Projet de loi Hydrocarbures : les députés rétablissent leur version en commission
La commission du développement durable chargée de réexaminer le projet de loi mettant fin à l'exploitation des hydrocarbures en France en 2040, après l'échec en commission mixte paritaire, a adopté le texte dans l’après-midi du 22 novembre, rétablissant "en grande partie" la version élaborée en première lecture par l'Assemblée.
Pointant "des visions irréconciliables", le rapporteur Jean-Charles Colas-Roy (LREM), a déploré que le Sénat soit campé sur une approche "défensive et passéiste de la transition écologique pour notre pays et notre tissu industriel". "Quand certains au Sénat multipliaient les exceptions pour minimiser la portée du texte, nous avions eu à coeur, à l’Assemblée, de rédiger un texte de loi ambitieux et responsable parce qu’il laisse le temps - 22 ans - aux entreprises du secteur et aux territoires concernés de s’adapter à la transformation des filières", a-t-il souligné.
Un certain nombre de dispositions introduites par le Sénat viennent, selon le rapporteur, "dénaturer profondément le contenu du texte voté à l’Assemblée au point que ce texte nous revient aujourd’hui de la chambre haute totalement vidé de son sens politique et de sa portée concrète (…)".
Haro sur les dérogations
Après le "détricotage" du Sénat, la commission a donc sans surprise eu à coeur de rétablir par une série d’amendements une rédaction "exigeante" de l’article 1er, "sans exception ou dérogation". Elle est ainsi revenue sur les multiples dérogations au principe d’interdiction de recherche et d’exploitation des hydrocarbures introduites par le Sénat en faveur des hydrocarbures dits "connexes", des hydrocarbures destinés "à un usage non énergétique" ou encore au bénéfice de la recherche publique ou des outre-mer.
Un amendement rétablit également le dispositif - issue de la proposition de loi de Jean-Paul Chanteguet - imposant un cahier des charges lors de la délivrance, l'extension ou la prolongation d'un titre d'exploration ou d’exploitation permettant des prescriptions particulières relatives à l’environnement, à la sécurité ou à la santé. Sur l’encadrement du droit de suite, un autre remplace la notion de "rentabilité normale", jugée "sujette à trop d'interprétations", par celle d'"équilibre économique".
Même retour à la version de l’Assemblée pour l’article 2 concernant l’application du texte aux demandes de titres miniers en cours d’instruction. La commission a par ailleurs supprimé l’article 2 ter A inséré par le Sénat "qui conduirait à prolonger notablement la durée de vie des permis de recherche". Quant à la conversion ou la cession des ouvrages, elle ne sera possible que "pour d'autres usages du sous-sol" (2 ter).
L’article 3 quater A supprimé au Sénat est réintroduit. Il vise une ambition plus large de l’État en cessant progressivement, d’ici à 2040, d’apporter un concours aux activités industrielles de recherches, d’extraction et d’exploitation des hydrocarbures hors du territoire national.
Volet énergie
La commission des affaires économiques - qui bénéficie d’une délégation au fond sur les articles consacrés au gaz et aux réseaux de distribution - a par ailleurs souhaité revenir sur la notion de réseaux intérieurs des bâtiments (art. 5 ter A) pour la circonscrire aux immeubles "à usage tertiaire ou accueillant un service public" qui appartiennent à un propriétaire unique.
A noter aussi, l’extension de la faculté des communes de mettre en place des dispositifs permettant la recharge des "navires" en GNL (gaz naturel liquéfié) ou en électricité, dans les ports relevant de leur gestion (6 ter).
A l’article 7, la commission du développement durable est également revenue au texte voté par l’Assemblée concernant la périodicité de la révision du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, à savoir "2024, de 2025 à 2029 et à partir de 2030".
S’agissant du "plan d'action favorisant le recours aux énergies les moins émettrices de particules et facilitant le raccordement aux infrastructures gazières publiques existantes", le caractère obligatoire de l'intervention du préfet a été rétabli ainsi que la concertation avec les collectivités concernées, que le Sénat avait supprimée (7 bis).
Fiscalité minière
Le texte sera examiné en nouvelle lecture par l'Assemblée à compter du 29 novembre. Auditionné par la commission ce 22 novembre, Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, a par ailleurs apporté de nombreuses précisions sur les futurs contrats de transition écologique destinés à accompagner les collectivités dans cette reconversion industrielle (lire notre article ci-dessous).
Début décembre les députés seront également conduits à se pencher, dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative pour 2017, sur la fiscalité minière. Une taxe sur l’exploration des hydrocarbures pourrait voir le jour pour permettre aux départements d’accompagner la reconversion des territoires (art. 21). La création d’une fiscalité sur l’exploration des gîtes géothermiques de haute température est également envisagée "afin que les opérateurs apportent une contrepartie financière aux territoires qui acceptent ces projets de recherche et de connaissance du sous-sol" (art. 22). Certains aménagements de la redevance communale et départementale des mines sont en outre prévus (art. 23). Il est notamment proposé de ne plus retenir que le critère géographique des gisements de pétrole brut et de gaz naturel indépendamment de leur date de mise en production. Selon l’exposé des motifs, "cette simplification des tarifs permettra de mieux prendre en compte l’impact de l’activité d’exploitation d’hydrocarbures sur le territoire". Pour les entreprises pétrolières intervenant sur le territoire français, les redevances spécifiques à l’activité minière représentent un poids assez faible, la charge fiscale relevant actuellement essentiellement du droit commun (ex : impôt sur les sociétés). Elles bénéficient, par ailleurs, comme l’ensemble des entreprises exploitant des concessions minières, d’une exonération de la cotisation foncière des entreprises (art. 1463 du Code général des impôts).