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Formation professionnelle - Jean-Paul Denanot : "Nous avons réussi à sauver les meubles !"

La loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, définitivement adoptée le 14 octobre 2009, ne règle pas tous les problèmes, en particulier celui de la gouvernance. Les régions, qui se sont battues jusqu'au bout pour se faire entendre, regrettent une reprise en main de l'Etat. L'analyse de Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin et président de la commission Formation de l'ARF.

Localtis : Quelle est votre vision du texte qui a été adopté ?

 Jean-Paul Denanot : Mon impression générale n'a pas changé : l'Etat cherche à reprendre la compétence de la formation professionnelle. Il n'y a pas que les régions qui le disent, les partenaires sociaux aussi. La décentralisation dans le domaine de la formation professionnelle a fait ses preuves et 80% des mouvements se font en régions. Les gens préfèrent la mobilité professionnelle à la mobilité géographique, c'est un fait de société.

 

Avez-vous l'impression d'avoir perdu une bataille ?

Je me suis battu jusqu'au bout mais c'est le pot de fer contre le pot de terre. Cela dit, ça n'empêchera pas les acteurs locaux de travailler ensemble. Des conventions de partenariat ont déjà été signées. Et Pôle emploi ne peut pas faire fonctionner seul le dispositif. Les régions vont donc jouer le jeu.

 

Que pensez-vous du passage de "plan de développement des formations professionnelles" (PRDF) en "contrat de plan" (CPRDF) ?

Sur ce point, nous avons sauvé les meubles. C'est la région qui va préparer et adopter le PRDF. Dans la première mouture, la région signait sans délibération de son assemblée… Maintenant il y a l'idée d'un contrat entre l'Etat, les partenaires sociaux et les régions, qui oblige chacun à s'engager. Mais il faut voir ensuite comment cela se passe et faire en sorte que cela ne devienne pas comme les contrats de projets Etat-régions avec des engagements non respectés.

 

De nombreuses mesures concernent les jeunes, et notamment en matière d'apprentissage avec une expérimentation donnant la possibilité aux apprentis sans contrat d'apprentissage d'intégrer un centre de formation des apprentis pendant deux mois. Qu'en pensez-vous ?

Sur l'apprentissage, c'est n'importe quoi ! Faire entrer en centre de formation un apprenti sans employeur, c'est de la formation initiale classique et non une formation en alternance. C'est vraiment jouer sur les mots. La problématique qui n'a pas été prise en compte est la formation initiale différée. On continue de "replâtrer" de toute part alors qu'on avait l'occasion de revoir tout le dispositif.

 

Et en matière d'orientation ?

On attend de voir mais il y a de nombreux projets dans l'air. Je dois rencontrer Françoise Guégot (députée de la Seine-Maritime, chargée d'un rapport sur l'orientation professionnelle) prochainement pour discuter de cette question. On pensait qu'il fallait un dispositif partagé au niveau régional, mais aujourd'hui ce n'est pas le cas, chacun part de son côté : l'Association nationale pour la formation professionnelles des adultes (Afpa), les centres d'information et d'orientation (CIO)…

 

Quelle va être la suite maintenant que la loi a été votée ?

Loi ou pas loi, on va être obligé de faire fonctionner le dispositif. Les régions perdent de la reconnaissance officielle donc cela va être plus compliqué qu'avant de faire avancer les dossiers alors qu'on aurait pu simplifier, en nommant les régions coordinateur de la formation. Elles vont avoir un boulet au pied mais elles le feront quand même !

 

Propos recueillis par Emilie Zapalski