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Exclusion - Les zones de pauvreté ne sont pas là où l'on croit

Grâce à son nouvel outil Filosofi - pour fichier localisé social et fiscal (voir encadré) - l'Insee publie une étude innovante sur la répartition spatiale de la pauvreté. Celle-ci porte à la fois sur le taux de pauvreté (13,9% de moyenne nationale en 2012) et sur l'intensité de la pauvreté (20,5% en 2012), un indicateur moins usité qui mesure l'écart relatif entre le niveau de vie médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté. Sur le plan strictement géographique, ce travail confirme des situations déjà connues. Ainsi, les taux de pauvreté les plus élevés sont très nettement concentrés au sud de la Loire et dans le Nord-Pas-de-Calais. Entre les deux, la seule exception locale est la Seine-Saint-Denis.

Bretagne et Pays de la Loire : les régions les moins pauvres

Les taux de pauvreté les plus élevés s'observent ainsi dans les régions Corse, Languedoc-Roussillon et Nord-Pas-de-Calais (autour de 20% pour ces trois régions). Cela vaut pour tous les départements composant ces régions - qui affichent entre 18% et 23% de taux de pauvreté -, à l'exception de la Lozère. D'autres départements connaissent également des taux de pauvreté élevés, entre 18% et 20% : Vaucluse, Bouches-du-Rhône, Ariège, Creuse, Ardennes et Aisne.
A l'inverse, les régions présentant les plus faibles taux de pauvreté sont la Bretagne et les Pays de la Loire (autour de 11%). Si on raisonne à l'échelon départemental on trouve dans cette catégorie la Loire-Atlantique, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine et la Vendée, ainsi que - hors ces deux régions - les Yvelines, la Savoie, la Haute-Savoie et l'Ain (autour de 10%). A noter au passage : les contrastes très marqués au sein de l'Ile-de-France. Celle-ci comprend en effet à la fois les Yvelines, avec un taux de pauvreté de 9%, et la Seine-Saint-Denis, avec 27%.

Les couronnes des grands pôles urbains, zones de non pauvreté ?

Le plus intéressant de l'étude réside toutefois dans la répartition de la pauvreté selon la caractérisation des communes par l'Insee : grands pôles urbains (dont villes-centres et banlieues), couronne des grands pôles urbains, communes multipolarisées, moyens pôles, couronnes des moyens pôles, petits pôles, couronnes des petits pôles, autres communes multipolarisées et communes isolées hors influence des pôles.
L'étude montre que, contrairement à une idée reçue, les taux de pauvreté les plus élevés - et de loin - s'observent dans les villes-centres des grands pôles urbains : 19,5%, contre 13,9% dans les banlieues, 15,7% dans les moyens pôles et 15,6% dans les moyens pôles. Surprise : les couronnes des grands pôles urbains - supposées concentrer des classes moyennes et populaires en déshérence - n'affichent que 8,8% de pauvreté, ce qui en fait les territoires les moins pauvres de France (où vivent quand même 12,2 millions d'habitants).
En termes démographiques, les ménages les plus touchés par la pauvreté sont les ménages jeunes (dont le référent fiscal est âgé de moins de trente ans), ceux de cinq personnes ou plus et les familles monoparentales.

Jusqu'à 40% de pauvreté dans les familles monoparentales du Nord-Pas-de-Calais

Ce critère démographique se combine avec l'approche territoriale, jusqu'à atteindre, par exemple, des taux de pauvreté de 34% et 40% chez les ménages jeunes et les familles monoparentales du Nord-Pas-de-Calais et de 24% chez les ménages de plus de cinq personnes en Ile-de-France. Là aussi, les villes-centres des grands pôles urbains concentrent les plus forts taux de pauvreté chez ces catégories de ménages, à égalité avec les petits et moyens pôles. A nouveau, les couronnes des pôles sont les moins touchées par la pauvreté dans ces catégories. Dans les couronnes des grands pôles urbains, seuls 13% des ménages jeunes sont pauvres, de même que 14% des ménages de cinq personnes ou plus, mais 23% des familles monoparentales.
Les disparités de niveau de vie au sein d'un même territoire sont très variables, les écarts les plus importants concernant l'Ile-de-France - et plus particulièrement Paris et les Hauts-de-Seine -, ainsi que les départements de Haute-Savoie, des Alpes-Maritimes, de la Haute-Garonne, du Rhône et de l'Ain. En termes de niveau de vie médian, les couronnes des grandes aires urbaines se classent à nouveau en tête. L'Insee relève aussi que, dans les grands pôles urbains, les niveaux de vie médians sont "presque toujours plus élevés en banlieue qu'en ville-centre", avec toutefois une dizaine d'exceptions comme Paris ou Lyon où nombre de ménages très aisés résident dans la ville-centre.

Jean-Noël Escudié / PCA

Filosofi, un nouvel outil pour mesurer la pauvreté
Filosofi, le fichier localisé social et fiscal, opérationnel à compter des données de 2012, propose "une nouvelle lecture de la carte des revenus, des inégalités et de la pauvreté monétaire en France métropolitaine en mettant à disposition des données à un niveau territorial plus fin que le département, allant jusqu'à la commune et prochainement à des niveaux infracommunaux". Tout l'intérêt de Filosofi est de rapprocher des données fiscales exhaustives issues de la direction générale des finances publiques (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d'habitation et fichier d'imposition des personnes physiques) et des données sur les prestations sociales émanant des principaux organismes gestionnaires (Cnaf, Cnav, CCMSA). Selon l'Insee, ceci "permet de reconstituer un revenu déclaré (avant impôt) et un revenu disponible (après impôt et y compris prestations sociales)".
Autre intérêt de Filosofi : les données nationales présentées ci-dessus sont déclinées dans 22 études régionales (pour la métropole) également accessibles sur le site de l'Insee. 

 

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