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Fin des hydrocarbures : l'Assemblée vote le projet de loi Hulot

Voté à une large majorité en première lecture à l’Assemblée, le projet de loi Hulot permettant d’envisager à l’horizon 2040 la fin progressive de l’exploitation des hydrocarbures en France devrait poursuivre sa course au Sénat dans les prochaines semaines. Au grand dam des ONG et écologistes, plusieurs amendements concédés au gouvernement en séance plénière viennent toutefois émailler ce texte censé tourner la page des énergies fossiles en conformité avec l’Accord de Paris sur le climat. 

Le premier projet de loi porté par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, visant à cesser d’ici 2040 l’exploitation de gaz et de pétrole en France a été voté par une très large majorité des députés (LREM, MoDem, Nouvelle Gauche) lors du vote solennel devant l’Assemblée nationale ce 10 octobre.
Les Constructifs sont restés divisés sur ce texte, alors que les Insoumis se sont abstenus et qu’une majorité des Républicains a voté contre, ironisant sur la modeste contribution française à échelle de la production mondiale d’hydrocarbures. "Nous traitons aujourd’hui de 0,00018% du problème !", a souligné Julien Aubert, raillant un ratio "qui relativise l’ambition de ce texte". "La France ouvre, avec ce projet de loi, une voie de sortie des énergies fossiles qui sera irréversible", s’est félicité le ministre de la Transition écologique. Le MoDem Bruno Duvergé a renchéri saluant un texte historique "par le rôle que jouera désormais notre pays aux yeux des signataires de l’Accord de Paris de novembre 2015", en devenant ainsi le premier au monde à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire. Non sans réticence, l’UDI Bertrand Pancher s’est finalement prononcé en faveur de ce texte, "grâce à la co-construction législative", notamment réalisée en commission du développement durable.

Recul sur le droit de suite

Ce travail en commission a permis un temps de maintenir les illusions dans le camp des écologistes et des ONG en actant de vraies avancées notamment sur l’interdiction des techniques non conventionnelles et l’arrêt de toutes les concessions en 2040 ou encore en levant le doute sur la définition du gaz de mine. Mais le passage dans l’hémicycle les 3 et 4 octobre lors de l’examen en première lecture a marqué un net recul du gouvernement - en particulier sur le 'droit de suite" - justifié notamment par la nécessité de mieux "sécuriser" juridiquement le projet de loi.
Ainsi la production d'hydrocarbures conventionnels pourra se poursuivre au-delà de 2040 si l'industriel titulaire d'un permis n'est pas rentré dans ses frais. Une autre dérogation a été votée pour permettre la poursuite de l'exploitation du soufre du bassin de Lacq, sous l'impulsion de députés des Pyrénées-Atlantiques. "A notre grand regret, (...) alors que nous pelletions à mains nues en commission pour boucher les fameux trous de ce projet de loi, les lobbyistes utilisaient des pelles mécaniques dans les couloirs pour maintenir le droit de suite, point crucial et essentiel du code minier",  a ainsi déploré l'Insoumis Loïc Prud'homme.
Globalement, pour les Amis de la Terre, Attac France et 350.org, le texte voté est le résultat de renonciations et reculs successifs de Nicolas Hulot, depuis la présentation d’une première version au Conseil national de la transition écologique (CNTE) fin août (lire notre article ci-dessous) jusqu’à la discussion en plénière. "Face à l’urgence climatique, le ministre disait vouloir lancer un signal aux industriels, pour sortir des énergies fossiles, mais ce texte envoie le signal inverse : entre les intérêts économiques et le climat, ce sont toujours les intérêts économiques qui priment et ce, jusqu’à 2040, voire au-delà !", regrette Juliette Renaud, des Amis de la Terre France.
Loïc Prud'homme a enchaîné les formules égratignant un texte à l’image du sous-sol français qu’il entend préserver "truffé de trous et de vides" et concluant par l'appel  "Make Nicolas Hulot green again" face à un projet de loi qui éclaire finalement "les incohérences" voire "le double discours du gouvernement de M. Macron sur l’écologie et le climat". "Nous ne pouvons nous défendre du sentiment que le gouvernement cherche, à travers vous et à travers ce texte, à afficher une conscience écologique tout en autorisant, avec le Ceta, l’importation de pétroles canadiens hautement polluants (…)", a également relevé Hubert Wulfranc du groupe GDR pour soutenir une position d’abstention sur ce texte.
La réforme tant attendue du code minier - annoncée par le ministre dans le courant de 2018 - pourrait constituer une nouvelle occasion de "lever les dernières ambiguïtés", selon Christophe Bouillon (Nouvelle Gauche). Mais c'est surtout la définition des contrats de transition écologique et solidaire qui conditionne la réussite de ce texte, selon le député de Seine-Maritime, en traçant  les voies "au moyen de nombreuses formations, des emplois de demain dans les territoires".
Le projet de loi devra à présent être examiné par le Sénat au moins de novembre, pour permettre son adoption définitive d’ici la fin de l’année.