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Jean-Michel Blanquer prône un "esprit de coopération" entre CFA, lycées professionnels et régions

Après l’élémentaire, le baccalauréat général et technique, Jean-Michel Blanquer s’attaque au lycée professionnel. Le ministre de l’Education nationale a annoncé le 28 mai 2018 la transformation du lycée professionnel pour former les talents de demain. Une réforme qui implique étroitement les régions.

Après la réforme du bac général, Jean-Michel Blanquer a annoncé sa vision "du lycée professionnel du XXIe siècle", lundi 28 mai. "Il faut changer l’image de la voie professionnelle, a expliqué le ministre de l’Education nationale, cet enseignement doit être une voie d’excellence. Beaucoup de choses changent dans notre société, les métiers évoluent notamment sous l’effet de la révolution du numérique et de la transition écologique. Le lycée professionnel est donc une opportunité pour nos enfants." 
Quelque 665.000 élèves, soit un lycéen sur trois, sont scolarisés dans un des 1.500 lycées professionnels du pays pour préparer un bac pro, un CAP,ou une mention complémentaire. Un rapport commandé au chef étoilé Régis Marcon et de la députée LREM Céline Calvez ,remis le 22 février au ministre, plaide pour une transformation de la voie professionnelle, pour plus d’efficacité et d’attractivité alors que ce parcours est trop souvent vu comme une "voie de garage", contrairement à des pays comme l'Allemagne.
Comparé à l’apprentissage, l'enseignement professionnel est moins axé sur le monde de l’entreprise. Et un lycéen professionnel sur dix sort sans qualification et 51% des titulaires d’un CAP contre 31% des apprentis sont sans emploi sept mois après l’obtention de leur diplôme, selon le ministère de l’Education nationale.

Réforme du bac pro et de la carte des formations

Le ministre propose une remise à plat de l'enseignement professionnel. Il souhaite ainsi rendre plus lisibles les 80 bacs pros actuels aux intitulés souvent abscons, avec une réorganisation de la classe de seconde en 15 familles de métiers (BTP, métiers du bois, métiers de bouche, vente, gestion...) et non plus en filières très spécialisées. En début de seconde, les élèves passeront "un test de positionnement", sorte de bilan des acquis. Ce n'est qu'en fin d'année qu'ilsils choisiront leur spécialité pour la classe de première.  En terminale, l'élève choisira entre des modules préparant à l'entrée sur le marché du travail ou la poursuite d'études supérieures. 2.000 places de "classes passerelles" seront créées dès la rentrée 2018 pour permettre une transition  d'un an entre le bac pro et les études supérieures.  "L'idée est de dépasser les clivages et faire se rencontrer les enseignements professionnels et généraux plus facilement", a souligné le ministre. Le CAP sera, lui, modulé en un, deux ou trois ans, selon les besoins de l'élève.

Dans le même temps, le ministre entend adapter la carte des formations aux "dynamiques des territoires". Ce chantier sera conduit avec les régions et les branches professionnelles entre 2018 et 2019. Au-delà des contenus, il s'agit de proposer des formations qui corrrespondent aux nouveaux besoins sur les territoires : services à la personnes, métiers de l'accompagnement, soins et aide à domicile - débouchés liés à l'allongement de la durée de vie -, numérique, gestion des déchets et des eaux usées, énergies renouvelables... Les formations "qui insèrent le moins" seront amenées à se transformer. C'est le cas du bac Gestion-administration qui, avec 75.000 élèves, est le plus important, mais qui offre un faible tôt d'insertion.

"Dépasser l'opposition apprentissage/enseignement professionnel"

 e ministre souhaite par ailleurs insuffler "un esprit de coopération entre CFA et lycées professionnels, mais aussi avec les régions".  Il envisage de créer une unité de formation par apprentissage (UFA) par lycée d'ici 2019, en lien avec les régions et les branches professionnelles (ces dernières étant amenées à prendre les rennes de l'apprentissage dans le cadre du projet de loi Avenir professionnel)."Il n’y a pas de concurrence entre les CFA et les lycées professionnels, a insisté Jean-Michel Blanquer, au contraire, il faut dépasser l'opposition entre l'apprentissage et l'enseignement professionnel scolaire", avec "des parcours plus flexibles". "Vous pouvez très bien être dans un lycée professionnel et choisir l'apprentissage à un moment donné, et c'est pourquoi nous implanterons une unité d'apprentissage dans chaque lycée professionnel."

Trois campus d'excellence par région

Jean-Michel Blanquer entend insérer les lycées professionnels dans une nouvelle génération de "campus d'excellence" qui seront développés avec les régions. L'idée est d'en avoir trois par région d'ici à 2022. Le ministère entend s'appuyer sur les 78 campus des métiers et des qualifications créés par le précédent quinquennat et classés en 12 filières et qui constituent une "première étape". "On veut leur donner plus de visibilité", explique Céline Calvez à Localtis. Ces campus "nouvelle génération" réuniront sur un même site, un ou des lycées professionnels, des équipements sportifs, un internat, une section de l'université, un centre de formation d'apprentis (CFA) et un incubateur d'entreprises. Ils seraient donc de véritables lieux de vie, des réseaux d’excellence et contribueraient au développement économique et social du pays. Un appel à projets de 50 millions d'euros sera lancé dès cet été dans le cadre du PIA (programme d'investissement d'avenir), avec l'appui de la Caisse des Dépôts, présentée comme la "banque des régions" par le ministre. Avec l’aide des régions, les internats par exemple permettraient une grande mobilité aux lycéens.

Les régions en première ligne

"En lien avec leurs compétences économique et de formation, les régions seront en première ligne pour mettre en œuvre ces transformations", s'est féclicitée l'association Régions de France, dans un communiqué, le 28 mai. 
Elle estime que certaines mesures annoncées par le ministre vont dans le bon sens, comme la progressivité des choix des élèves, la pluralité des formes (scolaire et apprentissage) et la réflexion sur le devenir ou l'évolution des campus des métiers. Les régions mettent toutefois en garde contre le risque de cloisonnement des formations professionnelles initiales "avec la politique de l'apprentissage livrée à la loi de l'offre et de la demande et le pilotage de la voie professionnelle confié au ministère de l'Education nationale et aux régions". Elles affirment leur volonté d'établir des "stratégies régionales" permettant d'organiser la complémentarité entre l'apprentissage et la voie professionnelle scolaire, qui seraient co-construites avec l'ensemble des acteurs. Une manière d'éviter que sur un même territoire un CFA vienne s'installer à côté d'un lycée professionnel existant… Dernier point souligné par les régions : l'information sur l'orientation, qu'il faut, selon elles, repenser en profondeur. Les régions en demandent la responsabilité, accompagnée de moyens pour l'exercer.