Interdiction de l'exploration d'hydrocarbures : le projet de loi adopté en commission
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l'Assemblée nationale a adopté dans la nuit du 26 au 27 septembre le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Ils ont notamment adopté un amendement s'appuyant sur une définition des techniques d’exploration et d’exploitation et non sur une définition des substances pour établir une distinction entre hydrocarbures conventionnels et hydrocarbures non conventionnels. Ils ont aussi encadré le "droit de suite" pour que les concessions accordées postérieurement à la promulgation de la loi au titulaire d'un permis exclusif de recherches soient théoriquement "bornées" à l'échéance de 2040.
La commission du Développement durable de l’Assemblée nationale a adopté, dans la nuit du 26 au 27 septembre, le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l’environnement. Auparavant, la commission présidée par la députée LREM Barbara Pompili avait auditionné le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Saisie au fond sur deux articles (4 et 5) portant sur des dispositions réglementant l’approvisionnement énergétique, la commission des Affaires économiques s’était quant à elle prononcée la veille sur ce texte emblématique annoncé par le candidat Macron dans son projet présidentiel.
En adoptant ce projet de loi visant à cesser l’exploitation de gaz et de pétrole sur le territoire national à l’horizon 2040, dans le sillage de l’Accord de Paris, la France entend tenir "un rôle moteur" sur la scène internationale dans la lutte contre le réchauffement climatique, dont le passage de l’ouragan Irma vient de rappeler "l’urgence absolue", a rappelé le ministre.
Mais alors que seulement 1% de la consommation pétrolière et gazière en France est couverte par une production nationale, l’opposition y voit un "symbole contre-productif". "Ce texte ne provoquera aucune réduction de la consommation d’hydrocarbures car il y aura un effet de substitution", a critiqué le député LR Julien Aubert, soulignant "une confusion évidente entre les notions de consommation et d’importation". Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne de la France insoumise, a également soulevé la contradiction d’un texte actant l’arrêt des hydrocarbures alors que le Ceta - le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne - laisse la porte ouverte à l’importation de pétroles de schiste hautement polluants.
Ce projet de loi est "un axe" du Plan climat présenté le 6 juillet dernier sur lequel il va falloir "greffer d’autres articulations" pour atteindre la neutralité carbone vers le milieu du siècle, s’est défendu Nicolas Hulot. Une révision de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie sera ainsi réalisée avant la fin 2018. Le gouvernement souhaite par ailleurs conduire à son terme la réforme du code minier "dans le courant de l’année 2018", a-t-il annoncé.
Pour accélérer la réalisation des projets d’énergies renouvelables en mer, un amendement gouvernemental adopté hier en commission vise également à changer le modèle de régulation des raccordements en mer.
Bataille sémantique
La rédaction du projet de loi déposé à l'Assemblée le 6 septembre dernier ne définit plus ce qu'est un "hydrocarbure non conventionnel" (les fameux gaz de schiste). Le gouvernement s’est en effet rangé derrière les principales remarques formulées par le Conseil d'Etat dans son avis délibéré le 1er septembre, notamment sensible à l’argument de fragilité constitutionnelle du texte. Ce projet de loi n’est pas sans failles pour les ONG et les collectifs locaux contre les gaz de schiste qui restent sur leurs gardes compte tenu des enjeux pour l’industrie pétrolière (lire notre article ci-dessous).
Avec cette version plus en retrait par rapport au projet initial présenté à la presse, les spéculations vont bon train. Les amendements destinés à réintroduire des éléments de définition ont tous été écartés à l’exception de celui présenté par le rapporteur du texte, Jean-Charles Colas-Roy (LREM). Cet amendement s’appuie toutefois sur une définition des techniques d’exploration et d’exploitation et non sur une définition des substances pour établir une distinction entre hydrocarbures conventionnels et hydrocarbures non conventionnels. Un autre amendement du rapporteur permet d’inclure explicitement le charbon dans la liste des substances dont l’exploration et l’exploitation doivent être interdites, même si en pratique la France ne produit plus de charbon depuis plusieurs années. Moins anecdotique, le texte précise clairement que la notion de gaz de mine - exclue du projet de loi - ne recouvre que le grisou et ne concerne pas les gaz de couche piégés dans des veines de charbon.
Encadrement du droit de suite
Autre point de discorde, le maintien du "droit de suite", qui fait que le détenteur d'un permis d'exploration pourra toujours demander un permis d'exploitation, généralement délivré pour 20 à 25 ans (actuellement, il y a 33 permis de recherche valides). Face au risque de pénalités colossales, le gouvernement a là encore préféré se plier à l’avis du Conseil d’Etat. "Si l’on remet en cause les droits acquis, l’ensemble du texte s’en trouvera fragilisé", a alerté le ministre interrogé notamment sur la signature de l’arrêté prolongeant le permis de recherche de Guyane Maritime. "J’espère que tout cela ne nous amènera pas au-delà de 2040 mais je ne peux pas le garantir", a reconnu Nicolas Hulot. Dès lors, il est légitime de s'interroger : la date butoir de 2040 a t-elle un sens ? Qualifiant ces objectifs de "prophétiques", Bertrand Pancher (Les constructifs) proposait d’y substituer la date de 2050 "plus en phase avec l’échéance que s’est fixée la France pour atteindre la neutralité carbone". Finalement, la commission a entériné l’amendement du rapporteur visant à "encadrer" le droit de suite. Les concessions accordées postérieurement à la promulgation de la loi au titulaire d'un permis exclusif de recherches - en application de l'article L. 132-6 du code minier - seront donc théoriquement bornées à l'échéance de 2040. Les informations relatives aux demandes et à la délivrance des titres miniers seront en outre mises à la disposition du public par voie électronique, au terme d'un autre amendement.
Contrats de transition écologique
Nicolas Hulot reconnaît qu’il convient nécessairement d’anticiper ces mutations en accompagnant les territoires impactés en termes de recettes fiscales et d’emploi. C’est l’objet des futurs contrats de transition écologique. Sur ce point, l’ancienne ministre de l’Environnement Delphine Batho (Nouvelle Gauche) invitait le gouvernement a fournir un rapport "dans les trois mois suivant la promulgation de la loi" ou pour le moins "une feuille de route" dans les semaines à venir. Trop tôt pour le ministre qui s’est en outre déclaré peu favorable à détailler dans la loi le contenu de ce dispositif qui conditionne pourtant à ses yeux le succès du texte.
Un amendement de la rapporteure du texte pour la commission des Affaires économiques (article additionnel après l’article 3) prévoit à une échéance plus lointaine -"dans un délai d’un an après la promulgation de la loi"- la remise d’un rapport au Parlement. Il s’agit d’anticiper l’arrêt de l’exploitation d’hydrocarbures sur le sol français à l’horizon 2040, "en proposant des solutions de reconversions aux territoires concernés", explique Célia de Lavergne. Cette question clef devrait certainement ressurgir lors de l’examen du texte en séance publique à partir du 3 octobre.
Protection des consommateurs d’énergie
L’autre volet du texte destiné à mieux protéger les consommateurs d’énergie a également été enrichi par quelques amendements adoptés en commission des Affaires économiques. Le texte valide ainsi pour le passé les conventions relatives à l’accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs (art. 5). Les consommateurs seront en outre informés sur le type du gaz qui leur est fourni, afin d’encourager le développement de la méthanisation et l’usage du biogaz (art. additionnel après l’art. 5).
Un nouvel article délimite clairement les possibilités de recours aux réseaux intérieurs des bâtiments n’appartenant pas au réseau public de distribution d’électricité. Il s’agit ici de lever le "régime de non-droit" en vigueur et de réduire le risque de contentieux futurs, précise la rapporteure.
Les articles 6 et 7 du projet de loi assurent la transposition de directives européennes en particulier la directive 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques. A ce titre, un amendement défendu par le groupe LR permet dès lors qu’un plan de protection de l’atmosphère (PPA) a été élaboré, la mise en place par le préfet, en concertation avec les collectivités concernées, d’un plan d’action "favorisant le recours aux énergies les moins émettrices de particules et facilitant le raccordement aux infrastructures gazières publiques existantes".