Archéologie préventive - Inrap : et si les relations avec les aménageurs n'étaient finalement pas si mauvaises...
Au cours de ces dernières années, les tensions ont été nombreuses autour de l'archéologie préventive, notamment lors des assouplissements législatifs apportés à ce dispositif. Pourtant, les relations entre l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) et les aménageurs semblent plutôt meilleures qu'il y paraît. Dans le cadre de son plan "Reconquête aménageurs" - lancé en 2010 -, l'Institut publie en effet la nouvelle livraison de son "baromètre de satisfaction", réalisé par la société Kheolia. Sur les 112 aménageurs de l'échantillon (sur un total de 208 aménageurs concernés par une intervention de l'Inrap en 2012), 51% appartiennent à une structure publique ou semi-publique, 37% à une structure privée et 12% à une autre forme d'aménageur (associations, particuliers...). Pour choisir l'Inrap, 53% des répondants sont passés par un appel d'offres public, 19% par une mise en concurrence privée, 13% par une négociation de gré à gré et 10% par une saisie directe de l'Institut. Une diversité de situations qui s'explique par celle du statut des aménageurs.
Lorsque la fouille a été prescrite par l'Etat, 66% des aménageurs s'estimaient bien ou très bien informés sur les procédures en matière d'archéologie préventive, tandis que 69% jugent que les contraintes de leur projet d'aménagement ont été prises en compte - en tout ou partie - dans la proposition d'intervention faite par l'Inrap. Même résultat flatteur (82% de satisfaits) pour la lisibilité du devis proposé, mais aussi, à 90% pour le respect de la date de démarrage du chantier et à 84% pour le respect des délais annoncés. La satisfaction est également très large (82%) sur l'état du terrain rendu après l'achèvement du chantier de fouilles et, à 93%, sur l'existence d'un référent stable au sein de l'Inrap tout au long de l'opération. Mieux encore : 98% des répondants se disent satisfaits de leur relation avec ce référent (dont 68% de "tout à fait satisfaits") et 94% ont une vision positive des opérations de valorisation ou de communication montées autour du chantier.
Un bémol toutefois dans ce satisfecit d'ensemble : 41% des répondants se disent insatisfaits du rapport qualité/prix de la prestation de l'Inrap. Cette proportion d'insatisfaits monte à 59% chez les aménageurs qui ont travaillé avec l'Inrap car celui-ci était le candidat unique à leur consultation. Ce bémol n'empêche cependant pas l'Inrap d'obtenir, au final, un taux élevé de satisfaction auprès des aménageurs, avec 88% de satisfaits (dont 33% de très satisfaits). D'ailleurs, 83% d'entre eux feraient à nouveau appel à l'Inrap dans le cadre d'un nouveau chantier de même type et 85% recommanderaient l'Inrap à une connaissance ou un collègue devant réaliser des fouilles dans le cadre d'un projet d'aménagement...
Jean-Noël Escudié / PCA
Archéologie préventive : l'Inrap fait ses propositions pour le livre blanc
En octobre dernier, Aurélie Filippetti installait la commission d'évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d'archéologie préventive (voir notre article ci-contre du 31 octobre 2012). Cette instance est notamment chargée, selon son arrêté constitutif, "de procéder à une évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d'archéologie préventive, tel qu'il ressort des lois et règlements en vigueur, ainsi que des pratiques administratives et scientifiques, afin d'en dresser un bilan chiffré et analytique". Ce document doit alimenter le projet de loi relatif au patrimoine, qui devrait être soumis au Parlement à la fin de l'année 2013 (voir notre article ci-contre du 19 novembre 2012). Aux termes de l'arrêté, ce livre blanc aurait dû être remis à la ministre de la Culture le 1er mars, mais semble avoir pris du retard.
En attendant, le principal acteur du secteur - l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) - rend publiques ses propositions pour le livre blanc. Au nombre de vingt, celles-ci sont organisées en trois grands thèmes : "Pour une ambition scientifique nationale", "Pour une meilleure régulation de la concurrence" et "Pour un renforcement de la chaîne opératoire de l'archéologie préventive". Au titre du premier axe, on retiendra notamment le renforcement du rôle de l'Inrap comme tête de réseau, en mettant réellement en œuvre l'obligation, pour tous les opérateurs agréés (dont les services d'archéologie préventive des collectivités), de lui transmettre "l'exhaustivité de rapports d'opérations". L'Inrap propose également de procéder à une harmonisation des prescriptions - dont le contenu est aujourd'hui "hétérogène d'une région à l'autre, voire au sein d'une même région" - et de faire reconnaître l'Institut comme organisme de recherche par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Sur la question de la "meilleure régulation de la concurrence", les suggestions de l'Inrap pourraient ne pas plaire à tout le monde. Elles prévoient en effet de renforcer les conditions d'obtention de l'agrément, car aujourd'hui "les aménageurs privilégient le critère du prix pour le choix des opérateurs ou de l'Inrap au détriment des aspects scientifiques ou sociaux". De même, l'Institut préconise de renforcer les modalités de contrôle de la composition des coûts d'opération, ainsi que l'évaluation et le contrôle des structures agréées. Il plaide également pour une harmonisation du Code du patrimoine et du Code des marchés publics, ces deux documents présentant des contradictions.
Le troisième axe - sur le "renforcement de la chaîne opératoire de l'archéologie préventive" - passe en premier lieu par un renforcement du rôle régalien de l'Etat en matière de prescription, en réaffirmant le principe d'une "totale séparation entre services prescripteurs et opérateurs" (allusion à la situation des services d'archéologie préventive des collectivités). L'Inrap propose aussi d'anticiper et de prendre en compte le patrimoine archéologique dans les différentes législations concernées par le droit du sol et de renforcer la protection des sites en modifiant le statut des vestiges mobiliers.
J.-N.E.