Lutte contre l'exclusion - Les phénomènes émergents de pauvreté semblent ralentir... à moins qu'on s'y habitue
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie, dans sa série des "Dossiers solidarité et santé", une étude sur les phénomènes émergents de pauvreté entre 2010 et 2013. Celle-ci a été réalisée à partir d'une enquête de panel auprès d'environ 2.000 structures sociales. Ces dernières sont réparties en trois catégories : les structures de lutte contre la grande pauvreté (CHRS, Cada, aide alimentaire...), les "structures larges" (services sociaux départementaux, Pôle emploi, insertion par l'activité économique, permanences d'accès aux soins de santé...) et les "structures du pôle jeunesse" (écoles, Crous, centres de PMI et services communaux pour l'enfance). La part respective de ces trois catégories dans l'échantillon est respectivement de 35%, 40% et 25%. En termes géographiques, l'étude couvre trente départements. Les structures retenues ont été réinterrogées tous les six mois entre 2010 et 2014, afin de mesurer les évolutions et l'émergence éventuelle de nouveaux phénomènes de pauvreté.
Une grande diversité de publics
Au final, les résultats semblent assez "limités" au regard du dispositif déployé. Ainsi, sur les "publics habituels", la Drees observe que les hausses de fréquentation des structures participantes sont plus nombreuses que les baisses, ce qui n'est guère étonnant au vu de l'évolution de l'emploi sur la période. Ces hausses de fréquentation touchent plus particulièrement les personnes au chômage et celles en difficulté financière, de même que les enfants et les jeunes (+8 points sur la période pour les moins de 25 ans). Autre constat : l'affluence de personnes étrangères, constatée tout particulièrement par les structures de lutte contre la grande pauvreté (+9 points sur la période).
De façon un peu moins prononcée, mais néanmoins bien réelle, les structures participantes relèvent une progression du public féminin (+5 points) - avec à nouveau une hausse plus marquée sur les structures de lutte contre la grande pauvreté -, ainsi que des familles monoparentales (+7 points, mais avec une atténuation à partir de 2012) et des personnes en rupture familiale.
Pour leur part, les "structures larges" observent, au cours de la période, une hausse des accueils de personnes âgées de plus de 50 ans (+5 points en moyenne). Enfin - et de façon assez logique dans la mesure où elles regroupent notamment les CHRS et les Cada -, les structures de lutte contre la pauvreté sont confrontées à un nombre croissant de personnes mal logées (+6 points), qui recouvrent des publics très divers.
"Un phénomène de moins en moins cité"
De façon plus large, la Drees observe que l'émergence de nouveaux publics en situation de pauvreté constitue "un phénomène de moins en moins cité par les structures interrogées". En novembre 2010, elles étaient ainsi près de 60% à remarquer l'émergence de nouveaux publics, contre 40% en mai 2011 et 33% lors de la dernière vague d'enquête de 2013. Il est toutefois difficile de déterminer s'il faut y voir un "effet d'accoutumance" ou l'achèvement de la diffusion des phénomènes de pauvreté à un grand nombre de publics.
Certains phénomènes semblent même marquer le pas. Ainsi, si l'apparition des populations étrangères, des migrants et des sans-papiers correspond à une "émergence stable" sur la durée de l'étude, d'autres publics connaissent des évolutions plus contrastées. Par exemple, la forte émergence des jeunes adultes est signalée en début de période, mais l'arrivée de ce nouveau public est ensuite nettement moins mentionnée. Il en va de même pour l'émergence des personnes au chômage, plus importante dans la vague de novembre 2010 que par la suite.
A l'inverse, d'autres phénomènes semblent plus marqués en fin de période, à l'image de l'émergence des enfants, ressentie par les structures du pôle jeunesse surtout à partir de la fin de 2013.
Quelle qu'en soit l'ampleur, il reste que ces phénomènes d'émergence de nouveaux publics touchés par la pauvreté posent question aux structures étudiées. Ainsi, seules 7% d'entre elles se jugent très bien armées pour prendre en charge une nouvelle catégorie de personnes. A l'inverse, 14% se disent très mal ou pas du tout armées pour faire face à une telle situation.