Archives

Personnes âgées - Face aux nombreux abus, la loi Consommation va mieux protéger les résidents des Ehpa

Publiée au Journal officiel après la censure par le Conseil constitutionnel des articles sur le registre national du crédit aux particuliers (voir notre article ci-contre du 14 mars 2014), la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation comporte plusieurs dispositions très attendues pour mieux protéger les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées (Ehpa), ainsi que les utilisateurs de services agréés d'aide et d'accompagnement à domicile (sur les autres dispositions de la loi, voir ci-contre notre article de ce jour).

Attention à l'information dans les services d'aide à domicile

Les dispositions concernées figurent aux articles 117 à 119. Ainsi, l'article 117 instaure, pour les services d'aide à domicile, des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de conclusion d'un contrat et de remise d'un livret d'accueil. L'amende administrative peut alors aller jusqu'à 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale. De même, lorsqu'un service agréé ne respecte pas le taux annuel de progression des tarifs fixé chaque année par un arrêté du ministre de l'Economie et des Finances (en fonction de l'évolution des salaires et du coût des services), il sera désormais passible d'une amende administrative des mêmes montants.

Deux articles pour limiter certains abus en Ehpa

Vis-à-vis des maisons de retraite, l'article 118 de la loi du 17 mars 2014 prévoit qu'"au décès du résident, dès lors que ses objets personnels ont été retirés des lieux qu'il occupait, seules les prestations d'hébergement délivrées antérieurement au décès mais non acquittées peuvent être facturées". Ceci devrait mettre un terme aux abus consistant à facturer le mois entier. Dans le même esprit, "les sommes perçues d'avance correspondant à des prestations non délivrées en raison du décès sont restituées dans les trente jours suivant le décès". Toute stipulation contraire à ces nouvelles dispositions et figurant dans le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge est réputée non écrite. Le fait de facturer des frais en méconnaissance de ces dispositions est passible d'une amende administrative "dont le montant ne peut excéder ni 1.000 fois le tarif journalier correspondant à l'ensemble des prestations relatives à l'hébergement facturé au résident au cours de sa dernière année civile de séjour, ni 100.000 euros". Par ailleurs, il est précisé que toutes ces dispositions s'appliquent également aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi.
Enfin, l'article 119 précise que les établissements accueillant des personnes âgées doivent réaliser un état des lieux contradictoire à l'entrée et à la sortie du résident. Aucune somme ne peut être exigée pour la remise en état des lieux occupés si cet état des lieux contradictoire n'a pas été réalisé à l'entrée et à la sortie. Le fait de facturer des frais en méconnaissance de cette disposition est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder ni 500 fois le tarif journalier, ni 50.000 euros.

Pour la DGCCRF, 48% des maisons de retraite sont en infraction

Ces dispositions sont les bienvenues au moment où - hasard du calendrier ? - la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) publie son rapport annuel sur les contrôles dans les maisons de retraite privées. Si la DGCCRF "constate une amélioration des pratiques dans ce secteur" et si le taux des anomalies relevées est effectivement en baisse, il demeure néanmoins à un niveau élevé : près d'un établissement sur deux (48%) se trouve ainsi en infraction, contre 59% en 2012.
Si certaines infractions relevées - comme les facturations post décès ou les hausses non autorisées de tarifs - devraient disparaître ou du moins fortement reculer avec la loi du 17 mars 2014, le rapport de la DGCCRF relève aussi bien d'autres anomalies, d'une gravité très variable. Près de 60% des infractions concernent ainsi le défaut d'affichage des prix, mais 40% d'entre elles concernent des pratiques abusives : erreurs - volontaires ou non - sur les prix, tromperies sur les prestations proposées, politiques tarifaires opaques, non remise d'un livret d'accueil, absence d'affichage des prestations assurées par des intervenants extérieurs, "oubli" d'actualisation des tarifs sur les sites internet... Sans oublier quelques pratiques plus "folkloriques" comme des documents publicitaires mentionnant des établissements "trois étoiles" (classement qui n'existe pas pour les Ehpa) ou vantant la proximité avec la mer, pourtant distante de plus d'un kilomètre et inaccessible aux personnes âgées...

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : loi 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (Journal officiel du 18 mars 2014)
 

Une enquête qui passe mal

Le rapport de la DGCCRF n'a pas vraiment été bien accueilli par les représentants des établissements. La Fédération hospitalière de France réagit modérément en demandant de ne pas "jeter l'opprobre sur l'ensemble des maisons de retraite" et en rappelant que les maisons de retraite publiques - que représente la FHF - "accompagnent au quotidien les personnes âgées et leurs proches en toute transparence, dans un cadre contractualisé avec les financeurs qui ne permettent pas d'augmenter les tarifs au-delà du prix affiché". En revanche l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) réagit violemment en affirmant que la DGCCRF "communique de façon honteuse sur des fraudes en maisons de retraite" et "jette le discrédit sur toute une profession".
De leur côté, Benoît Hamon et Michèle Delaunay publient un communiqué prudent, en indiquant que "les contrôles n'ont pas porté sur la qualité des soins et la prise en charge médicosociale, qui relèvent d'autres autorités de surveillance" et en rappelant que l'enquête porte "sur un panel de 25% du total des places qui n'inclut pas les établissements habilités à l'aide sociale (qui forment la très grande majorité des établissements)".

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis