Famille - Familles monoparentales : les difficultés sociales reflètent les inégalités hommes-femmes
L'Insee publie pour la première fois, dans sa collection Références, le recueil "Couples et familles" (édition 2015), qui retrace "les différentes formes de couples et de familles aujourd'hui en France". Une douzaine d'articles très fouillés et de fiches thématiques explorent différents champs, mais on s'attardera surtout sur le cas des familles monoparentales, qui constituent une préoccupation croissante des politiques sociales et éducatives.
400.000 familles monoparentales supplémentaires en douze ans
Si le couple de parents mariés demeure "la forme largement majoritaire des familles" comptant au moins un enfant mineur, les familles monoparentales ne cessent de gagner du terrain. En Europe, la France se caractérise par un taux relativement élevé de familles monoparentales (environ 20% en métropole), soit un niveau similaire à ceux des pays scandinaves.
Ces familles connaissent une forte croissance : entre 1999 et 2011, elles sont ainsi passées de 1,20 à 1,58 million - soit près de 400.000 familles supplémentaires - et leur part dans l'ensemble des familles a progressé de 16,3% à 20,3%. La nature de ces familles s'est profondément transformée. En 1962, 55% des monoparents d'au moins un enfant mineur étaient veufs. Ils ne sont plus que 6% aujourd'hui, alors que 79% des situations de monoparentalité sont désormais liées à une séparation. Une évolution spectaculaire qui s'explique à la fois par la baisse de la mortalité précoce des adultes et par l'augmentation des divorces et des séparations de parents non mariés. Le solde, soit environ 15%, correspond aux conséquences d'une naissance hors d'un couple.
Autre évolution notable : la monoparentalité s'est progressivement répandue chez les femmes les moins diplômées. En 2011, 25% des mères sans diplôme vivent ainsi dans une famille monoparentale, contre 18% en 1999, alors que cette proportion est restée quasiment stable pour les mères diplômées du deuxième cycle universitaire ou équivalent (respectivement 11% et 12%).
Des parcours très différents
Si la plupart de ces chiffres sont déjà connus (voir par exemple notre article ci-contre du 8 septembre 2015), le plus intéressant, dans l'étude de l'Insee, concerne l'impact de l'inégalité des sexes sur la situation des familles monoparentales (ou l'inverse...).
Le premier enseignement est que les parcours des hommes et leur situation familiale restent très différents de ceux des femmes. Ainsi, seuls 15% des familles monoparentales ont un homme à leur tête et ce taux n'augmente que faiblement (13% en 1999). De même, les pères concernés comptent une proportion importante de diplômés de l’enseignement supérieur long (19%), ce qui n'est plus le cas des femmes.
Autre différence de taille : après une rupture, les hommes reforment un couple plus rapidement que les femmes. Ainsi, cinq ans après une séparation intervenue entre 25 et 50 ans, 57% des hommes ont reformé une union contre 46% des femmes. Quinze ans après une séparation, ces proportions sont respectivement de 75% et 64%.
Compte tenu des différences de diplôme entre les pères et les mères monoparentaux, ces dernières ont davantage de difficultés à s'insérer sur le marché du travail. Du coup, leur taux de chômage est nettement supérieur à celui des hommes dans la même situation (15% contre 7%).
Enfin, les femmes pâtissent davantage de la baisse de niveau de vie qu'engendre une séparation. Compte tenu des écarts de revenus entre hommes et femmes, cette baisse après une séparation est de l'ordre de 3% chez les hommes contre 20% chez les femmes.
Au final, cet ensemble de raisons explique la proportion élevée de mères monoparentales en situation de pauvreté - malgré l'effet redistributif incontestable des prestations sociales -, mais aussi les difficultés que celles-ci rencontrent pour s'insérer durablement sur le marché du travail.