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Formation professionnelle - Forte tension entre l'Etat et les syndicats autour du FPSPP

Grosse tension entre le gouvernement d'un côté, les organisations syndicales et patronales de l'autre. Ces organisations gèrent ensemble le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), créé par la loi du 24 novembre 2009 sur la formation professionnelle. Ce fonds est financé par un prélèvement de 13% sur l'obligation légale de formation des entreprises (obligation représentant 1,6% de la masse salariale brute, pour les sociétés de plus de 20 salariés). Pour l'année 2010, le FPSPP dispose ainsi d'un budget de plus de 800 millions d'euros, normalement affecté à des formations pour 200.000 demandeurs d'emploi et 500.000 salariés supplémentaires, parmi les plus fragiles et les plus précarisés. Or le gouvernement a récemment affirmé sa volonté de ponctionner une partie de ce budget pour financer sa politique de l'emploi. Motif : constitué en mars 2010, le FPSPP n'aura pas le temps de dépenser l'ensemble de son budget pour l'année en cours. "D'abord, c'est le fait du gouvernement si l'arrêté autorisant la création du fonds a été rendu aussi tard. Ensuite nous avons d'ores et déjà engagé un grand nombre de programmes de formation, pour l'année 2010, qui seront payés en 2011", indique Djamal Teskouk, représentant CGT et vice-président du FPSPP. Alarmées, les organisations syndicales et patronales, membres du Comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP), ont demandé à être reçues par le secrétaire d'Etat à l'Emploi, Laurent Wauquiez. La réunion s'est tenue le 16 juillet matin et a peu fait pour apaiser les tensions. "Sur la forme, le secrétaire d'Etat n'a même pas daigné nous recevoir en personne, préférant déléguer son directeur de cabinet, alors que s'étaient déplacés tous les représentants nationaux pour la formation professionnelle. Et sur le fond, on nous a confirmé le projet de ponction, à hauteur de 400 millions d'euros. Soit la moitié du budget 2010 !", révèle un participant à la réunion, alors que la loi du 24 novembre 2009 prévoit que les budgets du FPSPP non-consommés soient reportés d'une année sur l'autre.

"C'était 'chronique de problèmes annoncés', car la tentation de l'Etat d'utiliser les excédents du FPSPP pour des enjeux non partagés par les syndicats était dès le départ le nœud que tout le monde attendait, explique Pierre Ferracci, président du cabinet Alpha, les syndicats ont intérêt à être réactifs et efficaces pour que les fonds ne soient pas détournés de leur objectif premier ; il y a un peu comme une course de vitesse entre l'Etat, qui a besoin d'argent, et les syndicats."

 

Une négociation difficile

Syndicats et patronat, sur la même longueur d'onde, vont se réunir rapidement afin de rappeler l'Etat à ses engagements, pris le 15 mars dans le cadre d'une convention avec le FPSPP. "Et puis la loi a été amendée, en particulier par le sénateur UMP Jean-Claude Carle, de façon justement à empêcher les prélèvements sauvages de l'Etat. Nous avons le droit pour nous", rappelle un dirigeant du FPSPP.

La réunion du 16 juillet a aussi été l'occasion d'aborder le projet de convention entre le FPSPP, l'Etat, Pôle emploi, concernant le plan Rebond pour l'emploi lancé le 1er juin 2010. Ce dispositif de formation professionnelle est destiné aux chômeurs en fin de droit, rendus très nombreux par la crise financière. A la demande du gouvernement, le FPSPP avait accepté de financer, sur son budget, 60% de ce plan à 133 millions d'euros, le reste devant être pris en charge par le Fonds social européen (FSE). Aujourd'hui, le FPSPP s'oppose au projet de formation élaboré par Pôle emploi, et a renvoyé la décision de financement à une prochaine réunion de son conseil d'administration, le 23 juillet. "Sur le contenu, Pôle emploi propose des formations standards, alors que nous voulons un accompagnement personnalisé des personnes en fin de droit. Par ailleurs, le projet de convention ne mentionne pas l'aide du FSE, Pôle emploi se déclarant inapte administrativement à recevoir une telle aide, ce qui revient à faire financer la totalité des 133 millions d'euros par le FPSPP. Enfin, Pôle emploi réclame des avances de paiement, alors que nous ne pouvons légalement le faire, et souhaitons contrôler la réalité de la prestation", résume Djamal Teskouk.
Comme pour mieux sécuriser ses positions, sur ce double front, le FPSPP rappelle qu'il a déjà initié une dizaine d'appels à projets, auprès des organismes de formation agréés, et devrait encore en lancer de nouveaux en septembre et en octobre. La totalité de son budget, pour l'année 2010, serait potentiellement engagée par ces appels d'offres. Autant dire que les négociations avec l'Etat et avec Pôle emploi s'annoncent ardues. Un prochain comité de pilotage est annoncé pour le mois de septembre.

Paul Arguin