via le grand emprunt (2 à 5 milliards d'euros pourraient être consacrés au plan fibre). Et, d'autre part, redonne du sens aux schémas de cohérence ou schéma d'aménagement numérique du territoire. Ces sujets ont été approfondis aux Assises, au cours des trois tables rondes de la matinée des Assises du numérique. Actuellement, une vingtaine de collectivités ont déjà engagé des projets FTTH (fibre jusqu'au domicile), sur tout ou partie de leur territoire, probablement portées par les convictions forgées lors du déploiement du haut débit.

 

Luc Derriano / EVS