Budget 2025 : le Travail et la Transition écologique en berne dans le projet "réversible" de Gabriel Attal

En attendant la nomination d'un nouveau Premier ministre, Gabriel Attal a transmis le 20 août aux ministères les lettres plafonds d'un projet de budget 2025, avec un volume de dépenses prévues inchangé par rapport à 2024. Un schéma qui prévoit des coupes budgétaires notamment dans les crédits du ministère du Travail et de celui de la Transition écologique – avec une chute de 60% des moyens alloués au fonds vert. Et ne réclame aux collectivités locales aucun effort supplémentaire, contrairement aux velléités manifestées il y a quelques mois par le ministre de l’Économie. Le prochain gouvernement sera libre de procéder aux modifications qu’il souhaitera. 

Reconduire en 2025 le montant des dépenses de l’État prévu pour 2024, soit 492 milliards d’euros. C’est le scénario sur lequel le Premier ministre démissionnaire a bâti le projet de budget pour 2025. Gabriel Attal a transmis le 20 août aux ministres les lettres arrêtant leurs plafonds de crédits et d’emplois pour l’année prochaine. Une pratique inscrite dans le calendrier budgétaire, qui d’ordinaire survient dans le courant du mois de juillet.

Le Premier ministre a remis une copie, en dépit de la situation politique qui limite son action. Depuis le 16 juillet, jour de sa démission, le gouvernement est censé gérer uniquement les affaires courantes. Mais il faut toutefois "permettre à la France de se doter d'un budget en temps et en heure", souligne Matignon, pour justifier son initiative. En effet, les délais de la préparation d'un budget sont incompressibles. Le projet de loi de finances doit être déposé au Parlement le 1er octobre, après toute une série d'examens et avis en septembre (par le Haut Conseil des finances publiques, le Conseil d'État et le conseil des ministres), et avant la discussion à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. La loi de finances est impérativement publiée avant le 1er janvier suivant.

Le ministère du Travail, cible des économies 

Le Premier ministre a arbitré en faveur du gel en valeur du budget de l’État. En clair : il y avait 492 milliards d'euros de crédits dans le budget 2024, il y en a 492 aussi au total dans les lettres plafonds envoyées aux ministères. La reconduction à l'identique des crédits totaux aboutit selon Matignon à une économie réelle de quelque 10 milliards d'euros par rapport à un budget qui aurait répercuté 2% d'inflation.

Le ministre des Finances démissionnaire, Bruno Le Maire, avait transmis début août à Gabriel Attal des propositions plus basses de 5 milliards d'euros - des crédits de 487 milliards au total -, pour accroître les chances d'avoir un déficit public (solde des comptes de l'État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales) qui revienne bien à 3% du PIB en 2027.

Le Premier ministre démissionnaire veut tailler en priorité dans les dépenses de certains ministères. Comme celui du Travail, de la Santé et des Solidarités. La lettre adressée à la ministre Catherine Vautrin programme une réduction des dépenses de l’État de près de 3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2024. Mais "les économies nouvelles" sont en réalité moindres, a appris l'AFP auprès d’une source gouvernementale, après que le journal Le Monde a dévoilé ce montant. L'évolution à la baisse du budget du ministère est liée aux annulations de crédits de février, qui avaient permis de faire "plus d'un milliard d'euros d'économies sur le ministère du Travail". Celles-ci se poursuivront en 2025. A cela s'ajoute, sur le volet Santé, un gain lié à la fin du plan de relance et qui représente "plus d'un milliard d'euros". "Ce n'est pas une économie, mais simplement la fin de vie du plan de relance", explique-t-on au gouvernement. La lettre plafond adressée à la ministre du Travail, prévoit par ailleurs "des économies nouvelles sur l'apprentissage". Matignon voudrait ainsi "poursuivre l'objectif d'avoir un million d'apprentis par an, mais peut-être en ciblant mieux la dépense publique et en étant plus efficace". L’apprentissage se voit retirer 400 millions d’euros, indiquait le quotidien Les Echos dans son édition du 21 août.

Fonds vert en baisse de 60%

Les collectivités locales retiendront surtout les économies massives programmées sur le fonds vert. Prévu initialement à 2,5 milliards d’euros pour 2024, le dispositif créé en 2023 pour soutenir les projets des collectivités favorables à la transition écologique avait été ramené à un peu plus de 2 milliards d’euros, lorsqu’en février le gouvernement avait pris de premières mesures d’économies (voir notre article). Le fonds revenait ainsi à son montant de 2023. Mais la lettre plafond adressée au ministère de la Transition écologique prévoit une nouvelle baisse d’un milliard d’euros du fonds vert, celui-ci devant s’établir à 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement en 2025, selon le site d’information Contexte. 

Les crédits alloués à la biodiversité sont également la cible des économies. De 578 millions, les autorisations d’engagement passent à 441 millions d’euros en 2025. "Cette baisse de 137 millions d’euros ampute de moitié la hausse de financement (+ 264 millions d’euros) dédiée à la stratégie nationale pour la biodiversité" présentée fin novembre 2023 par Élisabeth Borne, précise Contexte. L’électrification du parc de véhicules fait aussi les frais de la rigueur budgétaire, avec des crédits en baisse de 500 millions d’euros. Ceux-ci ne dépasseront donc pas 1 milliard d’euros. Le budget total du ministère de la Transition écologique augmente toutefois de 23,989 milliards à 25,195 milliards d’euros (+5%).

"Budget réversible"

"Les plafonds qui ont été adressés à notre ministère nous contraindraient à une particulière rigueur budgétaire", a estimé la ministre de l'Éducation nationale démissionnaire, lors de sa conférence de presse de rentrée, le 27 août (lire notre article dans l'édition de ce jour). "La cohérence voudrait que le budget de l'Éducation nationale soit a minima sanctuarisé", a plaidé Nicole Belloubet. Dont le ministère n’est cependant pas le plus mal loti. Le budget 2025 prévu pour l'Éducation nationale augmenterait "de près de 900 millions d'euros par rapport au budget final de 2024", selon l’AFP qui a cité une source gouvernementale.

A quelques jours de la nomination d’un nouveau Premier ministre, Matignon assure que les lettres plafonds "ne préemptent pas les arbitrages finaux qui seront rendus par le prochain gouvernement" et parle d’un "budget réversible". Ce dernier pourra être ajusté par le nouveau gouvernement en fonction de ses propres choix, et ce dans le laps de temps restant d’ici le dépôt du projet de loi de finances pour 2025. Une période qui sera particulièrement courte. Mais, ce ne devrait pas être une difficulté, puisque le gouvernement pourra aussi déposer des amendements lors de la discussion parlementaire.

Les lettres plafonds de Matignon, en reproduisant à l'euro près pour 2025 les dépenses de 2024 (492 milliards d'euros), engendreraient à elles seules, selon Matignon, une économie d'environ 10 milliards d'euros, rien qu'en ne s'indexant pas sur une inflation prévisible autour de 2% l'an prochain. Mais depuis le printemps, le gouvernement table sur 20 milliards d'économies en 2025 pour espérer réduire le déficit public à 4,1% du PIB, afin de revenir sous les 3% en 2027.

Les collectivités exonérées de nouveaux efforts

Les 10 milliards d’économies restants pourraient venir à la fois de diminutions de niches fiscales et de recettes supplémentaires sur les rachats d'actions et les rentes des énergéticiens, a indiqué à l’AFP le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel.

Au total, pour 2025, les 20 milliards d'économies prévues se répartiraient entre 15 milliards d'euros pour l'État, et le reste pour la Sécurité sociale. Les collectivités locales ne seraient donc pas appelées à participer l’an prochain au redressement des comptes publics, contrairement aux souhaits exprimés au printemps par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire (voir notre article).

Pour 2024 également, le gouvernement aurait renoncé à demander aux collectivités locales de se serrer la ceinture. En limitant la progression de leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 point en dessous de l’inflation (+1,9% sur la base d’une inflation prévisionnelle de 2,4%), les collectivités devaient permettre une économie de 2 milliards d’euros cette année. Sur un total de 10 milliards d’euros restant à trouver après les coupes de 10 milliards d’euros opérées dans le budget de l’État en février. Mais selon le ministre délégué chargé des Comptes publics démissionnaire, Thomas Cazenave – qu’Éric Coquerel a rencontré ce 29 août - Bercy "n'attend plus rien du côté des collectivités". En conséquence, les économies supportées par l’État passeraient de 5 à 7 milliards d’euros, les 3 milliards d’euros restants provenant de nouvelles taxes sur les rentes des énergéticiens et les rachats d'actions.

 

 

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