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Fin des hydrocarbures : le projet de loi définitivement adopté par l'Assemblée

Après le refus du Sénat d’examiner le texte en nouvelle lecture, l’Assemblée a donné son feu vert définitif, par un ultime vote, ce 19 décembre, au projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation du gaz et du pétrole en France d’ici 2040. La majorité LREM-MoDem, les socialistes et certains UDI ont voté pour ce texte censé tourner la page des énergies fossiles en conformité avec l’Accord de Paris sur le climat. Le groupe LR a voté contre tandis que les Insoumis et communistes se sont abstenus.
La veille, le Sénat avait rejeté en bloc le texte, avec l’adoption - par 192 voix pour et 146 voix contre -, d’une question préalable, estimant que les divergences entre les deux assemblées étaient "trop profondes". Ces désaccords, essentiellement liées à l’introduction par le Sénat en première lecture d’une série de dérogations au principe d’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures, n’ont pas permis à la commission mixte paritaire (CMP), réunie le 21 novembre, de s’accorder sur les dispositions restant en discussion.
"Ce dissensus a le mérite de la clarté et met en lumière deux visions orthogonales de la transition énergétique. L’une, volontariste, ambitieuse, portée par notre assemblée et l’autre, conservatrice, défensive, portée par la majorité sénatoriale", a estimé le rapporteur LREM, Jean-Charles Colas-Roy. Regrettant que la position du Sénat soit aussi "injustement caricaturée", la rapporteure du texte au nom de la commission des affaires économiques, Elisabeth Lamure (LR), a également jugé cet échec inéluctable "tant les visions portées par chacune de nos assemblées diffèrent, non pas sur l'objectif, mais sur la marche à suivre pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique". Ce projet de loi "n'aura d'autre effet que de mettre fin au produire en France, en dégradant la balance commerciale et le bilan carbone au prétexte d'envoyer un improbable signal au monde", a-t-elle épinglé pour soutenir sa motion.
Il ne s'agit que d'une "première étape", a tenu à rappeler le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, "parce que s’il n’est pas assorti d’autres objectifs, notamment celui de la réduction de notre consommation d’énergies fossiles, il (ce texte) n’aura pas de sens : si l’objectif se limitait à diminuer de 1% cette consommation, chacun comprendrait qu’il n’aurait pas de portée". 

Failles du texte

Attaché à cette dimension symbolique, le ministre d’Etat s’est félicité de l’adoption de cette loi "progressive et irréversible mais pas brutale", qui devrait permettre "si nous additionnons nos intelligences, nos volontés et nos créativités à l’échelle de l’État et des territoires, de générer des bénéfices sociaux plutôt que des pertes en termes d’emploi". Pour rappel, les fameux contrats de transition écologique destinés à accompagner les territoires dans cette reconversion seront expérimentés dès 2018.
La socialiste Delphine Batho a formé le voeu que ce texte soit "contagieux", concédant que "tout n’est pas réglé, et le combat n’est pas achevé". Pour Bertrand Pancher, cette loi représente également "une rampe de lancement  qui va dans le bon sens", sachant que "le changement de modèle de société dans lequel vous vous êtes engagé (…) passe par une évolution radicale de notre politique en matière de logement". "Vous serez également jugés sur la politique des transports et l’aide au développement", a insisté le député UDI de la Meuse.
Dans le contexte du très récent One Planet Summit, Mathilde Panot (LFI) a pour sa part critiqué " l’ode" à la finance verte, faisant "penser que les banques vont nous sauver du changement climatique", en écho à l’absence de remise en cause du droit de suite dans le présent projet de loi. Citant l’exemple du controversé Ceta, le communiste Hubert Wulfranc a pareillement insisté sur la nécessité de "freiner la fièvre spéculative actuelle afin de réorienter la masse énorme des capitaux en circulation sur la planète vers l’économie réelle et la transition énergétique". La gauche de la gauche a en outre regretté le maintien d’une exemption permettant d’octroyer des concessions dépassant la date de 2040 sur critères purement économiques et la dérogation valable pour le bassin de Lacq malgré le scandale sanitaire.  

Dernier mot à l’Assemblée

Après l’échec de la CMP, les députés ont rétabli, "à quelques modifications rédactionnelles ou exceptions près sur des sujets secondaires", le texte adopté par l'Assemblée en première lecture. Seul changement notable par rapport à cette version, l’adoption d'une définition nouvelle des techniques interdites dites "non conventionnelles", qui selon la rapporteure Elisabeth Lamure, "posera en outre des difficultés d'interprétation qui pourraient remettre en cause des méthodes autorisées jusqu'à présent". L’Assemblée s’est donc définitivement prononcée sur la version du texte qu’elle avait adoptée voici quelques semaines (lire notre article ci-dessous du 4 décembre).
Le texte prévoit d’amorcer la sortie progressive de la production d’hydrocarbures, en n’attribuant plus de nouveaux permis d’exploration dès sa publication et en ne prolongeant théoriquement pas les concessions existantes après 2040. Au-delà du volet hydrocarbures (articles 1er à 11), le projet de loi comporte une série de dispositions plus techniques dans le domaine de l'énergie sur lesquelles la majeure partie des apports du Sénat a en revanche été conservée, notamment s’agissant de réformer le stockage souterrain de gaz naturel (article 12), conforter le régime d'indemnisation des producteurs d'énergies marines renouvelables en cas d'indisponibilité du raccordement (article 15) ou encore encadrer la notion nouvelle de réseaux intérieurs (article 16).C’est également le cas s’agissant de permettre aux communes de déployer des stations de recharge en gaz ou en hydrogène (article 20) ou d’assouplir les obligations d'économies d'énergie des distributeurs de fioul domestique (article 28).