À Rodez, l'usine d'eau potable produit sa propre énergie (12)
Depuis 2015, l'usine d'eau potable de Rodez produit autant d'électricité qu'elle en consomme. Pour cela, elle valorise l'énergie née de la vitesse de l'eau, captée 150 mètres plus haut. L'électricité produite est revendue à une coopérative et réinjectée dans le réseau électrique. L'innovation, simple techniquement, n'aurait, à ce jour, pas d'équivalent en France !
Depuis la fin du XIXème siècle, les Ruthénois (habitants de Rodez) sont alimentés en eau potable depuis 11 sources, un forage et deux barrages, situés sur le plateau du Levézou, à 50 km de la préfecture de l'Aveyron. Captée 150 mètres plus haut que son lieu de consommation, l'eau descend par gravité vers Rodez. Cette pente naturelle mène l’eau vers les 10 000 foyers alimentés, et grâce à elle, la ville de Rodez a mis en place en 2015 un dispositif novateur : elle produit de l'électricité hydraulique directement dans son usine d'eau potable de la Boissonade, sur la commune de Luc-Primaube, et compense ainsi la consommation électrique nécessaire à rendre l'eau potable.
En 2008, une nouvelle équipe municipale est élue à Rodez. « Certains d'entre eux étaient des anciens d'EDF et c'est le point de départ du projet. Les élus demandent au directeur de la régie de l'eau de chercher une solution pour valoriser l'énergie potentielle de l'eau qui arrive sous pression à l'usine », indique Patrick Gayrard, vice-président de Rodez Agglo, responsable du conseil d'exploitation de l'eau. À l’époque, Eau de Rodez est une régie municipale, elle est depuis le 1er janvier 2020 passée à l'échelon de l'agglomération, en régie avec seule autonomie financière.
Une incertitude administrative
La première étape à franchir est juridique : est-il possible de produire de l'électricité dans une usine d'eau potable et peut-on obtenir un certificat ouvrant droit à l'obligation d’achat de l'énergie ainsi produite (Codoa) ? Rapidement, les élus se rendent compte qu'il n'existe aucun texte encadrant ce type de production électrique et que la collectivité ne pourra pas bénéficier d'un tarif réglementé de rachat. La ville de Rodez décide tout de même d'engager le projet, en s'appuyant juridiquement sur l'arrêté préfectoral qui l'autorise à prélever et traiter l'eau. « On rentrait complètement dans l'esprit des lois mais sans la forte volonté politique des élus, qui ont accepté une certaine prise de risque juridique, le projet n'aurait pas abouti », insiste le vice-président.
Le choix de la « low-tech »
Deux solutions techniques sont envisagées. La Turbine Pelton à contre-pression (TPCP), qui équipe classiquement les centrales hydroélectriques, a l'avantage d'avoir un rendement élevé mais aussi un coût élevé. L'autre solution est une pompe turbine, qui adapte une pompe classique : en tournant à l'envers, le moteur devient générateur d'électricité. « Le rendement électrique de la pompe turbine est un peu moins élevé mais elle est moins coûteuse, souligne Benoît Legeay, directeur de la régie de l’Eau de Rodez. Surtout, c'est un matériel que nous connaissons bien, que nous savons entretenir, avec des pièces détachées à prix raisonnable. » Le savoir-faire local fait pencher la balance en faveur de ce choix « low-tech ». Un travail avec le fournisseur allemand permet ensuite d'adapter une solution déjà développée en Allemagne mais jamais en France.
La pompe turbine de l'usine de la Boissonade commence à produire en 2015. Après une première année de fonctionnement, la régie se tourne vers Enercoop, qui lui propose un tarif de rachat fixe sur 5 ans. En 2020, elle signe à nouveau pour 10 ans avec la coopérative, un peu en dessous du tarif réglementé. « Nous avions estimé la production à 350 000 kWh/an au départ du projet, nous en produisons 280 000 en moyenne sur les 7 années de fonctionnement, précise le directeur. C'est l'équivalent de la consommation électrique de l'usine qui potabilise l'eau par ozonation. » Le directeur se félicite aussi du choix technique : « C'est un système très fiable, qui demande peu d'entretien, qui n'a eu aucune panne, parfait pour de petites structures comme la nôtre ». Seul petit souci : une abrasion prématurée des garnitures des pompes par le sable contenu dans l'eau.
Demain, de la production électrique solaire ?
Si la ville de Rodez a reçu la visite de plusieurs collectivités intéressées par cette innovation, il n'y a pas, à la connaissance du directeur, d'autre structure ayant réalisé un tel projet en France. « Peut-être est-ce lié à la prise de risque juridique et financière, le dispositif n'étant pas officiellement répertorié ? » Produire de l'électricité n'est bien sûr pas le métier premier d'Eau de Rodez, mais cette innovation réussie invite la régie à poursuivre la réflexion : « On imagine peut-être installer des panneaux solaires sur les toits de nos réservoirs enterrés. On n'en est qu'aux prémices de la réflexion, mais c'est une idée intéressante à creuser », conclut le directeur. L'usine de la Boissonade deviendrait alors productrice nette d'énergie.
Eau et production électrique à Rodez en quelques chiffres
- 165 700 € d'investissement, subventionnés à 20 % par la région Occitanie ;
- 280 000 kWh produits en moyenne annuelle sur 7 ans : l'équivalent de la consommation électrique de 50 foyers ou de la consommation électrique totale de l'usine ;
- Contrat de revente de l'électricité 2021-2031 : 0,04 €/kWh l’été et 0,06 €/kWh l’hiver contre 0,07 € /kWh pour le tarif de rachat de l'hydroélectricité (si Codoa) ;
- 6 000 m3 d'eau potable produits chaque jour ;
- 10 000 abonnés, soit environ 25 000 personnes.
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