Investissements climat des collectivités : des besoins estimés à 11 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici à 2030

Les investissements climat des collectivités territoriales ont continué d'augmenter en 2023 pour atteindre 10 milliards d'euros, selon une nouvelle étude publiée ce 13 septembre par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et la Banque postale. Mais tous les échelons de collectivités vont devoir les accélérer nettement pour atteindre les objectifs de la planification écologique. Sur la période 2024-2030, l'étude chiffre à près de 11 milliards d'euros supplémentaires par an et en moyenne leurs besoins d'investissements climat.

En hausse de 44% depuis 2017, les investissement climat des collectivités territoriales ont poursuivi leur progression en 2023, passant de 8,3 milliards d'euros l'année précédente, à 10 milliards, selon le nouveau panorama publié ce 13 septembre par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et la Banque postale. L'évolution de l'an dernier provient notamment de l’augmentation des investissements des collectivités dans la mobilité électrique (véhicules et infrastructures de recharge), dans les transports collectifs – ferroviaire et transports en commun urbains – et pour la rénovation énergétique de leurs bâtiments, relèvent les auteurs de l'étude. Mais cette dynamique doit être nuancée par un effet prix important, qui a en particulier concerné le secteur des bâtiments et des travaux publics ces dernières années, ajoutent-ils. Surtout, soulignent-ils, cet effort doit fortement s’accélérer pour être à la hauteur des objectifs climat de la France.

Décarbonation du patrimoine et des équipements, infrastructures de transport : un mur d'investissements d'ici 2030

Ils estiment ainsi à 11 milliards d'euros supplémentaires par an et en moyenne d’ici à 2030 (par rapport à 2022) les besoins d’investissement des collectivités en faveur du climat dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie. "Ces besoins sont en majorité liés à la décarbonation du patrimoine et des équipements des collectivités locales, ainsi qu’au financement des infrastructures de transport", détaillent-ils et constituent "un minimum" car ils n’incluent pas l’ensemble des secteurs de la planification écologique, ni les possibles dépenses de fonctionnement nécessaires à la mise en œuvre des politiques climatiques locales.

Le développement des infrastructures de report modal (+4 milliards d'euros estimés par an), c’est-à-dire les infrastructures de transport en commun, ferroviaires, fluviales mais aussi les aménagements cyclables, arrive en tête des besoins d'investissement. Le deuxième poste est celui de la rénovation énergétique des bâtiments publics des collectivités territoriales (+ 3,2 milliards de besoins d'investissement supplémentaires par an). Arrive ensuite le développement de la mobilité électrique (+1,8 milliard d'euros par an), à travers l’achat de véhicules électriques pour décarboner les flottes des collectivités et le déploiement d’infrastructures de recharge dans les territoires. Le quatrième poste est celui de l’énergie, à travers la modernisation de l’éclairage public et le développement des réseaux de chaleur (+1,2 milliard d'euros par an). Enfin, les collectivités vont probablement être amenées à augmenter fortement leurs financements pour la rénovation énergétique des logements sociaux (+ 600 millions d'euros par an), prévoient les auteurs de l'étude.

Tous les échelons de collectivités concernés

Tous les échelons de collectivités vont devoir accélérer les investissements en faveur du climat, estiment-ils. "En cohérence avec son poids dans l’investissement public local, le bloc communal, composé des communes, intercommunalités et syndicats, porte à lui seul près de deux tiers de l’effort d’investissement, soit 7 milliards d'euros supplémentaires par an en moyenne d’ici à 2030", indiquent-ils. 

Bien qu’ils portent moins d’investissement en propre, "la marche à franchir pour les départements est conséquente" poursuivent-ils, avec des besoins estimés à plus de 2 milliards d'euros supplémentaires par an - soit un triplement des investissements par rapport à 2022, notamment pour la décarbonation de leur patrimoine et de leurs équipements (bâtiments et véhicules), ainsi que pour développer le réseau cyclable sur leur voirie. Les besoins des régions sont également estimés à près de 2 milliards d'euros supplémentaires par an d’ici à 2030, soit un quasi doublement par rapport à leur niveau de 2022 (+80%). Leur effort doit être avant tout dirigé vers la décarbonation de leur patrimoine et le transport ferroviaire. 

À noter que les financements croisés des collectivités, en particulier ceux des régions et des départements pour financer les investissements du bloc communal, ne sont pas pris en compte dans cette estimation, préviennent les auteurs de l'étude.

"Nouvelle équation économique" à trouver pour financer l'action publique locale

"Franchir le mur des investissements locaux pour le climat implique une nouvelle équation économique dans le financement de l’action publique locale", soulignent-ils. Selon eux, quatre leviers de financement, qui avaient été définis dans une étude présentés en novembre dernier (lire notre article) doivent être mobilisés de façon complémentaire. Ils estiment d'abord que les collectivités doivent accélérer la redirection de leurs investissements à travers des arbitrages politiques et budgétaires en faveur du climat et au détriment d'autres équipements. 

Le recours accru à l’emprunt apparaît également comme "un levier incontournable", tous les scénarios de l’étude conduisant à une augmentation de l’encours de dette à horizon 2030 (entre +40 et +100 milliards d’euros selon les scénarios). Mais sa mobilisation nécessite un alignement d’action entre les collectivités, l’État et les institutions financières, reconnaissent les auteurs de l'étude. 

Les ressources propres, principalement liées à la fiscalité, aux tarifs et aux cessions d’immobilisation, doivent être selon eux mobilisées plus fortement. Toutefois, elles ne peuvent l’être de la même manière par l’ensemble des collectivités (80% des communes peuvent modérément ou difficilement recourir au levier fiscal selon l’étude) et leur mobilisation soulève des questions d’équité du financement par les contribuables et les usagers et d’acceptabilité. 

Quant au soutien de l’État par les dotations, il doit être rendu plus stable et prévisible dans le temps. C’est le cas notamment du "fonds vert" qui doit être stabilisé, a fortiori dans le contexte d’incertitudes politiques et budgétaires actuel, plaident les auteurs de l'étude.

Changement de trajectoire à opérer

Selon leurs analyses, le cadre offert par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et par le programme de stabilité (PSTAB) d’avril 2024, qui repose sur un ralentissement des dépenses de fonctionnement induisant un désendettement rapide des collectivités, ne semble pas compatible avec l'accélération des investissements locaux nécessaire pour répondre aux besoins identifiés. "Une nouvelle trajectoire de finances locales doit donc être définie, dans le dialogue avec les élus locaux, plus rationnelle et bâtie en cohérence avec la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique dont l’adoption est prévue pour cet automne", soulignent les auteurs de l'étude.

Le dialogue budgétaire État/Collectivités peut se tenir selon eux dans le cadre offert par la déclinaison régionale de la planification écologique engagée depuis 2022. L’étude pointe en effet des disparités territoriales très fortes dans la capacité de chaque collectivité à mobiliser les différents leviers de financement. "C’est dans l’analyse de chaque territoire, chacun selon ses besoins et ses capacités que l’équation économique pourra être posée afin d’établir dans la durée l’accélération de l’action climatique locale", concluent-ils.

Régions de France a réagi dans un communiqué diffusé ce 13 septembre à l'étude d'I4CE et de La Banque postale en soulignant que la situation financière des régions "ne permet pas aujourd'hui d'envisager une poursuite de la hausse de leurs investissements" et que "la dynamique de redirection des investissements en faveur du climat, telle que déjà à l'œuvre (…), ne pourra suffire". L'association appelle à "engager au plus vite un travail avec le nouveau gouvernement dans le cadre de la préparation du PLF 2025 afin de mettre en cohérence les recettes des régions avec les efforts d'investissements attendus pour les mobilités décarbonées, la compétitivité des entreprises et la transition écologique".

 

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