Mulhouse Alsace agglomération s’achemine vers une tarification unitaire de l’eau (68)

Sécheresse, pollution des nappes phréatiques, déperdition d’eau en raison de la vétusté des canalisations : les défis auxquels sont confrontées les collectivités exigent de mobiliser des moyens colossaux à l’échelle d’une seule commune. « Même en Alsace, des communes peuvent manquer d’eau parce qu’elles ne sont pas connectées aux réseaux voisins et dépendent de leur seule ressource », précise Loïc Richard, vice-président en charge des transitions environnementales et énergétiques de Mulhouse Alsace agglomération. C’est dans ce contexte que l’agglomération a entrepris la démarche d’homogénéisation de la tarification de l’eau, établie jusqu’alors à des niveaux très disparates. Pour les 35 communes qui adhérent au dispositif, sur les 39 que compte le territoire, on dénombrait 28 structures tarifaires différentes, avec des tarifs variant quasiment du simple au quadruple. « Bien sûr, chacune des collectivités considérait que sa tarification était juste, légitime et adaptée à ses particularités, se rappelle Loïc Richard, vice-président. Il fallait convaincre de converger vers un service communautaire et vaincre les réticences de communes dotées de syndicats ou de régies et qui, pour une bonne part, n’avaient pas de problème immédiat avec la gestion de l’eau. »

Anticiper les évolutions…

Dès 2020, un dialogue s’engage avec les communes et en particulier avec les nouveaux élus, qui ne sont pas toujours au fait des problématiques de l’eau. Les discussions portent alors sur la gestion présente mais évaluent également la question sur le long terme, avec la menace de tensions qui touchent déjà de nombreux territoires en France. Mulhouse Alsace agglomération commence alors à travailler sur un schéma directeur pour anticiper les évolutions et se projeter sur les changements et travaux nécessaires, à l’échéance d’une quinzaine d’années.

…Programmer les changements nécessaires

« Durant cette première phase d’échanges et d’objectivation, nous avons procédé à un inventaire des réseaux du périmètre. Nous avons aussi répertorié les projets des communes pour la rénovation des équipements, voirie incluse, et procédé à leur chiffrage consolidé. Ce travail a été long et compliqué à effectuer, car il est difficile de retrouver les plans des réseaux existants et leur date d’installation, qui est souvent très ancienne. C’est un travail pourtant indispensable pour évaluer le plus précisément possible le coût de la modernisation des réseaux et de leur interconnexion, afin de garantir une distribution solidaire de l’eau dans l’agglomération. Nous avons estimé ce coût à environ 10 millions d’euros par an jusqu’en 2026, puis 13,75 millions à partir de cette date, ce qui nous a permis de déterminer le prix de l’eau et la recette qu’il faudra en extraire pour financer les travaux. » Afin d’assurer la compatibilité entre l’ambition des communes et les moyens nécessaires, la collectivité s’est appuyée sur un cabinet de simulation financière. « Une fois ces données objectivées, on trouve plus facilement un accord avec les communes sur la convergence des tarifs », constate Loïc Richard.

Une gouvernance partagée avec les communes

En 2023, la régie municipale de l’eau de la ville de Mulhouse, qui opérait déjà sur des communes alentour, se métamorphose en régie intercommunale en charge de la protection, de la production et de la distribution de l’eau potable. Sa gouvernance est assurée par un conseil d’exploitation composé d’élus des 35 communes membres. En complément, le territoire est subdivisé en cinq secteurs portés par cinq élus référents qui animent les réunions de préparation du conseil d’exploitation et qui siègent au sein du bureau. Cette gouvernance fluidifie les relations entre les communes et la régie intercommunale, aide à fixer les priorités de travaux pour chaque commune et fait, selon l’édile, « progresser l’esprit communautaire ».

Une convergence tarifaire échelonnée sur huit ans

Des ateliers projet organisés au premier trimestre 2024 avec une cinquantaine de représentants des communes, de la société civile et de la régie de l’eau de l’agglo ont contribué à approfondir le dispositif de convergence vers un prix unique du mètre cube, que ce soit pour la partie fixe ou pour la partie variable. Son indexation sur l’inflation est programmée et la présentation des factures sur un même modèle a également été décidée. Aux yeux de la directrice générale adjointe du pôle transition écologique, énergétique et ressources environnementales, Florence Fuchs-Jesslen, « ce travail partenarial et pédagogique a encore fait baisser les inquiétudes des élus vis-à-vis du transfert de la compétence. » La délibération d’avril 2024 acte les modalités de la convergence tarifaire. Elle sera progressive avec un étalement sur huit ans et un objectif tarifaire, en moyenne pondérée, de 1,7007 euros TTC par mètre cube à échéance. La part fixe est harmonisée depuis le 1^er janvier 2025.

La démarche qui a conduit à ce résultat est très liée au pacte de gouvernance partagée mis en place par la collectivité au cours des dernières années (voir l’article en lien ci-dessous). Reste aujourd’hui à compléter le dispositif, en finalisant le schéma directeur de l’eau potable. Un document que la collectivité considère comme indispensable pour répondre aux grands enjeux que pose la ressource en eau, sa qualité et sa distribution.