Grâce l'intelligence artificielle, la CAPI fait la chasse aux fuites d'eau (38)

Comme de nombreuses intercommunalités, la communauté d’agglomération Porte de l’Isère (CAPI) possède un réseau d'eau ancien, construit pour l'essentiel voici 80 ans. Des années qui pèsent sur son rendement, autrement dit le rapport entre l'eau consommée par les usagers et l'eau injectée par la collectivité. Si le rendement moyen est de 80 %, il varie fortement en fonction des secteurs géographiques. Or, à l'heure de la sobriété environnementale, ces litres d'eau perdus dans la nature deviennent inacceptables. « Le remplacement de l'ensemble du réseau nécessiterait des investissements colossaux. Nous avons donc voulu explorer d'autres solutions », explique Fabien Durand, vice-président délégué au cycle de l’eau de la CAPI et maire de Saint-Savin.

Une centaine de données croisées

Dans cette optique, la collectivité, avec l'accord de la Semidao, société publique locale qui assure l'exploitation du réseau de distribution de l'eau potable, s'est orientée vers la solution de la startup tricolore Leakmited. Celle-ci propose de détecter les fuites d'eau en s'appuyant sur une intelligence artificielle (IA) et l'exploitation d'une centaine de jeux de données. En pratique, cette approche consiste à croiser les données du réseau de la CAPI (âge, caractéristiques des canalisations, données de comptage et de facturation…) avec des données ouvertes sur la topographie, la nature des sols ou encore le trafic routier. L’IA aide ainsi à identifier les zones de vulnérabilité du réseau, en calculant la probabilité de trouver une fuite sur un périmètre donné. 

Expérimentation probante

Avant de déployer la solution, la CAPI l'a testée sur 3 communes de l'agglomération. « En l’espace de quelques jours, l’IA a identifié des fuites là où nous n’aurions jamais pensé les chercher, comme sur une portion de réseau récente en PVC », fait valoir Fabien Durand. L’expérimentation a permis de localiser, en quelques jours, une quinzaine de fuites dans les trois communes pilotes. Un résultat à comparer avec la soixantaine de fuites détectées jusque-là, à l'aide de méthodes plus traditionnelles. La solution s'avère notamment particulièrement performante pour repérer des fuites complexes, comme celles affectant des canalisations en sous-sol.

Extension progressive du périmètre

Convaincue par ce test, la Semidao réfléchit à un déploiement, et a ciblé une commune où le rendement est le plus mauvais : la commune de Saint-Savin. Cinq fuites, dont deux majeures, ont été détectées, entraînant des économies substantielles : « En seulement quinze jours, nous avons économisé 150 mètres cubes d’eau par jour, soit l’équivalent d’une piscine », se réjouit le maire. Ces économies dégagent des marges de manœuvre pour la collectivité et sont réinjectées dans des investissements de modernisation du réseau d'eau potable. 

Complémentarité des métiers

L’introduction de l’IA dans la gestion des réseaux d’eau soulève des questions sur l’avenir des métiers liés à la détection des fuites. Cependant, l’expérience menée sur le territoire isérois a montré que cette technologie ne remplace pas l’expertise humaine, mais la complète. Les techniciens de terrain, appelés « chasseurs de fuites », continuent d’intervenir, avec une précision accrue grâce aux informations fournies par l’algorithme. « L’IA nous aide à mieux cibler nos efforts, mais elle ne remplace en aucun cas l’expérience et la connaissance de nos agents », conclut le maire.